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SECT. I.

CHAP. X.

qu'ils l'aient fignée à Vendôme, comme ce favant critique PREM. PARTIE. femble vouloir le faire entendre ? N'y eft-il pas au contraire expreffément énoncé, que l'acte de donation fut porté à Rome & dépofé fur l'autel de faint Pierre? Etoit-il bien dificile, après une démarche fi folennelle, faite par le fondateur du monaftère de Vendôme, en faveur de l'Eglise Romaine, de faire foufcrire le Pape à cette charte, en figne qu'il acceptoit la nouvelle Abbaïe, comme une dépendance immédiate du S. Siége? Que le Comte d'Anjou voulant ofrir lui-même fa charte de fondation à faint Pierre, ait, comme il eft dit en quelques anciens monumens, fait le voyage de Rome en l'an 1047. Clément II. l'aura fignée, & fera mort peu de tems après. Bénoît qui remonta prefque auffitôt fur le trône apoftolique, l'aura foufcrite auffi, & fe fera donné le premier rang fur fon prédéceffeur, à titre de plus ancien Pape. Rien de plus naturel; rien de plus commun au X & XI fiècles, que de porter des chartes de donation à Rome, & d'obtenir du Pape, qu'il les confirmât & frapât d'anathème ceux, qui oferoient y donner ateinte : à combien plus forte raifon une donation faite au S. Siége y dut-elle être portée & confirmée par la souscription du Pontife Romain?

deux pag. 327.

Mais voici une dificulté plus spécieuse. La charte (q) de (q) Launoii oper. M. de Launoi porte, que Géofroi d'Anjou arivé à Rome, mit tom. 3. parte 1. fur l'autel ce titre de donation, & qu'il le fit figner par Papes. Or il eft daté de 1040. & le fecond de ces Papes n'étoit pas encore parvenu à la dignité Pontificale. On n'a donc pu le qualifier Pape dans cette pièce: donc eile eft fauffe.

Le P. Mabillon ayant publié la vraie charte de fondation de Vendôme, on pouroit fans inconvénient defavouer celle, dont les anachronismes réels ou prétendus révoltèrent fi fort M. de Launoi. Mais ce fameux critique n'a pas même entendu le titre, contre lequel il a differté fi au long, & dont il a pris ocafion d'acabler les moines de reproches.

L'exemplaire de la charte de fondation mis au jour par D. Mabillon n'eft pas le même, qui fut porté à Rome. Un original unique n'auroit pas été expofé aux rifques d'un fi grand voyage. Celui qui fut préfenté par le Comte d'Anjou n'a point encore paru; foit qu'il ne foit jamais revenu de Rome, comme il eft très-vraisemblable; foit que les Religieux de Vendôme Tome I, Bb

PREM. PARTIE.

SECT. I. CHAP. X.

*Voyez ci-deffus chap. IX. n. I. II.

éfrayés des véhémentes déclamations de M. de Launoi n'aient pas ofé montrer le double, qu'on auroit pu* en avoir tiré: parcequ'ils ne favoient pas débrouiller des objections, fondées fur peu de conoiffance, qu'on a.communément de ces fiècles, auffi éloignés de nous par les ufages, qu'ils le font par les

le

années.

L'état de l'Abbaie de Vendôme changé par l'oblation, qui en avoit été faite à Rome, & par les nouveaux priviléges, dont le Comte d'Anjou voulut la décorer; il en dreffa une autre charte, qu'on pouvoit regarder, comme celle de la fondation même: parcequ'elle en rapelloit toutes les difpofitions. On y voyoit le dénombrement des mêmes terres, données féparément par le Comte & la Comteffe d'Anjou, au tems de la première fondation, avec les nouvelles gratifications & les nouveaux droits, par lefquels ils venoient de mettre le comble à leurs anciennes libéralités. Cette charte fut fignée par Henri I. Roi de France, & par la plus grande partie des témoins, qui avoient foufcrit la première, à la tête defquels ce Monarque n'avoit point paru.

