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SECT. I.

CHAP. VII.

PREM. PARTIE. Varent. Il femble que la conclufion fuivante feroit pour le moins auffi légitime. Donc il n'y avoit pas de raifon, qui pût déterminer les fauffaires, à fabriquer des titres. Donc les Ecléfiaftiques & les Moines n'ont pu, pour la première fois, entrer en poffeffion de leurs biens, fans avoir en main des titres incontestables. Donc ils n'étoient pas faux. Car s'ils l'avoient été; par quel enchantement, des hommes, qu'on ne doit pas fupofer, fans preuve, raviffeurs du bien d'autrui, & qui, quand on les fupoferoit tels, n'étoient pas ordinairement en état, de s'en emparer de vive force, comme faifoient les laïques; auroient-ils pu chaffer les légitimes-poffeffeurs de leur héritage,& s'en faire ajuger la propriété : fans qu'aucune des perfones intéreffées y trouvât à redire, ou malgré leur opofition?

Pour fe maintenir dans la jouiffance des domaines, dont les Ecléfiaftiques & les moines étoient maitres de tems immémorial, ils n'avoient pas non plus befoin de faux titres. Afsurément il ne leur étoit pas dificile, de conferver les véritables pendant trente années. Nos adverfaires en tombent d'acord. Ces trente. années révolues; s'ils négligèrent leurs chartes véritables, étoit-ce pour en forger de fauffes? Cela renverferoit le système de l'inutilité des vrais titres : à moins de dire que les faux leur auroient été préférables. Ce qui feroit, au jugement du P. (r) Discept. 4. Germon, (r) le comble de l'extravagance. Les faux titres des archives n'ont donc pu être compofés, que longtems depuis leur date. Et dès lors la découverte de l'impofture devient très facile aux antiquaires,comme nous le verrons: lorfque nous traiterons de la matiére, de l'encre, de l'écriture & des formules des diplomes. Il nous fufit pour le préfent, que, s'il n'y avoit point de raifon, de conferver les anciens titres; il n'y en avoit pas non plus d'en forger. Pourquoi donc les Clercs & les Moines auroient-ils eu recours à des voies fi iniques?

p. 191.

(5) Ludervig. Reliq.M. diplom P. 14. & feqq.

Il y a plus: la prescription n'étoit pas d'une reffource égale dans tous les païs. En Allemagne (s) il faloit des titres. Les anciennes Loix l'ordonnent, & fans cette précaution, les donations les plus folennelles couroient des rifques infinis. Ni la prescription par trente années, ni la poffeffion immémoriale ne pouvoient garantir des terres, contre une partie qui les réclamoit, les titres à la main. De-là cette multiplicité d'exemplaires de la même charte, fi commune en Allemagne.

PREM. PARTIE..
SECT. I.

De-là cette répétition de la même pièce originale dans le même chartrier. On a donc auffi grand tort de foutenir l'inutilité des chartes, que l'impoffibilité de leur confervation. » Mais CHAP. VII. » nous ne sommes pas furpris, dit le célébre Godefroi von Beffel, Abbé de Godvvic en Autriche, (t) que le P. Germon

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(t) Chron. God

» ait avancé cés chofes, lui qui, contre la foi des anciens vvic. lib. 2. p. 78.

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"

» monumens de France & d'Allemagne, n'a pas craint d'af- 79.
furer, qu'autrefois les donations (3) fe faifoient de vive
voix, & feulement avec quelque figne ou fymbole d'invefti-
» ture. Que ne lifoit-il les Loix des Saliens, des Ripuaires,
des Allemans, des Saxons, des Lombards & des Vifigoths?
» Après les avoir conciliées ensemble, il y auroit clairement dé-
» couvert, qu'en tout lieu les contrats fe faifoient par écrit.
Il y auroit trouvé, que les ventes, les donations, les tradi-
tions & facrées & profanes, les échanges, les précaires, les
notices, les conceffions d'immunités &c. fe rédigeoient par
» écrit, en quelque païs que ce fut, comme nous le démon-
» trerons plus au long dans notre jugement critique fur les char-
» tes privées. «Il faudroit tranfcrire plufieurs pages entiéres
de cet excellent & magnifique ouvrage, fi nous voulions faire
valoir toutes les folides réponses, que le favant Abbé opofe
au P. Germon.

