PREM. PARTIE.

SECT. I. CHAP. X.

Autres cartulai

fes & chiméri

ques.

cartulaire du même Chapitre; il fufit pour la fureté du public, qu'on leur ait fait fubir le fort des faux titres. Quand la même févérité fe feroit étendue fur quelque autre pièce, les bonnes devroient-elles en foufrir? Seroit-il jufte de faire porter à une multitude de chartes innocentes la peine due à une ou deux, qui fe trouvent dans leur compagnie? Rejete-t-on les vraies Decrétales des Papes à caufe des fauffes, qui les précédent & qui les fuivent dans les livres manufcrits, comme dans les imprimés ?

V. Le fauffaire, qui avoit fabriqué le cahier, dont on vient res rejetés fur des de parler, retrancha de plus une feuille du cartulaire de Sauprétentions fauf- cilange, en la place de laquelle il en inféra une autre de fa façon. L'impofture fut avérée & l'interpolation reconnue, Ceux à qui ce cartulaire apartenoit; loin de vouloir tirer parti de cette addition, faite par une main étrangère; la rejetèrent avec horreur, au moment qu'elle vint à leur conoiffance, Faudra-il après cela les rendre refponfables d'un atentat commis contr'eux ? Leur cartulaire doit-il être fufpect, à cause d'une corruption, qu'ils déteftent, qui eft fans conféquence, & qui ne peut plus en impofer à perfone: Non fans doute: il il n'en eft ni moins bon, ni moins digne de foi. La Justice elle-même n'en a pas jugé autrement.

Le collecteur des nouveaux Mémoires du Clergé, qui n'a pas coutume de fe fonder en preuves, lorfqu'ils ataque les cartulaires, produit celui de Notre Dame de Chartres, comme un modèle, fur lequel il prétend juger tous les autres. A l'ocafion d'un procès ; le célébre M. Talon Avocat général aperçut dans ce cartulaire une note, dont il fit fi grand bruit;que le Parlement ordona par arrêt du 24 Mars 1667. qu'elle feroit bifée. Il n'en faut pas davantage au compilateur, pour décrier ce cartulaire, & con(x) Mémoires du féquemment tous les autres, comme des recueils (x) contenant un grand nombre de pièces manifeftement fauffes. Mais n'y a-t-il aucune diférence entre une note de la façon de l'auteur d'un cartulaire, ou de quelque main poftérieure, & les titres renfermés dans ce cartulaire? Qui ne voit que la note eft abfolument diférente des actes du recueil: qu'elle ne peut être plus préjudiciable aux pièces, dont il eft compofé; que ne leur seroit une charte reconnue pour fauffe: & qu'un cartulaire convaincu d'imposture, dans toute fon étendue, ne ferviroit pas

Clergé tom. 6. pag. 1084.

plus à la réprobation des autres ; que la condamnation d'un fcélérat, à celle de toutes les perfones de probité : C'eft donc un paralogifme intolérable, de conclure de la flétriffure d'un feul cartulaire à celle de tous ? C'en eft un égal, de conclure de la fauffeté d'une charte, à celles de toutes les pièces d'un cartulaire. Mais c'est un raifonement, qui péche de quelque côté qu'on l'envifage, de conclure d'une note, regardée comme trop hardie, à la dégradation de tous les titres de ce cartulaire; & par une feconde conféquence, à celle de tous les cartulaires des communautés ecléfiaftiques. Le Parlement en jugea d'une manière bien plus équitable. S'il eût penfe, qu'une note répréhenfible dût influer fur tous les titres, renfermés dans un cartulaire, & les faire regarder comme faux; il auroit au moins fuprimé celui de Chartres. Mais content de la radiation d'une note, qui lui déplaifoit, il rendit aux chanoines de cette Eglife leur cartulaire, fans donner la plus légere ateinte aux pièces, qui s'y trouvoient renfermées.

Voici un exterminateur de cartulaires, qui n'emploie pourtant pas des paralogifmes fi groffiers. Mais quoiqu'il péche plutôt par les principes, qu'il pofe, que par les confequences, qu'il en tire; il n'en fait pourtant pas des ravages moins grands dans les archives. Chaque coup qu'il porte aux cartulaires, en abat de centaines à fes yeux. On voit bien que nous parlons du P. Hardouin. Selon lui, il faut regarder comme fabriqué par les Bourguignons tout cartulaire, qui fait mention (y) de Ducs de Bourgogne, antérieurs à l'an 1140. tout cartulaire, qui fait defcendre de la maifon de Bourgogne ou de France les Rois de Portugal, ou qui fupofe que quelqu'un des anciens Ducs de Bourgogne auroit porté d'autres noms, que ceux d'Odon & de Hugue. Quelques authentiques que foient les cartulaires de Bourgogne, où ces prétendus defauts fe rencontrent; quoiqu'ils aient été dreffes fous les yeux & par les erdres de Saints, qui furent la lumière de leur fiècle, & qui répandirent par tout la bonne odeur de J.C. leurs vertus & leur capacité n'empêcheront point, que leurs cartulaires ne foient des œuvres d'impofture. Il y a plus : la réunion constante de tous les caractéres du XI fiècle dans ces cartulaires ne les garantira pas de fupofition, & d'une fupofition poftérieure à l'an 1325. non ante annum 1325-ficta.

