SERVANT DE PROLOGUE A LA COMEDIE DE L'ECOLE DU TEMPS. L'ACTRICE qui récite cette Fable entre fur la Scéne avec vivacité; puis fe retournant du côté des Foyers (comme pour parler à l'Auteur) elle dit les vers fuivans. EHINOD H! Non, Monfieur, point de Prologue; Ils font pour la plûpart si rebattus, fi vieux! Des Complimenteurs ennuyeux, Voulez-vous, dites-moi, groffir le catalogue? Quel travers! (Au Parterre,) Son ouvrage, à ne rien déguiser, A befoin d'indulgence, & lui, fonge à l'ufer Dans quelque fade monologue, Ou dans un mince Dialogue, Dont le tour mal-adroit, bien loin d'humaniser Les partifans de l'Epilogue; Ne feroit, tout au plus, que les indifpofer. A 2 PROLOGUE. Parlez-moi bien plûtôt de certain Apologue Que l'autre jour on m'a conté! De vous en faire part mon efprit eft tenté. FABL E. Le petit Oranger & fon Maître. UN amateur du jardinage, Sur la foi d'un marchand qui peuploit fon verger, Y fit planter un Oranger Qui n'étoit point encore en âge De produire ces fruits doux & délicieux, Mais notre homme, des plus étranges, Dès la premiere année eût voulu des Oranges. Et l'Oranger ne fe décore Que de fleurs. Oh vraiment, ce n'est pas là mon goût. S'écria notre homme en colere! Parmi les fauvageons qu'à l'inftant rejetté, PROLOGUE: Ce chetif arbriffeau, de fa fterilité Reçoive le jufte falaire. Ami, dit l'Oranger, qu'est-ce que tu prétens? De Flore les dons éclatans, Ne devancent-ils pas les faveurs de Pomonne? 31 Et déjà tu voudrois voir naître mon automne. Je fuis intereffée à prouver que ma Fable Daignez donc m'accorder un regard favorable Protegez fa Mufe au berceau; Son talent fera votre ouvrage. C'est un jeune Oranger ; c'est un foible arbrisseau, Mais s'il prend racine au Parterre, Il pourra quelque jour mériter votre appui. Fin du Prologue. |