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SECT. I. CHAP. XI.

Comme les extrémités des chartes font d'ordinaire les plus PREM. PARTIE, maltraitées par le tems; les dites prefque toujours fituées au bas de ces pièces fe trouvent quelquefois en fi pitoyable état qu'elles en paroiffent ou font indéchifrables. Si malgré cela les copiftes ordinaires, & même les Oficiers publics, s'avifent de réaliser dans leurs expéditions des conjectures; il s'enfuit des anachronifmes inévitables, dont on a coutume de faire grand bruit contre des originaux, qui en font, comme on voit, fort innocens. En général ce feroit une folie achevée, de rejeter les fautes des Mff. fur les fauflaires. Elles font en effet de telle nature; qu'on ne fauroit dire en aucune façon (2) de prefque toutes, qu'elles aient été faites de propos délibéré. Il en eft de même de celles, qui fe rencontrent dans les copies des chartes. Nul intérèt n'a pu éngager les écrivains, à fe porter à des altérations, dont qui que ce foit ne pouvoit tirer avantage. On ne fauroit donc en affigner d'autres causes, celles qui conviennent également aux Mss.

que
croit voir une faute groffiére dans ce tex-ménager un ami, qui lui fourniffoit en
te. Conftat, dit-il, (m) vocem linguæ, même-tems d'autres armes plus victorieu-
in hoc loco effe mendofam. Selon lui, Ray- fes contre les Critiques, qui rejètent les
naldi avoit voulu rectifier ce mot-, en Bulles Pontificales & les diplomes authen-
fubftituant de fa propre autorité, mira- tiques, fous prétexte qu'ils y découvrent
cula. Surquoi M. Baluze prouve par un des fautes (p) & des erreurs de dates (g),
Mf. de la Bibliothéque Colbert, par les auxquelles les notaires & les écrivains des
Registres d'Innocent III. & par les origi- anciens tems étoient encore plus fujets
naux mêmes, que le texte primitif porte que ceux d'aujourdui. M. Muratori n'eft
lingua. Il devoit en conclure, qu'il faut pas moins référvé que le P. Mabillon, à
s'en tenir à cette leçon, comme étant la condamner les pièces, où ces légers de-
feule autorifée. Au contraire fupofant fauts fe trouvent mêlés avec des marques
toujours, que les Bulles d'Innocent III. d'anthenticité non équivoques. Profectò
font fautives en cet endroit, il veut (n) dit le favant Italien, inficias non ierim,
qu'on life, Signa. Legendum ergo, SIGNA. quin adhuc,in tantâ germanorum diploma-
Il ne s'eft pas aperçu, que fe Pape argu- tum copia nonnulla fuperfint, in qua ob in-
mentoit, du miracle des langues incon- curiam Cancellarii five Amanuenfis, quo
Dues, aux autres miracles, & qu'il citoit Cancellarius eft ufus, errores nonnulli ir-
l'Apôtre, qui dit,lingua non fidelibus, &c. Il repferint, & pracipuè in notis chronologicis.
n'a pas même senti, qu'en fubftituant figna Horum fanè causâ minimè profcribenda
à la place de lingua, il en réfulte cette phra- funt veneranda illa antiquitatis rudera
fe ridicule: Quanquàm figna non fidelibus, fi alia concurrant authentica figna finceri-
fed infidelibus fint in fignum. Preuve certai- tatis. Murator. Antiquit. Ital. tom. 3.
ne que
les grands hommes ne font pas
exems de grandes bévues. Si Dom Mabil-
lon, à qui M. Baluze fit part de fa belle
découverte (o), n'en a pas relevé l'ab
Lurdité; c'est peutêtre qu'il a cru devoir

col. 43.

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(2) Cùm pleraque manufcriptorum librorum vitia fint ejufmodi, ut datâ opera

confultò invecta dici omnino non poffint. Germon. de veter. hæret. n. X P. 7.

(n) Dere diplom. p. 624.

(n) Innoc. III. Epift. 1. 2. p. 148. (c) De re diplom. P. 624.

(p) Ibid. p. 623. (9) Ibidem p. 28.

241.

