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charité, fit un peu éloigner faint Fulgence, & commanda à fes gens de frapper rudement l'Abbé Felix, qui étoit ravi de fouffrir pour le délivrer. Mais l'Arien ne laiffa pas de faire enfuite frapper faint Fulgence, qui étant beaucoup plus délicat, ne put long-tems fouffrir les coups de bâton. Pour avoir donc quelque relâche, il s'écria: J'ai quelque chofe à dire, fi on me le permet. Alors il commença à raconter l'hiftoire de fon voyage, d'une maniere fi agréable, que le Prêtre Arien l'admiroit. Toutefois, de peur de paroître vaincu, il dit: Frappez encore, je penfe qu'il veut auffi me feduire. Enfin il leur fit rafer la tête & ôter leurs habits, & les renvoia ainfi dépouillez de tout; mais en retournant par la plaine où ils avoient été pris, ils retrouverent tout l'or que l'Abbé Felix avoit jetté, & louant Dieu, ils s'en retournerent chez eux. Le bruit de cette cruauté vint à Carthage: car la ville de Sicque étoit dans la province proconfulaire : & l'Evêque des Ariens, qui connoiffoit faint Fulgence & fa famille, étoit prêt de châtier fon Prêtre mais faint Fulgence ne voulut jamais lui porter fes plaintes, & dit à ceux qui l'y excitoient: Il n'eft pas permis à un Chrétien de chercher la vangeance en ce monde. Dieu fçait comment il doit défendre fes ferviteurs : & plufieurs feroient fcandalifez de voir un Catholique & un Moine demander justice à un Evêque Arien. Ils fortirent toutefois de cette province, aimant mieux s'exposer aux Maures qu'aux Ariens. Ils retournerent au voifinage de leur païs, & fonderent un nouveau Monaftere.

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Peu de tems après faint Fulgence admirant les vies des Moines d'Egypte, qu'il avoit luës dans les institutions & les conferences de Caffien, folut d'aller dans leur païs: tant pour renoncer la charge d'Abbé, & vivre fous l'obéiffance, que

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pour pratiquer une abftinence plus rigoureufe. I alla donc à Carthage avec un Moine nommé Redeptus, & s'embarqua pour paffer à Alexandrie. Etant arrivé à Syracufe, il fut reçu par l'Evêque Eulalius, qui entre fes autres vertus cheriffoit la profeffion monaftique, & avoit un Monaftere particulier, où il paffoit tout le tems que fes fonctions lui laiffoient de libre. Il reçut faint Fulgence avec beaucoup de charité, comme un fimple étranger: mais pendant le repas, quand on commença à parler des choses de Dieu, fuivant la coûtume des Evêques, Eulalius connut bien-tôt aux difcours de faint Fulgence, que c'étoit un grand Docteur, fous l'apparence d'un fimple Moine.

Après le dîner, il le fit venir, & aiant appris fon deffein, il lui dit: Vous avez raison de chercher la perfection. Mais il eft impoffible de plaire à Dieu fans la foi; le païs où vous allez est feparé de la communion de faint Pierre; & tous ces Moines dont on admire l'abftinence, ne communiqueront point avec vous. Retournez, mon fils, de peur de mettre vôtre foi en danger: moi-même dans ma jeuneffe avant que d'être Evêque, j'ai eu le même deffein: mais cette raifon m'en a détourné. Saint Fulgence se rendit, & confentit de demeurer quelques mois à Syracuse; mais dans le petit logement, que faint Eulalius lui avoit donné, il commença à exercer luimême l'hofpitalité envers d'autres étrangers, avec le peu qu'on lui fourniffoit : ce qui remplit Eulalius d'admiration & de joye,

6.13. Quand l'hiver fut paffe, faint Fulgence traverfa par terre la Sicile, pour aller voir un Evêque Africain nommé Rufinien qui fuiant la perfecution, s'étoit retiré dans une petite île, où il pratiquoit la vie monaftique. L'aiant trouvé, il le confulta encore fur fon deffein, & il en recut

çut le même confeil, de ne point aller en Egypte. Mais avant que de retourner, il voulut profiter de l'occafion, & aller à Rome vifiter les fepulchres des Apôtres. Il y arriva dans le même tems que le Roi Theodoric, c'est-à-dire l'an 500. & trouva toute la ville en joye. Il affifta même à la harangue que fit le Roi en prefence du Senat & du peuple, avec toute la pompe dont Rome étoit encore capable. A ce fpectacle faint Fulgence dit aux freres qui l'accompagnoient: Quelle doit être la beauté de la Jerufalem celefte, fi telle eft la fplendeur de Rome terreftre; & fi tant d'honneur eft donné en ce monde aux amateurs de la vanité, quelle doit être la gloire des Saints qui contemplent la verité !