L'auteur du cartulaire hiftorique de Vendôme, pour abréger fon travail; de ces trois pièces n'en a fait qu'une. Toute l'histoire de la donation de l'Abbaie de Vendôme au S. Siége, il l'a confondue avec la charte de fondation, de laquelle feule il marque la date. La place qu'il donne aux foufcriptions des Papes; non feulement après les Seigneurs, les Prélats & les fimples laïques ; mais encore après la formule entiére de la date: devoit faire ouvrir les yeux à M. de Launoi, & lui prouver qu'après avoir anoncé la fignature du Pape; persone n'auroit manqué de la mettre à la tête de toutes les autres. Si la charte avoit été foufcrite par les témoins avant le voyage de Rome; on y auroit réservé pour la fignature du Pape un rang convenable à fa dignité. Il n'eft point de fauffaire affez extravagant, pour faire précisément tout le contraire. Il faloit donc reconoitre ici un cartulaire hiftorique, où l'on avoit été plus curieux d'acumuler les faits les uns fur les autres, que de les ranger chacun à leur place. C'eft fans doute d'après ce cartulaire, ou quelque autre mémorial historique, que les moines de Craon produifirent la copie ancienne ou récente, contre laquelle M. de Launoi épuifa tous les traits de fa critique.

Voilà le dénouement d'une afaire, qui paroiffoit alors fi embaraffante. Il est simple, mais d'un grand ufage, pour réfoudre de prétendues contradictions entre les chartes originales & les cartulaires, entre ceux-ci & les événemens connus par l'hiftoire, furtout à l'égard des X. XI & XII fiècles.'

La fondation de Lévière a également été mise fous les yeux du public, d'après les cartulaires ou les copies, qu'on en avoit tirées. On y découvre diférentes époques, qu'il ne faut pas confondre: quoiqu'elles l'aient été par les auteurs de ces cartulaires, ou des ces notices modernes. Le premier tems, qu'on y diftingue, eft celui de la charte de fondation, peutêtre dreffée dès l'an 1040. Suit celui de l'union des monaftères de Lévière & de Vendôme, ou du moins des mefures prifes par le Comte d'Anjou, auprès du Roi de France & des Grands du Royaume, pour affurer la durée du nouvel établissement. Comme ce Seigneur avoit déja ofert au faint Siége l'Abbaie, qu'il avoit fondée à Vendôme, avec le confentement de l'Evêque de Chartres; il fe détermina enfin à en faire autant à l'égard de Lévière, avec l'agrément de l'Evêque d'Angers. Ce fut entre les mains de Victor II. qu'il confomma cette oblation, & qu'il renouvella celle de l'Abbaie de Vendôme, plus ancienne d'environ neuf ans. Tous ces événemens donnèrent naiffance à diverses chartes ou notices. La dernière fut dreffée en 1056. (r) époque à laquelle D. Mabillon s'eft uniquement arêté: malgre les faits exprimés dans cette charte, qui remontent vifiblement plus haut,, & qui tous ont été confondus dans les notices & les cartulaires hiftoriques. Ici la date de la fondation eft unie avec des faits arivés quatorze ou quinze ans après. Là l'on rassemble ce qui concerne la fondation, l'union & l'oblation de ces monaftères depuis feize ans : & le tout eft mis fous la date, qui fixa pour toujours l'état de cette maison. Ainfi procède-t-on fouvent dans les cartulaires historiques.

On voit par là, qu'il faut ufer de beaucoup de critique; mais d'une critique fage & judicieufe, par raport aux faits & aux dates de ces cartulaires, & même de plufieurs notices. Autrement on court rifque de tomber dans une infinité de fautes contre l'histoire, fans parler des acufations odieufes, qu'on s'expofe à intenter contre la juftice & l'innocence.

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PREM. PARTIE

SECT. I. CHAP. X.

(s) Hift. de Sablép. 231.232.

233.

Cartulaires des

Chanoines de plufieurs Eglifes, argués de faux, & rejetés comme non authentiques & très fufpects. On

en prend la défen

fe.

(1) Pag. 24.

