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SEC. PARTIE.

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SECTION II.

Ecriture, fon origine: fes caractéres, leur multiplicité, leurs transformations, leurs variations, leurs diver fes espèces, & leurs diférens ufages dans les monumens antiques : avec les alphabets étrangers des Européens,& des peuples, qui ont été en relation avec eux.

ARMI les qualités naturelles, dont l'homme, en fortant des mains de Dieu, fe trouva revêtu; celle de

pouvoir communiquer par la parole fes penfées à des

créatures femblables à lui, ne l'éleva pas feulement au-deffus des autres animaux : mais elle le mit encore en état, de jouir de tous les avantages de la fociété. Il lui reftoit à découvrir le fecret, de pouvoir entretenir avec les abfens quelque commerce, & de faire parvenir à ses descendans des vérités, qu'il leur importoit infiniment, de ne pas méconoitre. La tradition orale, favorifée par la longue vie des premiers hommes, put fupléer, pendant bien des fiècles, au défaut de cette découverte. Mais fa néceffité devint plus preffante; depuis que leurs jours furent abrégés, & qu'ils fe virent contrains, de se disperfer partout l'Univers.

CHAPITRE PREMIER. Origine de l'écriture: écriture des pensées : caractéres

CE

Chinois.

E fut alors au plus tard, que la Providence, attentive à leurs befoins, leur fit inventer

cet art ingénieux,

De peindre la parole & de parler aux yeux.

La parole avoit enrichi l'ouie des objets de la vue par un

heureux retour l'écriture rendit fenfibles à la vue les objets de l'ouie. Mais lorsque les fons furent peins aux yeux, avec le fecours d'un petit nombre de lettres; déja les penfées leur avoient été représentées, fous une multitude prefque innombrable de figures ou de fymboles. Ainfi l'écriture des pensées précéda celle des fons. Voilà donc deux genres d'écritures très-diférens. Leur origine & leur propagation ne font fi obfcures, que parceque leur antiquité remonte au-delà de tous les monumens, qui nous ont été confervés.

Comme l'écriture eft un des plus grands objets de la Diplomatique; nous ne croyons pas devoir nous refufer à quelques recherches fur fon origine, ni négliger de faire conoitre les canaux, par lefquels nous l'avons reçue. Si tout ce que nous avons à dire n'eft pas neuf; nous puiferons du moins dans les meilleures fources, & nous réunirons fous, un petit nombre de chapitres, ce qu'on ne trouve qu'épars dans une multitude

de volumes.

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SEC. PARTIE.
SECT. II.
СНАР. І.

bles commence

mens.

I. Tout ce qui porte l'empreinte de l'humanité, commence Invention de l'é toujours par des effais groffiers. L'expérience & les réfléxions criture, fes foileur donnent avec le tems ce degré de perfection, qu'on ne fe laffe point d'admirer. Notre écriture, que les plus grands. éforts de l'efprit humain n'auroient jamais inventée, s'est préfentée à lui comme par hazard. Des marques tracées d'abord fans deffein, & comme par une espèce de badinage; l'homme s'en fera fervi dans la fuite pour se rapeller le fouvenir de certains faits, qu'il craignoit d'oublier, ou de certaines obligations, qu'il fe propofoit de remplir. Ces marques ne fignifioient (1) ni des fons ni des mots, mais une totalité de chofes, une action, un événement avec toutes les circonftances. La multiplication de ces fignes donna naiffance à la première écriture. On en fentit l'utilité, on fe la communiqua, on la perfectiona, on en fit un art. Et bientôt chaque caractére, qui n'exprimoit que des choses vagues, fut destiné à rendre des penfées fpécifiques, & les modifications même de ces penfees.

(1) M. Shuckford, docteur Anglois, qui a publié l'Hiftoire du monde facrée & profane, pour fervir d'introduction à l'Hiftoire des Juifs de M. Prideaux, croit que Fart d'écrire s'eft formé à peu près de la même maniére, qu'un païfan fans lettres

marquoit fur les murailles de fa chambre,
tout ce dont il faloit qu'il fe fouvint, par
raport aux afaires qu'il faifoit avec difé-
rentes perfones, & qui par ce moyen y
mettoit un grand ordre; quoiqu'il fit un
commerce très-confidérable. Tom. xip, 238..

SEC. PARTIE.

SECT. II.
CHAP. I.

