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SEC. PARTIE.
SEC T. II.

C'eft néanmoins en le comptant pour rien, que M. Bour-guet (2) vient à l'apui des auteurs favorables à l'antiquité de CHAP. VI.. I'Hébreu carré. Eufèbe (3) & faint Jérome donnent pour un fait univerfellement reconnu de leur tems, qu'Efdras avoit fubftitué le Caldaique à l'ancien Hébreu, le même que le Samaritain. Au témoignage de faint Jérome fe joint celui d'Origène. Il déclare dans fes Héxaples, que le nom inéfable de Dieu est toujours dans les meilleurs Mff. en anciens caractéres tels qu'ils étoient, avant qu'Efdras les eût changés. Au VII. fiècle, fi l'on en croit le vénérable Béde, les Juifs ne doutoient point de ce changement, & reconoiffoient leur ancienne écriture dans les lettres Samaritaines. Quoique les. Juifs fe foient partagés fur ce point de critique; au raport du Père Morin, de Louis Capelle, de Bibliander & de Brerevvod: la plupart (d) tiennent encore, que leurs lettres font en effet les Caldaïques ou Affyriennes, & non pas les anciennes Hébraïques. Dom Calmet en a raffemblé les preuves. dans fa Differtation, où l'on (e) examine, fi Efdras a changé les anciens caractéres Hébreux. L'opinion du changement des caractéres fait par Efdras, des Juifs a paffé chez les Chrétiens: & dès le fecond fiècle, elle y paroit reçue. Les. Juifs eux-mêmes fembloient avoir intérèt, à rejeter ce changement. Il faloit que la tradition en fùt bien établie, pour qu'ils ne la conteftaffent pas. Mais en s'y rendant; il étoit affez naturel, qu'ils tâchaffent de juftifier cette innovation, par quelque grand nom & qu'ils réalifaffent des conjectures ou des traditions déja un peu vieilles, fans trop examiner,

(d) Soucies. Diff. fur les méd. hébr. pag. 6. & 7..

(e) 1. Differt.t.1.

pag. 34. 35.

(2) Ce docte Proteflant, fort connu fieurs favans s'autorifent, paroit au moins dans le Public par fon érudition Etrufdouteux aux autres parcequ'il ne fe. que, avoit conçu le projet, de donner trouve point dans la plupart des Mil une hiftoire critique de l'origine des let- ni dans l'édition de Scaliger. L'Evêque tres & de l'invention des caractéres. Il de Bazas l'a néanmoins inféré dans la avoit pour cela raffemblé des extraits de fienne. Eufebii chron. edit. Arnald. Pondivers auteurs, des alphabets & diférens tac. pag. 121. Il prétend même l'apuyeg morceaux d'écriture de prefque toutes les de queiques M. & du fufrage de faint nations, M. l'Abbé Sallier toujours attenIrénée & de Tertullien. Mais ce der tif, à enrichir la Bibliothèque du Roi, nier n'atribue point (lib. 1. de cultu fem. en tout genre de Littérature, a fait l'a- cap.3.) à Efdras le changement des letquifition de ces recueils, qui nous ont tres. Samaritaines en Caldaïques. Seuété fort utiles, pour nos alphabets Oriep-lement il le fait auteur du rétablissement taux, & fur-tout pour les Arabes. des livres faints: c'est-à-dire, qu'il les, réduifit en un corps d'ouvrage.

(3) Le témoignage d'Eufebe, done plu

fi elles étoient bien ou mal fondées. C'eft auffi pour l'honneur de la nation , que les autres Juifs ont inventé le fyftème de deux écritures chez leurs ancêtres, l'une facrée & l'autre profane. Mais quoique des favans fort célébres aient embraffé cette fable, nous ne croyons pas devoir la réfuter fé

rieufement.

SEC. PARTIE.

SECT. II.
CHAP. VI

Antiquité des let tres Samaritaines, monoies des Maprouvée par les chabées & les an

Bible Variations

breu carré.

III. A entendre M. Bourguet, les Juifs ne firent jamais usage du Samaritain que fous les Machabées. Mais, fans nous amufer, à mettre en évidence tous les inconvéniens, pour ne pas dire les abfurdités, qu'entraine cette opinion; qu'auroit-il pu répondre à l'ufage, où étoient les Juifs, d'exprimer le faint ciens M. de la nom de Dieu en quatre lettres, par des caractéres Samaritains? des partifans de Auroient-ils employé une écriture profane, pour rendre tout l'antiquité de l'Hé ce qu'il y avoit de plus facré dans leur Religion? Or on convient affez, qu'ils fe font fervis de ces caractéres. Et c'eft en particulier le fentiment du P. de (f) Montfaucon & de (g) D. Calmet. En quoi ils fe croient autorifés d'un (h) texte d'O. rigène, que d'autres pouroient interpréter des Mff. Grecs. Ce qui ne laifferoit pas, de fournir une preuve également forte, en faveur du Samaritain: puifqu'il s'enfuivroit, que ceux qui ont les premiers traduit en Grec les livres facrés, auroient marqué dans leur verfion le nom de Dieu, tel qu'ils l'avoient trouvé dans les originaux. Donc les Mff. Hébreux avant la naiffance du Sauveur, avoient au moins confervé ce nom en caractéres Samaritains, les mêmes, que ceux des Juifs, avant la captivité de Babylone.

(f) Palaograph.· pag. 120.

(g) Differt. t. I. pag. 35.

(h) Hexapl. Orig..

t. 1. p. 86.