Au refte s'il n'y avoit point de raison, pour conferver foigneufement les anciennes chartes, & fi toutes ou la plupart des donations fe faifoient fans écriture; par quelle manie les Clercs & les moines fe feroient-ils avifés de fabriquer tant de faux titres ? C'étoit, pourfuit-on, parcequ'ils avoient per-du les véritables. On ne faifoit donc pas (u) communément les donations fans écriture. Il étoit donc important d'avoir des chartes elles n'étoient donc pas inutiles. Car fi les pièces vraies étoient de nul ufage, pour envahir des biens étrangers, ou pour répéter les fiens propres, après qu'ils avoient été perdus; fi la prescription, aquile par trente années

(3) Aparamment M. l'Abbé de Godwic en agit ici avec le P. Germon comme celui-ci fait à l'égard de fes adverfaires : c'est-à-dire qu'il prend fes propofitions dans toute la rigueur de la dialectique. Peut-être auffi n'a-t-il en vue, que les donations antérieures au X. fiècle. Car

depuis ce tems, il eft certain, du moins
en France, qu'il fe fit des donations fans
écriture:
: quoique celles par écrit fuffent
bien plus fréquentes : & qu'il fut rare
qu'une inveftiture, faite feulement par
des fymboles, ne fût pas, quelque tems
après, fuivie de chartes ou de notices..

(u) Germon Dif-cept. 1. pag. 2 1.

PREM. PARTIE.
SECT. I.

que

rendoit ces pièces inutiles, à la confervation'des fonds & des droits, dont on jouiffoit: des titres faux devenoient-ils utiCHAP. VII. les, & même néceffaires, pour ne pas courir les rifques de fe voir dépouillé du patrimoine de l'Eglife: Eft-ce donc la prefcription, qui avoit tant de force, après trente années de poffeffion non interompue, n'en avoit plus au bout de quelques fiècles? A quel propos, encore une fois, auroit - on donc forgé des titres? Mais dans quels écarts ne fe jette-t-on point, quand on eft réfolu, de foutenir une mauvaise cause, à quelque prix que ce foit!

(x) Lindenbrog. lib. 2. tit 36. L.3.

Leg. Longobard.

L'autorité d'Hinc

mar ne prouve pas, qu'on ait

!

Quoi dira-t-on, ne faifoit-on jamais des donations, des échanges & des achats fans chartes? On en faifoit fans doute en certains païs. Cela toutefois empêchoit-il que l'ufage des chartes ne fut tout au moins également acrédité? Preuve qu'il étoit plus avantageux, d'employer ce moyen contre l'incertitude des événemens : c'est que fi l'on avoit pour foi des chartes; l'adverfe partie étoit obligée par les loix (x) de s'en tenir aux claufes & conditions, qui s'y trouvoient énoncées, & qui portoient prefque toujours une peine confidérable contre quiconque entreprendroit d'y donner atteinte, fans qu'il pût néanmoins rentrer en poffeflion du bien clamé : au lieu que dans le cas, où tout fe faifoit fans écrit, le propriétaire pouvoit être dépoffédé de fes nouvelles aquifitions, & ne devoit pas compter fur d'autres dédomagemens, que ceux, qui lui étoient acordés par les loix; dédomagemens, qui n'excédoient jamais les améliorations, qu'on avoit faites.

III. Pour prouver par une autre voie l'inutilité des anciens diplomes, & le peu de cas qu'on en faifoit, dans les premiers négligé les archi- tems de la Monarchie Françoise, on tourne & retourne en ves: celle du Con- cent façons un texte d'Hincmar, fuivant lequel, au fiècle cile d'Agde & des qui précéda le fien, les Clercs de Reims avoient fait des bourCapitulaires prouve le contraire. fes de quelques parchemins & feuilles de Mff. (y) Donc, re(y) Germon Dif- prend-t-on, ces Ecléfiaftiques étoient perfuadés de l'inutilité de leurs chartes. On ne fe borne pas à ce témoignage.Si un Concile d'Agde de l'an 506. (z) excommunie, & oblige à reftitution les Člercs, qui auroient fuprimé ou livré aux laïques les titres des Eglifes; on en infére que dèflors on fuprimoit les titres, & que par conféquent ils ne font plus. Si Charle le Chauve enjoint aux Evêques de conferver, avec beaucoup de foin,

cept. 1.pag. 23.

(z) Concil. Labb. tom. 4. col. 1387.

can. 26.

douter fi

PREM. PARTIE.
CHAP. VII.

SECT. I.

(a) Baluz. Capitul. tom. 2. col. 214.

(( Germon Discept. 2. p. 33. 34.