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IV. Si l'on avoit aujourdui les originaux des auteurs facrés, ecléfiaftiques & profanes; on ne manqueroit pas d'y avoir recours dans les doutes, que font naitre les variantes des Mff. On doit apliquer cette règle aux copies des diplomes. Leurs originaux, quand ils fubfiftent, doivent fervir à diffiper les nuages des copies. L'expérience aprend tous les jours, qu'ils font évanouir des dificultés (3) infurmontables, uniquement fondées fur les bévues des copiftes. Ils ne feroient pas d'un moindre

(3) L'infpection des originaux, quand on eft à portée de les confulter, lève ces dificultés, qui ne naiffent le plus fouvent que des copies défectueuses. Doublet (r) a publié un diplome de Charlemagne, en faveur de l'Abbé Fulrade & des moines de S. Denis, qui porte la date du XVI. des calendes d'Octobre, la XXII. année du regne de ce Prince, en France & la VIII. de fon regne en Lombardic. Comment concilier ces dates avec la vérité de l'hiftoire; fi D.Mabillon (s) n'avoit trouvé l'original, où l'année XIV. du regne eft clairement marquée,au lieu de l'année XXII? C'eft ainfi que les anachronifies difparoiffent, quand on peut récouvrer les originaux. Le même Doublet, ou les copiftes qu'il a fuivis, ont lu Fulrade au lieu de Fardulfe (1) dans un diplome de l'an 779. par lequel Charlemagne confirme les donations de fa four Gifelle au même monastère. On a des milliers d'exemples de noms propres mis les uns pour les autres par les copiftes furtout lorfqu'ils font tombés fur des Mff. & des chartes dificiles à lire, ou qu'ils ont trouvé ces noms écrits par abréviation, ou feulement marqués par la lettre initiale.

:

Veut-on encore un exemple remarquable des bévues des copiftes? le Monajti cum Anglicanum va nous le fournir. Il s'agit d'une charte de donation faite à l'Eglife Métropolitaine de Rouen par Jean Sans-terre Roi d'Angleterre & Duc de Normandie.On y lit que fon pèreHenri II. & fon frére Henri ont leur fépulture dans cette Eglife. (1) Noverit univerfitas veftra, quòd nos pro falute anima noftra & pro salute animarum bona memoria Henrici Regis patris nofiri fratris noftri Henrici ju

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nioris,qui in Ecclefia Rotomagenfi HABENT SEPULTURAM. Si cette pièce concernoit une Abbaïe; certains auteurs ne manque

roient pas, de la mettre au nombre de tant de monumens, (x) qui prouvent la multitude des faux titres, fabriqués autrefois par les moines.Toure charte,diroient-ils, dont le contenu fe trouve démenti par des faits certains & incontestables,doit être reje tée comme une pièce fauffe,en quelques archives qu'elle fe trouve.Or il eft certair, & les Hiftoriens l'ateftent, que Henri II. fut inhumé dans la célébre Abbaie de Fontevrault,& non dans la Cathédrale deRouen. Donc le titre des Chanoines de cette Eglife, qui énonce difertement le contraire, doit être mis (y) au rang des pièces fabriquées. Ce titre ne laifferoit pourtant pas d'être très véritable. Comment cela ? C'eft que les copiftes, faute d'attention ou par ignorance, lui ont fait dire ce que l'autographe ne dit point. En effet il est très vraisemblable, qu'ils ont mis au pluriel habent pour habet, qui ne tombe que fur Henri le jeune, fils de Henri II. La véritable leçon ainfi rétablie ; la charte ne contient rien, que de conforme à la vérité: puifque le jeune Henri fut effectivement enterré dans l'Eglife de Rouen. Des fautes groffiéres dans les chartes foit des Chapitres, foit des Monastères, ne font donc pas toujours des preuves valables de leur fauffeté, (z) & la feule infpection des originaux fufit, pour en juftifier un grand nombre, que des critiques de nom ont décriés trop légèrement.

Voici un autre exemple frapant des mécomptes des copiftes. Par une erreur de ce genre, un Archevêque de Rouen connu dans l'histoire, fait place à un in

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PREM. PARTIE.
SECT. I.

fecours; fi ces fautes étoient de véritables falfifications Au
défaut des autographes, les copies authentiques produifent le
même effet. Car on peut compter, qu'elles ne péchent point dans
des chofes effentielles. Une copie authentique remplace de
droit l'original. Quoique comparée avec lui, elle ne fut pas
exemte de quelques taches; elle ne s'en écartera pas fur des arti-
cles décififs. Ainfi M. Lenglet n'auroit point dû exclure les
reffources, qu'on peut tirer de ces pièces ; lorfqu'il établit cette
maxime (a), QU'ON NE PEUT vérifier leur falfification ( des co-
pies) QUE par les chartes originales ; quand elles font encore en
nature, ou par d'autres priviléges, opofés à ceux, contre lefquels P.
on a quelques préjugés. Il eft certain qu'on peut encore vérifier
leur falfification par des copies antérieures à l'imposture. La di-
férence de deux copies fur des points effentiels vuide bientôt
la question. Rien alors de plus facile, que de reconoitre, fi
elle vient de mauvaise foi ou de pure méprife. Or fi une fimple

