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L'ECOLE DU TEMPS, Une infidélité peut-être trop prochaine,

Sçavoir au jufte, déformais,

Si mon amant ne changera jamais.
L'avenir eft pour vous fans ombre & fans nuages;
Madame, daignez m'éclaircir:

Croïez-vous Lifidor capable de groffir
La foule des Amans volages?
LA VERITE.

Moi, que j'ofe vous dévoiler

L'avenir, fur un point de cette conféquence ! Non (quoique votre bouche ait beaucoup d'éloquence)

'Je me garderai bien de vous le révéler.

Comment! L'Amour auroit un reproche à me faire;
Son Régne pafferoir plus vite qu'un éclair
Si, dans cette importante affaire
Meffieurs les Amans voïoient clair.

ROSETTE.

Vous m'étonnez!

LA VERITE.

Que je vous jure,

Que trop prompt à se dégager,

Dans huit jours, Lifidor infidéle & parjure

Ne pourra réfifter au defir de changer?

ROSETTE épouvantée.

Ciel! Que me dites-vous?....

LA VERITE.

Quoi ! Déja toute émûë

Contre le moindre choc vous ne fçauriez tenir,
Ma chere, & vous voulez pénétrer l'avenir ?
Eh! S'il offroit à votre vue,

D'un changement réel, la difgrace imprévuë,
Pourriez-vous mieux la foutenir ?

Non, en votre faveur, c'eft trop vous prévenir.
Trop sûre de votre infortune,

Du fatal changement que vous redouteriez
Au fond de votre cœur partout vous porteriez
L'Image odieufe, importune;

Et par votre chagrin vous l'anticiperiez:
Ou, fuivant un autre fiftême,

Peut-être auffi

, que

de vous-même

La prémiere vous changeriez ;

Car fouvent une belle appelle à fa défense
Les fentimens altiers d'un orgueil outrage;
Alors en prévenant l'offense,

Votre fexe en fecret fe croit affez vengé :
que devient l'Amour; L'Amour eft négligé.
ROSETTE.

Mais

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L'ECOLE DU TEMPS,
Une félicité déplaît dès qu'elle est sûre ;
On méprise un plaifir qui ne peut échapper.
L'homme, ennuyé d'un bien qui passe en habitude
Ne daigne plus s'en occuper :

Le goûs naît de l'obstacle & de l'incertitude.
Chériffez le bandeau qui vous couvre les yeux,
Il fauve à votre cœur bien de l'inquiétude;
Il doit vous être précieux.

C'eft fur ce point mystérieux,
Que de tout temps le Fils de Cithérée,
De fon aimable Empire a fondé la durée.
Dans fes Etats chacun ignore ce qu'un jour
Il recevra du Temps favorable, ou critique;
Et cette fage politique

Tient les cœurs en haleine & fait vivre l'Amour.
ROSETTE.

Madame, à vos confeils je me rends avec joye.
Je vois de quels chagrins j'aurois été la proye,
Si malheureusement vous m'euffiez prise au mot.
Quelle étoit mon extravagance,

De vouloir apprendre d'avance

Ce

que

l'on sçait toujours trop tôt !

De vos fages avis connoiffant l'importance

Je vais tâcher d'en profiter;

Et fije ne fçaurois prévenir l'inconftance

D'un amant prompt à me quitter

E

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Mais, quel extravagant entre dans cette falle 2
Sur fa figure originale,

Je le juge Faiseur de Vers;
Sachons, auprès de moi, ce qui peut le conduire.

L

SCENE V.

LA VERITE, LE POETE.

LE POETE d'un ton empoulé.

A Déeffe qui vole au bout de l'Univers,

Pour y femer le bruit de mille faits divers. L'active Renommée a pris foin de m'inftruire. Que le Temps en ces lieux a fû vous introduire. LA VERITE.

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Oui, Monfieur, me voilà : Mais, de ce beau discours A quoi bon, dites-moi, la ridicule emphase ? Pourquoi de ces grands mots emprunter le fecours?

LE POETE.

Quoi ! Dans le tour pompeux de ma fublime phrase; Vous auriez méconnu le langage des Dieux,

Et celui des mortels qui le parle le mieux ?

LA VERITE..

Vos geftes & vos tons m'apprennent qui vous étes,

24 L'ECOLE DU TEMPS, Monfieur: mais, foit dit, entre nous;

Employé comme vous le faites,

Le langage des Dieux eft la langue des fous.

LEPOET E.

En vain, plus d'un Auteur infolemment s'arroge
Le merveilleux talent des lyriques tranfports.
(Il lui prefente un papier)

Dans cette Ode nouvelle où je fais votre éloge,
Le Parnaffe à vos yeux ouvre tous fes tréfors.
Des honneurs qu'il vous doit,par ma bouche il s'acquite.
LA VERITE' ironiquement.

Je juge de fon compliment

Par fon Ambaffadeur. Eh! ceffez feulement

De faire votre éloge, & du mien je vous quitte:
Mais, comme l'encens eft tout prêt,

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Une Ode eft fouvent comme un cadre Où différens portraits peuvent être placés ; Pourvû que la bordure quadre

Avec le Tableau, c'eft affez..

Maintenant, il est bon, Monfieur, de vous apprendre Qu'en ces lieux je ne fuis à la place du Temps,

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