(a) vigili folertia cuftodiant, les priviléges des Papes, & les diplomes de nos Rois ; on en conclut qu'ils avoient donc été jufqu'alors gardés avec négligence. Si plufieurs auteurs ateftent, qu'au XI. fiècle, les chartes étoient renfermées fous des voutes, & fi l'on fe voit forcé de convenir avec eux, qu'alors les titres étoient gardés avec soin ; (b) on prétend qu'il s'enfuit de-là, qu'on ne le faifoit donc pas auparavant, & qu'ainfi il faut avoir pour fufpects les anciens originaux, à proportion de leur antiquité : maxime qu'on étend indiféremment à toutes fortes de diplomes; quoique Marsham fon auteur ne l'eût apliquée, qu'aux chartes Anglo-Saxones. 1°. Quant à l'exemple raporté par Hincmar; on peut ces parchemins, charte, étoient les titres des terres apartenantes à l'Eglife de Reims, ou même si c'étoient des titres. Au moins Hincmar ne le dit pas. Mais, quand on voudroit bien le fupofer; rien n'empêcheroit de croire, qu'il n'étoit question, que de pièces de rebut, ou plutôt de quelques morceaux d'hiftoire, qui pouvoient répandre un certain jour fur la vie, & les miracles de S. Remi, dont il s'agiffoit uniquement. Si néanmoins les Clercs de Reims du VIII. fiècle, représentés par Hincmar comme fort groffiers & fort ignorans, avoient détruit les titres de leur Eglife; il n'en réfulteroit pas, qu'on au roit tenu la même conduite dans toutes les autres: (c) fi ce n'eft qu'il faille reconoitre pour fort légitime, la conclufion Vindic. p. 52. du particulier au général. Mais il y a tout lieu de penfer, que l'ufurpateur Milon, qui s'étoit emparé de tous les fonds de l'Eglife de Reims, s'étoit auffi rendu maitre de tous fes titres. Ils n'étoient donc pas entre les mains des Clercs. Comment veut-on donc qu'ils en aient fait des bourses?

2o. Inutilement cherche-t-on à éluder l'autorité du Concile d'Agde, qui fevit & contre les Clercs, pour avoir livré ou fuprimé les diplomes de leurs Eglifes, & contre les laïques, pour les avoir folicités à le faire. On diffimule, que ce Concile eft du commencement du VI. fiècle, & par conféquent plus ancien, que tout ce qui nous refte en France d'anciens originaux. Le refpect qu'on avoit alors pour les faints canons, dut donc produire fon effet, & porter les Clercs autant par devoir, que par un double intérèt, à conferver précieusement leurs titres.

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(c) Fontanini

PREM. PARTIE.
SECT. I.

3o. Charle le Chauve ne publia point de capitulaire, pour coriger femblable abus: preuve que les Clercs n'y étoient pas CHAP. VII. retombés. Il en fit feulement, pour engager les Evêques, à conferver leurs archives avec grand foin. Mais ce n'eft pas une fuite, qu'elles fuffent généralement négligées. C'est assez qu'il y eût eu dans certains lieux à cet égard quelque indiférence, pour motiver fufifamment cette loi. Il ne faut donc pas reculer jufqu'au XI. fiècle, le foin, qu'on a commencé à prendre des archives.

Il s'eft confervé

un nombre d'anciens titres, pro

IV. S'il eft poffible, replique-t-on, (d) que quelques originaux antiques aient échapé aux guerres, aux incendies, aux vers, aux rats, à l'humidité, à la perfidie, à l'avarice de ceux, qui avoient intérèt à leur destruction; la chose est au moins fervation. Préju- dificile. Or ce qui n'a pu gé légitime con

portioné à la difi

culté de leur con

tre l'existence ac

tuelle des faux ti

tres anciens, au

préjudice des véri

tables.

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pu ariver que dificilement, ne doit pas être cru fans preuve. A la bonne heure qu'on montre plufieurs autographes récens: 1o. parceque dans les derniers fiècles, on a commencé à faire plus d'eftime de ces pièces : 2°. parcequ'il eft moins merveilleux, qu'elles aient pu être mifes à couvert des injures du tems, pendant quelques centaines d'années, que durant le cours d'une dixaine de fiècles: d'autant plus que dans les tems les plus reculés, elles étoient gardées fans beaude précaution.

coup

Mais que s'enfuit-il de ce que les anciennes chartes ont été expofées à un grand nombre d'accidens: Eft-ce qu'il n'en doit plus. refter? On n'ofe le dire. On apuie feulement fur la dificulté, qu'il en exifte encore quelqu'une. Si la chofe n'eft que dificile, l'unique conféquence,qu'on en puiffe légitimement tirer; c'eft qu'en fupofant un nombre égal de diplomes, dreffés dans chaque siècle; il doit être aujourdui plus ou moins grand, à proportion que nous fommes plus ou moins éloignés de chacun de ces fiècles. Or c'eft précifément ce qui fe vérifie, par raport au nombre de chartes, qui fe font confervées jufqu'à nous. Il n'en est plus du IV. fiècle, ni de ceux qui l'ont précédé, foit en papier, foit en parchemin. Le V. n'en fourniroit pas une douzaine. A peine en pouroit-on montrer du VI. deux fois autant. C'eft beaucoup fi le VII. en conferve quelques centaines. Il n'en refte peut-être guère plus de mille du VIII. II feroit inutile de pouffer plus loin la fuputation. Contentonsnous d'obferver, que dificilemenr pouroit-on compter, même

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