II. La plus ancienne écriture ne transmit donc ni aux abfens, ni à la poftérité les fons de la voix par des lettres femblables aux nôtres. Elle exprima par des images ou des fiEcriture des pen- gnes foit naturels foit arbitraires, les idées, les fentimens, fées : écriture uni- les jugemens: bien qu'à parler en rigueur ces derniers fufment intelligible à fent d'abord plutôt fous-entendus que figurés.

verfelle, égale

tous les peuples & déja entendue de plufieurs.

(a) Mém. de lit

ter. de l'Acad. des Infcrip. tom. VI. p. 609.

(b) Relation du Japon par M. Ca

von. p. II.

Parmi les caractéres fymboliques, dont nous parlons; les uns étoient les portraits groffiers des aftres, des plantes, des animaux & de diférentes parties de la nature : les autres ne pouvoient paffer, que pour des figures de pur caprice. Tels furent les hiéroglyphes de l'Egypte, tels les caractéres de la Chine. » Le moyen (4) d'exprimer les penfées par des peintu» res ou représentations des chofes, dont on parle, eft celui qu'emploient encore aujourdui les Sauvages du Canada, & celui dont fe fervoient les Mexicains, avant que les Efpagnols euffent détruit leur empire. »

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Si tous les peuples de la terre étoient demeurés atachés à leur écriture primitive; ils auroient continué de s'entendre par écrit, malgré la diverfité de leurs langues. Les mêmes chifres Arabes, les fignes du Zodiaque, des Planètes & de l'Algébre font également entendus; quoique diféremment prononcés par les divers peuples de l'Europe. Il ne feroit donc pas impoffible, d'inventer une écriture, qui pût être entendue de toutes les nations du monde, & que chacune prononceroit en fa propre langue.

Le projet d'une écriture univerfelle n'est pas demeuré dans la pure poffibilité. Plusieurs favans hommes ont tenté, de le réduire en pratique. Wilkins Evêque de Chefter & le fameux Leibnitz ont entrepris des travaux confidérables, pour l'exécution de ce deffein. On peut même avancer, qu'il est exécuté en partie; quoiqu'il pût l'être d'une manière beaucoup plus parfaite.

Les favans (b) de la Chine, du Tonquin, de la Cochinchine, de la Corée & du Japon, ont des caractéres communs qu'ils lifent chacun dans leurs langues, quoique très-diffemblables entr'elles. Si l'on en croit certains écrivains, ces caractéres ne font connus que des Lettrés : les autres ont une (c) Atla Sinicus, écriture propre à chacune de ces nations. Il y a des auteurs praf. p. 28. 173. qui fans faire cette diftinction, disent que les mêmes lettres (c)

184.

font

font entendues par les habitans de la Chine, de la Cochinchine, du Japon, du Tonquin & de Camboie. Ils ajoutent auffi , que les peuples (d) de la Corée, dépendans des Chinois, ont la même langue & les mêmes caractéres.

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19

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Sur cette diverfité de langage, on peut s'en tenir au jugement de M. Fréret, qui a répandu de grandes lumiéres fur la littérature de la Chine. » L'écriture (e) eft, dit-il, non feule» ment commune à tous les peuples de ce grand païs, qui parlent des dialectes très diférentes; mais elle l'eft encore » aux Japonois, aux Tonquinois & aux Cochinchinois, dont les langues font totalement diftinguées de celle des Chinois. « Le Père du Halde (f) confirme le même fait. » Quoique la langue des Coréens foit diférente de la Chinoife, ajoute un Journaliste (g) de France, d'après l'auteur de l'Hiftoire générale des Voyages; ils fe fervent dans leur écriture & dans l'impreffion de leurs livres, des caractéres Chinois. « III. L'écriture (b) Chinoife, dit M. Fréret, fait une lan»gue à part, langue qui parle feulement aux yeux, qui ne s'entend ni de l'organe de la voix, ni du fens de l'ouie, & des gens muets & fourds de naiffance auroient pu employer, pour converfer ensemble. « La ligne droite, la ligne courbe (i) & le point diféremment placés, plus ou moins répétés forment leurs diverfes combinaisons 214. carac

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téres radicaux. Ces clés ou racines combinées ensemble donnent les 8000o. caractéres, dont l'écriture Chinoife eft compofée. Ces caractéres n'ont donc rien de commun avec nos lettres de l'alphabet. Ce font des fignes purement arbitraires, & qui n'ont nul raport, pas même de convenance avec la chofe fignifiée. Chaque caractére répond à une idée, à une action, à une nuance de pensée. La langue des Chinois eft aufli pauvre en mots, que leur écriture eft riche en caractéres. Ce font là des faits, dont perfone ne fauroit difconvenir. La diférence entre les caractéres Chinois & nos lettres alphabétiques eft par conféquent fi grande, qu'elle ne peut foufrir de parallèle.