connu, qui n'exista jamais. Paul déguisé | jufte. Quand ce favant Religieux parle de
fous le nom de Ruric, figne (b) un pri- Ruric, apellé Evêque de Rouen (e) il ne le
vilége acordé par Vénilon Archevêque confond pas avec Paul: il fe contente de
de Sens. Cette bévue n'échapa point à la remarquer, qu'il pouroit être du nombre
fage critique de celui, qui publia le pre- de ces Prélats, qui fignoient, non com-
mier cette pièce. Dom Luc d'Acheri ne me confacrés, mais comme défignés Evê-
manqua pas, de prémunir fur cela fes lec-
ques. 2°. Le P. d'Acheri, après avoir re-
teurs. Cependant M. des Thuilleries n'a marqué le premier la faute du copiste,
pas eu l'attention, de lui rendre la justice, qui transforme Paul en Ruric, mérite
qu'il lui devoit. On feroit porté à croire, bien moins, de paffer pour auteur de cette
qu'il auroit voulu s'atribuer l'honneur de bévue. Rurici nomen, dit-il page 16. de
cette découverte, au préjudice de fon au- la Préface du fecond volume de fon Spici-
teur: lorfqu'on lui voit tenir le langage lége, hactenus inauditum ; Paulus enim
fuivant, dans une note de fa Differtation tum Rotomagi Sedem occupabat. Atqui ob
fur la mouvance de Bretagne. (c) » Qui fimilitudinem contextus privilegii utriufque
croiroit, par exemple, que Paul Arche-(Remigiani Senonenfis ab Aldrico & Veni-
» vêque de Rouen, auroit été métamor-
phofé en un Ruric, au fecond tome du
» Spicilége & dans la Diplomatique, où
» il figna fous ce nom en 852. à un privi-
»lége pour l'Abbaïe de S. Remi de Ŝens:
» C'eft cependant ce qui eft indubitable;
» puifque Paul fut élu en 849. felon la
Chronique de S. Vandrille, & qu'il
» mourut en 855. felon celle de Rouen. ce
L'auteur du premier Suplément à la défen-
fe de S. Ouen (d) raporte ce paffage de
M des Thuilleries, comme très-propre
humilier les Bénédictins. Mais 1°. le re-
proche fait au Père Mabillon n'eft pas fort

сс

à

lone conceffi) hallucinatum fuiffe librarium
par eft credere. Eft-ce là faire une faute
énorme de copifte, ou la découvrir;
être la caufe de la transformation de
Paul en Ruric Archevêque de Rouen
ou montrer qu'elle prend fon origine
dans une erreur de copifte ? N'eft-il pas
fingulier, qu'on femble l'imputer à celui,
qui l'a fait conoître? Si M. des Thuil-
leries peut être excufé par la généralité
de fes termes, d'avoir eu cette intention;
on fouhaiteroit que le but de celui, qui
les a copiés, permît de les interpréter en
auffi bonne part.

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CHAP. XI,

(a) Méthod. pour

étud. l'hift. tom. 2、

377 •

(b) Spicil. t. z pag. 587.

(c) Pag. 42. (d) Pag. 22. (e) De re diplom. lib. 2. p. 154.

PREM. PARTIE. copie plus ancienne, que la falfification prétendue, est une SECT. I. pièce de comparaison fufifante; à combien plus jufte titre une CHAP. IX. copie, qui joindra l'authenticité à l'antiquité, aura-t-elle là même prérogative?

on ne

Quant aux priviléges poftérieurs, opofés à ceux contre lesquels on a quelque préjugé : outre que cela eft un peu vague, comprend pas bien, comment ils pouroient former une preuve convaincante de la fabrication de tel & tel article dans les pièces,avec lesquelles ils ne feroient pas d'acord. C'est beaucoup, fi quelquefois ils fondoient un moyen légitime de fufpicion. En éfet eft-ce que l'opofition d'un privilége poftérieur prouvera, qu'on n'avoit pas autrefois certains droits, certains hé ritages, certaines prétentions? N'arive-t-il pas tous les jours, que les biens & les droits paffent d'une famille à l'autre ? Ainfi quand des priviléges poftérieurs prouveroient contre le droit actuel d'une Partie; ils ne prouveroient pas contre la fincérité de fes chartes. D'ailleurs ne voit-on jamais de familles & de communautés alléguer des titres, qui fe croifent & qui fe combatent précisément fur le même objet ? S'enfuit-il que ces pièces foient fauffes ou falfifiées M. Simon, tout M. Simon qu'il étoit,n'en conviendroit pas. Après un long détail fur les préten tions & Bulles contradictoires des Abbaïes du Mont-Caffin & de Fleuri, au fujet du Corps de S. Bénoît, il fe fait cette ob(f) Lettr-choif. jection: (f)» Vous me direz aparamment, ou que ces Bulles » ont été fupofées par les moines de ces deux monaftères, qu'un de ces deux moines (Lauret & du Bofc) n'a pas dit la vérité. Pour moi, répond-il, je croirois plutôt, que » CES BULLES QUI SONT OPOSÉES LES UNES AUX AUTRES, SONT » VÉRITABLEMENT des Papes, au nom defquels elles ont été expédiées, fur l'expofé des moines. «

