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COMEDIE.

Et je vois que la vie offre toûjours des vuides
Qui font remplis par les ennuis.
LA VERITE.

C'eft le fort des cœurs trop avides

De ce qu'on nomme amusemens :
Les plaifirs doivent-ils marquer tous vos momens?
C'est une fource qui s'épuife;

Pour la faire durer long-temps,
Modérément il faut que l'on y puife;

Si l'on ne la ménage on ceffe d'en joüir.
Dès qu'à l'oifiveté votre cœur s'abandonne
Le plaifir eft pour vous prompt à s'évanouir:
Ce n'est que le travail qui donne

Le talent de fe réjouir.

Travaillez donc, & prompt à vous défaire
Des inutilités dont vous êtes épris,
D'un objet férieux, occupez vos efprits:

Mille futilités ne font

pas une affaire;

Et qui plus eft, je vous foutiens

Que, peut-être, il vaudroit tout autant ne rien faire, Que de faire toûjours des riens.

DORANT E.

Mais à quoi voulez-vous encor que je m'applique ?

LA VERITE'.

A quoi ? Vous m'étonnez : Eh Monfieur, fur ce point Eft-il befoin que je m'explique?

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L'ECOLE DU TEMPS,

On peut en cent façons fervir la République ;
A qui veut s'occuper l'Emploi ne manque point.
Voïez tous ces mortels qui confacrent leurs veilles
Au bonheur de l'Etat dont ils font adorés.

Mais au milieu de ces merveilles

Rougiffez d'être au rang des hommes ignorés.
Tout homme dont l'ame indolente

N'enfante rien d'utile à la fociété,

Eft un lâche Frélon, qui dans l'oifiveté,
Avec l'abeille vigilante,

Veut partager un miel qu'il n'a point apprêté.
DORANTE.

Je vois où me conduit votre moralité

Il eft jufte que j'y réponde.

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Vous voulez que je prenne un état dans le monde,
N'eft il pas vrai? Mais quoi ! N'ai-je pas herité

Du titre glorieux par mon pere acheté ?
Habile à reformer ce qu'a fait la nature,
Sur ma famille il a jetté

Cet éclat merveilleux qui couvre la roture,
Et mon nom déformais chez la race future.
Peut voler avec dignité.

LA VERITE.

Eh! fuffiez-vous de qualité.

Le titre de Seigneur ne feroit votre éloge,

Qu'autant que par vos foins vous l'auriez mérité.

Mais

COMEDIE.

Mais, à ne rien faire, on déroge.

DORANTE.

Comment! D'un tel difcours je fuis épouvanté.
Renoncer aux douceurs de la tranquillité ! ..............
Oh! parbleu, c'est payer chérement la noblesse.
Et puis, perdre fa liberté !.....

C'eft une tyrannie, une inhumanité.
LA VERITE.

Allons, un peu mois de foibleffe
En faveur de la nouveauté.

DORANTE.

Vous êtes féduifante; &....je ferois tenté
Quoique votre fyftême & m'allarme & me bleffe;
D'en eflayer l'utilité.

Mais fongez, qu'entre nous, il vient d'être arrêté
Qu'après un fi pénible rôle,

Le Plaifir, qui m'a fait une infidélité,
Plus vif & plus piquant me fera présenté.
LA VERITE.

Oui, je vous tiendrai ma parole ;
Et vous verrez que, pour être goûté,
Le plaifir veut être acheté.

B

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1-8 L'ECOLE DU TEMPS,

L

SCENE I V.

LA VERITE, ROSETTE.

ROSETTE, en faisant la réverence.

E foin de pénétrer un fecret qui me touche,
En ces lieux a guidé mes pas;

Le Temps ne refufera pas

De m'éclaircir par votre bouche.
LA VERITE.

Je ne pardonne qu'aux mamans
De fe plaindre du Temps dont la faux inhumaine
A moiffonné leurs agrémens;

Si le dépit me les améne

'Je leur dirai: chaque chofe a fon temps.' Puis-je em pêcher l'Hyver de fuivre le Printems?' Mais vous, que de fes fleurs la Jeuneffe couronne, Qu'une foule d'Amans en tous lieux environne, Que peut-il vous refter encore à defirer?

Contre le Temps enfin ofez-vous murmurer?

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DuTemps, quant à préfent, j'aurois tort de me plaindre Mais c'eft pour l'avenir que je crois devoir craindre.

LA VERITE.

Voions quelle frayeur a troublé vos efprits.

COMEDIE.
ROSETTE en hésitant.

Pour moi, depuis un an Lifidor eft épris
De la plus vive ardeur ....

LA VERITE.

La chofe eft naturelle,

Beaucoup d'autres y feroient pris.

ROSETTE.

Chaque jour il me jure une ardeur éternelle....
LA VERITE.

Oh! je me l'imagine bien,

Les fermens en amour ne coûtent presque rien;

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Mais, ce n'eft que de bonne forte;

Car ma mere me dit que l'Amour eft trompeur,
Que les fermens qu'il fait, le Zéphir les emporte
Et, quand j'y fonge bien, l'avenir me fait peur,
Avant donc qu'une forte chaîne,
M'uniffe à Lifidor, je veux, pour prévenir
Les maux que me feroit fouffrir

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