Cependant le célébre M. Renaudot, fi éclairé dans la conoiffance des langues favantes, femble en une ocasion particulière, avoir perdu de vue ces premières notions. Comparant les caractéres Chinois avec les hiéroglyphes, il conclut, Bbbb

Tome I.

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qu'ils (2) n'ont pas entr'eux toute la conformité qu'on pouroit croire; de ce que les uns renferment certaines lettres, que les autres n'admettent jamais.

Dès qu'une nation n'a pour écriture, que des caractéres de penfees; il ne s'agit plus, quand on veut comparer fon écriture avec celle d'une autre, de favoir fi l'une a des R & au- tres lettres que l'autre n'a point. Cela ne fauroit convenir, qu'à une écriture de fons.

IV. M. Shuckford (k) trouve une fi grande opofition entre la langue & l'écriture des autres peuples & celles des Chinois; qu'il en conclut, à faire (3) remonter l'origine de ces dernières aux premiers fiècles du monde.

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(2) Ce n'eft pas que la reffemblance » des caractéres foit elle-même une preuve démonftrative. Car quoiqué les figures des obélifques & des mumies aient affez raport aux caractéres Chinois, particulièrement les plus anciens, » qu'on trouve marqués par le Père Mar» tini & par le Père Rougemont; la comparaifon de plufieurs mots Egyptiens, qui fe trouvent dans Plutarque, dans Hérodote & dans les autres auteurs, » démontre, qu'ils ne pouvoient être écrits » avec les lettres Chinoifes: d'autant plus » certainement, que les Chinois man»quent de quelques lettres, qui fe trou» vent dans ces mots Egyptiens, comme »R, qui fe trouve cependant dans les mots d'Ofiris, Pharaon, Romi & plu» fieurs autres. « II. Mém. fur l'origine des lettres Gréques. Mém. de Littér. de l'Académ. des Infcrip. tom. 2. p. 270. 271.

(3) Pour établir cette opinion, il su(1) Ibid. liv. 2. pofe, que l'arche (1) s'arêta fur les montap. 97. & fuiv. gnes, qui font au delà de la Bactriane au nord des Indes, que le Fo-hi des Chinois n'eft autre que (m) Ibid Noé, & qu'il s'établit dans fuir. la Province de Xen-fi, qui eft dans le (n) Ibid. p. 246. Nord-ouest de la Chine & près du mont Ararat. La principale preuve, fur laquelle fe fondent ceux, qui ne veulent pas, que l'arche se foit arêtée fur une montagne d'Arménie c'est que l'Ecriture fainte fait partir la première colonie des hommes de T'Orient, & les fait marcher vers l'Occident, jufqu'à ce qu'ils euffent trouvé la plaine de Sennaar, Or s'ils y étoient allés d'Arménie, ils feroient partis du Nord

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vers le Midi, & non pas de l'Orient. Mais les defcendans de Noé, qui s'étendirent vers l'Orient, le Nord & le Midi, ne marchèrent point du côté d'Occident avec les autres, qui fe fixèrent, au moins pour un tems, dans la plaine de Sennaar. Ainfi, felon notre auteur, le Chinois n'aura point été altéré dans la confufion des langues.

Il ne refufe pas le même privilége à la langue Hébraïque, dégagée des augmentations & des changemens, qu'elle aura éprouvés, pendant une longue fuire de fiècles. Il foupçone qu'on découvriroir de grands raports entre ces deux langues; fi l'on les comparoit enfemble, après en avoir retranché tout ce qui défigure leur fimplicité primitive.

Les monofyllabes, qui font le caractére propre du Chinois, lui paroiffent celui de la première langue (m) du monde. C'eft à ce titre, qu'il s'éforce d'apliquer le même caractére à l'Hébreu, réduit à des mots d'une feule fyllabe, à la faveur d'une prononciation un peu diférente de la vulgaire. Mais bientôt (n) il en fait une langue, dont les monofyllabes fe changèrent en diffylabes. Dans le premier fyftème, les mots Hébreux, tels qu'ils font actuellement, ne confifteroient qu'en une fyllabe. Dans le second, ils font tous compofés de deux, dont originairement chacune à part formoit un mot. Voilà, felon lui, ce qui dut conduire, par degrés avec le tems à la découverte, d'un alphabet, tel que le nôtre.

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