Si le P. Hardouin de deux titres n'en a fait qu'un; M. Ménage d'un feul en a fait deux. (s) D'où il conclut, que l'un de ces deux titres eft faux: car pourquoi deux donations d'une même chofe pour la même perfone, aux mêmes perfones? Il auroit pu ajouter & du même jour. Mais il n'y a qu'une feule donation & qu'un feul titre. S'il paroit diférent fur le cartulaire de faint Maur des Foffez & fur celui de S. Maur de Glanfeuil : c'est que le premier n'eft qu'un abrégé du fecond. Celui-là ne copie que quatre lignes du corps de l'acte avec les dates: le furplus n'eft qu'un extrait hiftorique de l'original. La pièce du cartulaire de S. Maur des Foffes n'a pas la cinquième partie de l'étendue de celle de Glanfeuil. Il fufit donc de diftinguer les diférentes espèces de cartulaires, pour faire tomber ces infcriptions en faux & tant d'autres auffi légérement hazardées. IV. Le mauvais exemple n'eft que trop contagieux. Les acufations vagues & fans preuve contre toute forte de titres, font tellement à la mode, qu'à bon compte on commence par là, fans trop s'inquiéter, fi elles font fondées ou non. Le Compilateur des nouveaux Mémoires du Clergé, & le P. Hardouin ne font pas les feuls, qui ofent ataquer les cartulaires des Chanoines: l'auteur de la Requête au Roi pour les Oficiers du Baillage & Préfidial de Rouen &c. au fujet du privilége, en vertu duquel le Chapitre de la Cathédrale de cette ville délivre un meurtrier le jour de l'Afcenfion, forme précifément des acufations dans le même goût, contre le cartulaire de M M. les Chanoines. L'imputation odieufe de fabrication (5) de titres ne leur eft pas épargnée. Il faut pourtant rendre cette juftice à l'auteur de la requête, qu'il ne fe porte pas à des excès femblables à ceux de M. Simon & du compilateur des Mémoires. Le premier n'en veut qu'à un cartulaire particulier; (1) cartulaire qui, s'il l'en faut croire, n'a de lui-même aucune aprobation: au lieu que les deux derniers décrient tous

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des cartulaires fans diftinction de ceux, qui font ou qui ne
font pas authentiques. Cependant ces fortes d'acufations font
ordinairement auffi frivoles que fauffes. On les avance avec
hardieffe ; mais on fucombe prefque toujours fous la nécessité
d'en faire la preuve. C'eft ce qui eft arivé à l'auteur de la Re-
quête. S'il avoit borné fon ataque à l'authenticité du cartulai-
re, fa prétention feroit plus fuportable, fans être néanmoins
toutafait jufte. Car eft-il de l'équité, d'exiger dans la confec-
tion d'un cartulaire, des formalités inufitées au tems, auquel
il fut écrit; formalités que la perte de quelques originaux a
pu empêcher de fupléer dans la fuite: Les cartulaires mêmes
qui, ne feroient ni originaux, ni authentiques, ni fort
anciens; mais qui ne feroient pas non plus fort récens, ne de-
vroient pas être rejetés dans des afaires, où l'on juge fouvent
fur de fimples préfomptions. En effet pourquoi les Recueils
de titres, confervés dans des archives diftinguées par
le rang
ou la profeffion de leurs poffeffeurs, ne mériteroient - ils
même confidération, que des livres non authentiques de ren-
tes feigneuriales, qui ne feroient pas plus anciens, & qui se
rencontreroient avec eux ? Pourquoi feroient-ils moins foi,
que les livres des marchands, mis conftamment au-deffous de
ces derniers par les plus fameux Jurifconfultes? Or peut-on
nier, que le cartulaire de la cathédrale de Rouen, ne réuniffe
toutes ces prérogatives? Comment donc fe flate-t-on de lui
faire perdre créance fur de fi légers prétextes?

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pas la

Quelques auteurs ont traduit le cartulaire des Chanoines de Brioude comme devenu très-fufpect par les fauffes pièces, dont il est infecté. Voici en peu de mots le fait, auquel on doit atribuer cette difgrace. M. Baluze (4) avoit prétendu fe prévaloir de quelques feuilles, trouvées, difoit-il, parmi les papiers de M. du Bouchet après fa mort. Il conjecturoit qu'elles avoient fait partie d'un cartulaire de Brioude. Celui qui fe conferve encore dans les archives de cette Eglife, aporté à Paris, fut confronté avec ces feuillets par M. Baluze lui-même & par les PP. Mabillon & Ruinart. Leur procès verbal en conftate la diférence, tant du côté des lettres, que du côté du format. Les vices de ces feuilles déclarées depuis fauffes & fabriquées, n'influent donc en aucune forte fur ce cartulaire. Qu'elles y aient été inférées ou non, ou qu'elles l'aient été dans un autre

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