tom. 3. p. 74. .

Jufqu'à quel

point les copies peuvent être remplies de fautes; fans qu'on en puif

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رو

V. Quoiqu'à plufieurs égards, le mérite des meilleures copies foit inférieur à celui des originaux; ce qui fufit pour fufpecter ceux-ci, ne fufit pas pour fufpecter celles-là. Une faute confidérable de chronologie dans un autographe, peut fouvent ferien conclure le rendre fufpect. Mais ce ne feroit pas une raifon, pour fufpeccontre leurs origi- ter une copie; fr elle n'étoit ni authentique, ni collationée fur avoir recours, ou l'original, & que la faute ne fût pas extrémement groffiére, & du moins aux co- de plus opofée au mœurs du tems. Les originaux font incompa pies anciennes ou rablement moins fujets aux fautes, que les copies. A proportion

naux.Neceffité d'y

collationées...

que

que ces dernières s'écartent de la fource, & qu'elles ne font que des copies de copies; les fautes vont toujours croiffant : à moins qu'elles ne foient enfin corigées fur plufieurs exemplaires, fuivant les règles d'une judicieufe critique.

L'expérience juftifie tous les jours, que plus une copie s'éloigne de l'original, plus elle fe défigure ordinairement, & plus les erreurs s'y multiplient. Elle pouroit donc être pleine d'anachronifmes, fans pour cela tirer fon origine d'un autographe fupofé. En conféquence de ces fautes acumulées dans la copie, il y auroit de l'injuftice à former contre l'original des foupçons de faux : lorfque fa copie n'eft ni authentique, ni fort ancienne. La feule infpection d'une copie quelconque ne met donc pas en droit, à raifon de fes fautes plus ou moins énormes ou nombreuses, de fufpecter fon original ou de l'acufer de faux.

Mais, dit-on, (g) fi une copie eft fidèle, elle représente le ftyle & le texte même de l'original. Or il peut s'y rencontrer quelque chofe de contraire aux usages & aux faits du tems, où il a été dreffé. Celui donc qui aura examiné une feule copie, poura prononcer avec affurance fur la fauffeté de la pièce originale. Poteft ergo ab eo, qui folum diplomatis exemplar examinavit, falfitas certò judicari.

Une copie fidèle, il eft vrai, repréfente le style & le texte de l'original. Mais la question eft de favoir, fi cette copie eft fidèle. Hé ! comment peut-on s'en affurer, fans avoir vu (4) l'original, ou du moins quelque copie authentique ? C'eft donc manifeftement une pétition de principe, de taxer de faux l'original, fur le vu d'une copie, quelque vicieufe qu'elle puiffe être. Comme fi toute copie étoit fidèle, ou qu'on pût juger de fa fidélité, avec une entiére certitude, fans la comparer avec l'original, ou du moins avec une copie authentique ! Combien voyons-nous de copies fans nulle annonce de fceau, fans dates, fans fignatures, fans témoins, fans prefque aucune

(4) Si fcripturam authenticam non videmus, ad exemplaria nihil facere poffumus. Decret. Gregor. IX. 1. 2. tit. 22. cap. 1. C'est la première décifion donnée par les Papes, fur la foi qu'on doit ajouter aux pièces, qui peuvent être citées en Juftice. Quoique nous ayons dévelopé (1) les déTome I.

fauts de ce texte, & que nous ayons pris
des précautions contre l'abus, qu'on en
pouvoit faire; les Canoniftes, qui l'ont
érigé en loi, ont dû penfer au moins,
qu'il faloit régulièrement infpection d'o-
riginal,
, pour rejeter une copie, comme
fauffe & abfolument infoutenable.

Ee

PREM. PARTIE.
SECT. I.

CHAP. XI.

(g) Germon Difcept. 3. pag. 199.

(b) Cy-deffus ch. 4. n. 4.

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