PREM. PARTIE.
SECT. 1.

CHAP. X.

(y) Mf. reg 6216. A. p. 287,

PREM. PARTIE.

SECT. I. CHAP. X.

(z) Ibid. p. 299.

(a) Ibid. p. 388. (b) Ibid. p. 390.

Géofroi deVen

mon & Baluze,

d'avoir fait inférer

dans le cartulaire de son Abbaïe un

canon du Concile

de Clermont, après

l'avoir falfifié.

Inutilement criroit-on au paradoxe, & donneroit-on l'alarme fur les fuites, qu'un pareil fyftème entraineroit avec lui. Le P. Hardouin déclare, qu'il n'en veut aux cartulaires, & à tant d'autres écrits, que dans la crainte qu'ils ne nuisenr à fa Religion, (2) cui ne noceant nulli parcendum chartulario, alterius-ve generis fcripto. Peut-on avec plus de dévotion, renverfer tous les fondemens de la fociété humaine? Après cela les Chanoines réguliers de l'Abbaie de Sainte Geneviève ne doivent-ils pas lui avoir bien de l'obligation, de s'être contenté de dire, que le nombre des chartes fauffes de leur cartulaire n'est pas petit: in quo funt (a) charte non pauce ficte? Il est vrai qu'il enchérit ailleurs (b) fur cette expreffion, en déclarant que la plupart des pièces de ce cartulaire font fupofées, fed plerumque falfo. Mais c'est toujours beaucoup, qu'il en ait épargné quelqu'une.

il

VI. Quoique M. Simon n'eût pas formé des projets auffi vafdôme injuftement tes, pour exterminer les monumens de l'antiquité; fes principes acufé par MM. Si- fans y être auffi contraires, n'en font fouvent que plus injurieux à la mémoire des grands hommes, qui nous les ont tranfmis. Nous en toucherons ici un trait, parcequ'il concerne les cartulaires. Géofroi Abbé de Vendôme & Cardinal de S. Prifque a toujours été regardé comme une des lumiéres de fon fiècle. Chargé des afaires les plus importantes de l'Eglife & de l'Etat, y fit paroitre une droiture & une intégrité à l'épreuve de l'envie. Sa piété, & fa fainteté même lui ont mérité le titre de Bienheureux. C'eft précisément un fi grand perfonage que Richard Simon choifit, pour en faire un maitre en imposture, qui par fes mains, ou celles de fes moines, inféra dans le cartulaire de fon Abbaïe, le decret d'un concile, dont à l'entendre, il corompit le texte, par la fupreffion d'une claufe favorable aux droits des Evêques. » Peut-on rien de plus hardi, s'écrie -t-il (c), que l'action de Géofroi Abbé de Vendôme, » qui, pour exemter ses moines d'une certaine fomme d'argent, qu'ils payoient aux Evêques, qu'on nommoit le Ra» chat des Autels, falfifia le canon du concile de Clermont, où il étoit fait mention de ce rachat? Dans une afaire, qu'il » eut fur ce fujet avec Ulger Evêque d'Angers, qui apuyoit fon droit fur l'autorité de ce Concile d'Auvergne, où avoit » affifté le Pape Urbain; il ofa foutenir à ce Prélat, qu'il n'y

(c) Lettr. critiq. édit. de Basle pag.

134.

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à PREM. PARTIE.

avoit pas un mot de ce droit dans l'arrêté du Concile, où il avoit été lui-même préfent. Bone Domine, dit-il écrivant Ulger, vos illi non adfuiftis Concilio, & ego interfui, qui hujus rei cognofco veritatem. Redemptionem Ecclefiarum, que vulgari vocabulo Altaria nuncupantur, beatus vir ille Simonia» cam pravitatem vocavit & Apoftolicâ auctoritate damnavit. Mais cela étoit manifeftement faux. Godéfroi avoit ôté du » canon de ce Concile de Clermont cette claufe: falvo utique Epifcoporum cenfu annuo, quem ex eifdem altaribus habere foliti funt, & il l'avoit fait registrer dans le cartulaire de fon Abbaïe, fans la clause, dont il est question. «<

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SECT. I. CHAP. X,

Ce n'eft point ici une calomnie échapée à un auteur dans un moment de colère. Il l'a fait encore valoir dans fon Hiftoire de l'origine & du progrès des revenus ecléfiaftiques. (d) Il en prend d)Tom. 1.p. 18, même ocafion, de déclamer à fon ordinaire contre tous les car& fuiv. tulaires des Abbaïes. » Après une falfification fi évidente, dans » un fait de cette importance, peut-on, dit-il, avoir foi aux » cartulaires des Moines Bénédictins? « On aperçoit le fophifme favori de M. Simon, la conclufion du particulier au général. Mais où avoit-il pris, que Géofroi eût fait référer dans fon cartulaire le canon du concile de Clermont, qu'il lui impute d'avoir falfifié ?

