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ce qu'on voit en Dieu eft donc tres-parfaite, au fens que j'ai expliqué dans la Recherche de la verité. Mais on n'a qu'une connoiffance tres-imparfaite de l'ame. On ne connoît aucune de fes proprietez que par le fentiment interieur & confus de ce qui fe paffe en foi-même. Si on fçait qu'on eft capable de fentir la douleur & le plaifir, le goût d'un melon celui des poits verts; fi on fçait même, qu'on eft capable d'aimer, ou d'être agité de diverfes paffions, c'eft qu'on a fentiment interieur de ce qui fe paffe en foi-même fentiment confus qui fe fait fentir, fans fe faire connoître : fentiment dont on ne peut découvrir la nature, en contemplant l'idée qui repréfente à Dieu, que l'ame eft capable d'en être touchée, Je ne croi pas que tout ceci foit fort, ridicule. Ainfi, Monfieur, jugez de l'admirable critique de Mr. Arnaud.

CHAPITRE XXIII.

On a une idée claire de l'étenduë. On ne connoît l'ame que par fentiment. L'idée qu'on a des corps fuffit pour démontrer que l'ame eft immortelle. Il ne faut que cela pour répondre en general aux Chapitres XXIII. & XXIV.

1.

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E ne croi pas, Monfieur, qu'il foit neceffaire que je réponde à tout ce que dit Mr. Arnaud dans les deux longs Chapitres qui fuivent, fçavoir dans le XXII. & le XXIII. Je fuis persuadé, que ceux qui concevront diftinctement ma pensée, n'auront aucune peine à découvrir les méprifes & fes fophifmeş continuels. Et fi dans la fuite du temş j'apprens que ce qu'il a écrit foit capable d'ébranler les gens, & de leur donner le moindre foupçon désavantageux à la verité, que je croi avoir fuffifamment prouvée; je refuterai pied à pied dans un autre Ouvrage, toutes les réponses qu'il a faites à mes preuves. Mais afin qu'on s'inftruife facilement de mon fentiment, le voici encore en peu de mots.

II. Par idées, ou idées claires, j'entens la même chofe. Je pourrois les dif

tinguer en plufieurs manieres: mais ici, cela feroit fort inutile.

On connoît une chofe par fon idée > los qu'en contemplant cette idée, on peut connoître de fimple vûe fes proprietez generales, ce qu'elle enferme, & ce qu'elle exclud: & lors qu'on s'applique contempler fes proprietez generales on y peut découvrir des proprietez particulieres à l'infini.

Par fentiment, j'entens ce que chacun fent en foi-même. Cela ne peut s'exprimer par des paroles, parce que nos fentimens ne dépendent point de nos volontez comme la présence des idées. Je puis penfer à un cercle, dés que je le veux, & y faire penfer un autre par mes paroles mais je ne puis faire fentir à perfonne mon plaifir, ma douleur, &c.

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:

III. Je connois l'étenduë; & fi par étendue on entend corps, je connois la nature du corps en general par fon idée. Car en contemplant l'idée de l'étendue je voi qu'elle eft divifible & mobile; & par confequent, que le corps eft capable de toutes fortes de figures. Je voi de plus, qu'il n'eft capable que de cela: parce que l'idée de l'étendue, je ne dis pas d'une chofe étendue, pour éviter tout équivoque, exclud toute penfée, tout

fentiment,

fentiment, la douleur, la couleur, la faveur, &c. Ainfi, en confiderant l'idée de l'étendue, je voi, ou je puis voir de fimple vûë fes proprietez generales. Je voi ce qu'elle renferme & ce qu'elle exclud; car elle exclud tout ce qu'elle ne renferme pas. Je puis même découvrir une infinité de proprietez particulieres, en examinant les diverfes figures que cette idée me fournit : & cela avec une telle abondance, que je fçai certainement, que fi je ne fuis pas auffi fçavant qu'Archimede, ou que le plus éclairé des efprits du premier ordre dans les veritez géometriques, ce n'eft nullement le défaut de clarté & de fecondité, pour ainsi dire, de l'idée que Dieu me donne de l'étenduë: mais uniquement celui de capacité que j'ai de penfer, & de me rendre attentif.

IV. Je ne connois point l'ame, ni en general, ni la mienne en particulier, par fon idée. Je fçai que je fuis, que je penfe, que je veux, parce que je me fens. Je suis plus certain de l'existence de mon ame, que de celle de mon corps ; cela eft vrai. Mais je ne fçai point ce que c'eft que ma penfée, mon defir, ma douleur. Nous connoiffons nôtre foi, certiffimâ fcientiâ, clamante confcientiâ: je l'accorde à Mon

Tome I.

M

ture,

fieur Arnaud, puis qu'il cite S. Auguftin. Mais nous ne connoiffons point fa nafa grandeur, la vertu : & même nous ne la connoiffons, que lors qu'elle. eft excitée; parce que nous ne la connoiffons que par fentiment interieur. Nous ne pouvons point découvrir, fi l'ame eft ou n'eft pas capable de plaifir, en contemplant l'idée prétendue qui la reprefente: c'est le fentiment ou l'experience qui nous l'apprend d'une maniere confufe & nullement intelligible. Il n'y a point de figures, que l'idée de l'éten due ne préfente à l'efprit de ceux qui les cherchent. Mais nous avons beau nous confulter, nous ne voyons ni ce que nous fommes, ni aucune des modalitez dont. nous fommes capables.

V. A l'égard des corps, ou étendues. particulieres, comme, par exemple, d'un triangle, j'en ai une idée claire, parce que je fçai que c'eft un efpace terminé par trois lignes. Que je fçache, ou non, fes proprierez, cela n'empêche pas, que l'idée que j'en ai ne foit claire. Si je sçai fes proprietez, c'eft que j'ai confidéré cette idée: & fi je ne les connois pas, c'est une preuve que je ne l'ai pas affez conful ée, pour en être éclairé. Car il eft certain, que fi on confidere bien cette

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