Etant de retour en Afrique, il fonda un nouveau Monaftere dans la province Byzacene, par la liberalité d'un nommé Silveftre, & y fut le Pere d'une grande Communauté; mais l'amour d'une plus grande retraite, le porta à s'aller cacher dans une île en un autre Monastere, où l'on gardoit avec plus de severité l'ancienne difcipline. Il y vécut comme fimple Moine: s'occupant à écrire de fa main, & à faire des évantails de feuilles de palme, neceffaires en ces païs chauds. Mais l'Abbé Felix & fes Moines, aiant appris où étoit Fulgence, obligerent l'Evêque Faufte à le revendiquer comme fon Moine; & à son retour il l'ordonna Prêtre tout-d'un-coup: afin qu'il ne pût quitter le Monaftere, ni être ordonné dans une autre Eglife. Car fa reputation s'étendoit par toute l'Afrique, & on l'auroit demandé pour Evêque, fi on avoit pû en ordonner. Mais c'étoit le tems où le Roi Trafamond empêchoit les Ordinations; & cette défense mettoit l'efprit en repos à faint Fulgence, qui n'ignoroit pas le defir des peuples. Enfuite voiant les Evêques avoient refolu de faire des ordinations,

que

mal

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LX.

copat.

6.17.

malgré la défense; il fe cacha fi bien, que l'on ne put le trouver, & qu'après l'avoir élu en plufieurs lieux, on fut obligé d'en élire d'autres ; mais quand il vit la plupart des Eglifes remplies, & les nouveaux Evêques condamnez à l'exil, il crut le peril paffé, & revint à fon Monaste

re.

La ville de Rufpe étoit demeurée fans EvêSon Epif- que, par l'ambition d'un Diacre nommé Felix, qui avoit affez de credit pour empêcher l'élection d'un autre, & trop peu de merite pour fe faire élire lui-même. Les plus honnêtes gens de la ville, fçachant que S. Fulgence étoit demeuré Prêtre, s'adrefferent au Primat Victor, comme on le menoit à Carthage; & obtinrent permiffion de faire ordonner faint Fulgence par les Evêques voifins. Alors on affembla une troupe nombreuse, & on alla furprendre faint Fulgence dans fa cellule aiant mal aux yeux on le prit, on l'amena, on le força d'être Evêque, le conduifant à celui qui devoit l'ordonner, & qui étoit averti. Quoi que faint Fulgence ne fût point connu en ce lieu-là, il ne laiffa pas d'attirer d'abord tous les coeurs par la modeftie de fon vifage & de fa demarche, & la pauvreté de fes habits. Le Diacre ambitieux, affembla une groffe troupe, & fe mit en embuscade fur le chemin, par où on devoit amener faint Fulgence à Rufpe après fa confecration: mais le peuple fans deffein l'amena par un autre chemin; il fut mis dans fa chaire, celebra les faints Myfteres, & donna la communion à tout le peuple. Le Diacre ceda à la volonté de Dieu, & fe foûmit : faint Fulgence le reçut avec bonté, & l'ordonna Prêtre enfuite mais il mourut dans l'année, & le Procurateur qui avoit foûtenu fa brigue, tomba dans la pauvreté faint Fulgence fut ordonné l'an 508. étant âgé de quarante ans.

11 c. ult.

Il conferva dans l'Epifcopat les pratiques de la V. Norif. vie monaftique. Il ne porta jamais d'habits pré- hift. Pelag. cieux, & ne fe difpenfa point des jeûnes. Il n'é- v. Fulg. toit vêtu que d'une tunique fort pauvre, hyver c. 18, & efté, fans ufer de l'orarium comme tous les Evêques : c'étoit une écharpe de toile autour du col, dont eft venu nôtre étole. Il ne portoit pas la chaussure des clercs; mais celle des Moines, & marchoit souvent nuds pieds. La chafuble étoit alors un habillement ordinaire qui couvroit tout le corps; mais il n'en porta jamais de précieuse ou de couleur éclatante, ni n'en permit de telle à fes Moines. Il portoit par-def fous un petit manteau noir ou blanc ; & quand il faifoit doux, quelquefois dans le Monaftere il ne portoit que le manteau. Il n'ôtoit pas même fa ceinture pour dormir ; & il offroit le Sacrifice avec la même tunique dans laquelle il couchoit, difant: que pour cette fainte action, il falloit plutôt changer de cœur que d'habits. Jamais il ne mangea de chair, mais feulement des herbes, des grains & des oeufs, tant qu'il fut jeune, fans huile. Enfuite on lui perfuada d'en ufer, de peur d'affoiblir fa vuë. Jamais il ne bût de vin, que comme un remede, mais avec tant d'eau qu'il n'en fentoit point le goût. Avant qu'on avertît les freres pour l'office de la nuit, il veilloit pour prier, lire, dicter ou mediter, étant détourné tout le jour par les affaires de fon peuple. Quelquefois il defcendoit pour cele- c.19. brer les vigiles avec les autres. Comme il ne pouvoit demeurer nulle part fans avoir des Moines: la premiere grace qu'il demanda aux citoiens de Rufpe fut de lui donner une place pour bâtir un Monaftere. Un homme noble nommé Postumien lui donna un petit heritage proche de l'Eglife; & auffi-tôt faint Fulgence fit venir l'Abbé Felix avec la plus grande partie de fa

Tome VII.

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