сс

Il faut lui rendre juftice. Il n'eft que le copifte & l'amplificateur d'un critique eftimable par plufieurs endroits, mais pourtant fujet à fupléer d'imagination, ce que les monumens antiques refufoient à fes recherches. Nous parlons de M. Baluze encore jeune, & publiant fes notes fur le Decret de Gratien. L'acufation de témérité, (e) qu'il intente contre Géofroi Abbé de Vendôme, n'auroit rien de trop violent, fi le crime fur lequel il l'apuie étoit véritable. Mais pour parvenir à l'en convaincre, il réalife des chimères. Il fupofe deux éditions diférentes (ƒ) du concile de Clermont, l'une générale & reçue par tout, l'autre propre à l'Abbaie de Vendome. La première porte conftamment cette claufe: falvo utique Epifcoporum cenfu annuo, quem ex eifdem altaribus habere foliti funt. Celle de Vendôme au contraire l'a fuprimée. C'est ce qu'il prétend justifier, 1o. par le cartulaire de la même Abbaïe, où, felon lui, le canon fur le rachat des autels fut en même tems & tranfcrit & falfifié: comme s'il n'avoit pu être copié fans altération, ou fur un Tome I. Cc

(e) Stephan. Baluz. Nota ad AnGratianum p.499.

ton. Auguftin. &

(f) Ibid. p. 480.

PREM. PARTIE.
SECT. I.

CHAP. X.

(g) De Primat. Lugd p. 381.

(b) Concil. gen.

tom. X. col. 595.

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(i) Not. ad Anton. Auguftin. os Gratian. p. 479.

manufcrit diftingué du cartulaire. 2o. Il aporte en preuve une lettre de Pascal II. tronquée, par raport à cette claufe effentielle. Content de ces deux raifons, M. Baluze veut que Géofroi, après avoir commis cette infidélité, ait nié hardiment, qu'Urbain II. eût confervé aux Evêques leur cens annuel fur les Cures des monaftères. Reprenons ces deux chefs d'acufation, & la conféquence qu'il en tire.

A l'égard du canon, qu'il fupofe inféré dans le cartulaire de Vendôme, il ne dit point qu'il l'y ait vu: il ne cite ni auteur, ni témoin de l'exiftence actuelle de ce canon, foit dans ce cartulaire, foit dans quelque autre Mf. de la même Abbaïe.

M. de Marca (g), dans fa Differtation touchant la Primatie de Lion, a public en 1644. des notes fur quelques canons du Concile de Clermont. Il y déclare,qu'on n'avoit point (6) encore mis au jour les Decrets fur le rachat des autels & fur la confirmation, qui en fut acordée aux monaftères, lorfqu'ils feroient autorifés par une poffeffion de trente ans. Le P. Sirmond, après avoir feuilleté les archives de Vendôme; loin d'y avoir trouvé le canon, dont il s'agit, ne nous anonce pas moins formellement, qu'il n'avoit point paru jufqu'alors, hactenus (h) in lucem non prodiit. Il eft vrai qu'il fut récouvré depuis. M. Baluze atache (1) lui-même l'époque de fa découverte ou de fa publication à l'an 1663. Mais en fut-on redevable au cartulaire, aux archives ou à la Bibliothèque de l'Abbaie de Vendôme? Non : on l'a retrouvé parmi les canons du Concile de Clermont, dans le fameux Mf. du Cardinal Cenci camérier d'Innocent III. M. Baluze l'a fait imprimer lui-même fur un Mf (k) ď’Aniane. Il a de plus fait ufage de deux anciens Mff. de faint Aubin d'Angers. Mais ni lui, ni qui que ce foit n'a cité nulle variante, puifée dans l'Abbaie de Vendôme. D'où favoit-il donc, que ce canon étoit falfifié dans le cartulaire de cette Abbaie? Auroit-il pris pour ce cartulaire le Mf. des lettres de Géofroi, publiées par le P. Sirmond: ou bien auroit-il conclu, rat. 3. Epift. ad que Géofroi auroit falfifié ce canon; (2) parcequ'il en envoya

(4) Petr. de Marca De Concord. Sa

cerd. Imp. edit. 1704. col. 1029.

(1) Sirmond. ope

Ulger. Andeg.

(6) Decretum enim, quo vetita funt 1.q. Canon 4. Mais comme on ne le troualtarium redemptiones, nondum prodiit voit point parmi les fragmens du Concile in lucem. Quin etiam nec decretum illud, de Clermont ; on doutoit s'il n'apartenoir quo altaria confirmantur monafteriis, fi ea pas plutôt à celui de Nimes, tenu un ane per annos triginta poffederint. Il avoit pour-après: c'est-à-dire en 1096.. tant été publié dans le Decret de Gratien