Etienne Morin (i) infinue quelquefois, que les anciens ca- (i) Exercit. de ractéres Caldaïques furent totalement diférens de ceux, avec Ling. part. 2. 6. lefquels nos Bibles Hébraïques font imprimées. Cet habile P.194. homme auroit bien voulu révendiquer au Caldéen les ancienneslettres, dont on n'ufe pas dans le texte Samaritain vulgaire, & qui ne font connues, que par les médailles. Pourquoi donc tant infifter fur la fimplicité des lettres Caldaiques d'apréfènt, comme fur une marque certaine de leur antiquité, par deffus toutes les autres : puifqu'il fe voit contraint, de chercher cette antiquité dans des caractéres, avec lefquels elles n'ont prefque aucun raport, & qui font d'ailleurs quelquefois bien plus compofés? Avouons-le, M. Morin, quoique fubtil & pro-fond, n'eft pas toujours d'acord avec lui-même..

SEC. PARTIE.

CHAP. VI.

Après tout, le parti qu'il prend n'eft nullement facile à fouSECT. II. tenir. Il le fent, & nous dit avec franchife, que l'opinion contraire ayant pour garans Eusèbe & S. (k) Jérome, a fur la sienne (k) Prolog. Galeat. feu Prafat. in (4) un fi grand avantage; que peut s'en faut, qu'elle n'en lib. Reg. In Ezech. triomphe.

c. 2.

Réponses aux ob

de l'antiquité des

Caldaïques.

257.

Exercit.p.198. (m) Origen. in Ezech. c. 9. t. 3.

p. 424. nov. edit.

IV. Mais il plait à (1) Morin, d'après Scaliger, de douter, jections d'Etienne fi faint Jérome avoit la plus légére teinture de l'alphabet SaMorin en faveur maritain; parcequ'il a dit, que la dernière de ses lettres avoit letres Hébraico la forme d'une croix. Il auroit pu porter le même jugement (m) d'Origène, dont S. Jérome femble avoir emprunté les paroles. Le T ne paroit point, il eft vrai, fous la figure d'une croix dans le fimple alphabet Samaritain de Scaliger: mais combien a-t-on depuis découvert de monumens Samaritains & Phéniciens ou plutôt de médailles avec l'ancien caractére Hébraïque, fur lesquelles fe rencontre (2) ce T en forme de croix ? Le feul parallèle, que Chishull fait des lettres Caldéennes, Samaritaines, Gréques, Latines, Etrufques, conftate d'une part la vérité de l'affertion de faint Jérome, & de l'autre la témérité du démenti, qu'on lui donne. Notre alphaVoyez planche bet général Samaritain en fournit de nouvelles preuves en plus grand nombre.

(n) Antiquit. Afiat. p. 24.

Voyez notre planche VI. num. XIII.

VII. n. I.

(0) Exercit. de

P. 321.

Morin (0) aperçoit dans le feul, un moyen décifif; pour fouLing. part. 3.c.10. tenir, que les lettres Hébraïques n'ont jamais changé de forme: puifque van en Hébreu fignifie un crochet, dont cette lettre conferve encore la figure. Mais il y a dans le monde de plus heureux hafards. D'ailleurs le zain & le ; nun final repréfentent encore mieux cet inftrument, que non pas le vau. Il eft plus dificile, de le reconoitre dans la figure d'un crochet; celle de l'œil dans l'* Samaritain. Ainfi de ce côté - là l'argument feroit fufifamment rétorqué.

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que

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Enfin voici le plus fort argument d'Etienne Morin, (p) en faveur de l'antiquité de l'alphabet Hébreu-Caldaïque fur le p) Ibid. p. 336. Samaritain. Saint Jérome, dans (g) fa Préface fur les livres des Rois, dit, que dans quelques volumes Grecs, il a trouvé le nom de Dieu compofé de quatre lettres, écrit en caractéres anciens: Nomen Dei tetragrammaton in quibufdam Græcis voluminibus ufque hodie antiquis expressum litteris invenimus. On des aveux moins importans. Differt, da litteris. Hebr. §. 2.

(4) Buxtorf, tout prévenu qu'il étoit pour fon Hébreu - Caldaïque, ne fait pas

ne fauroit douter, au jugement de Morin lui-même, que par SEC. PARTIE ces lettres anciennes, le faint Docteur n'entende les Samari- SECT. II. caines, auxquelles il donne ailleurs la même épithète. Or, fe- CHAR VL lon Morin, (5) ces lettres anciennes font visiblement les Cal

edit. Bened.

t.

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daiques d'apréfent. S. Jérome (7) nous aprend, que les Grecs (r) Epift. 136. ad lifoient pipi le nom inéfable de Dieu, ainfi écrit Ce mot Marcellam. nunc tranfporté du texte original dans leurs verfions avec fes traits 14. pag. 704.6.20 primitifs, ils le confondoient avec certains caractéres propres à leur langue, à raifon de quelque conformité de traits: nomen τετραγράμματον, quod ἀνεκφώνητον, id eft inefabile putaverunt, quod his litteris fcribitur: quodquidem non intelligentes propter elementorum fimilitudinem, cùm in Gracis libris. reperirent, pipi legere confueverunt..

Mais 1o. fi les anciennes lettres font les Samaritaines, & qu'elles ne diférent point des Caldaïques; les Juifs ne renoncèrent donc pas, comme le prétend S. Jérome, avec des auteurs encore plus anciens, aux lettres Samaritaines, pour s'attacher aux Caldaïques : & les Samaritains eux-mêmes n'auront jamais eu d'autres lettres, que ces dernières : prétention diamétralement opofée à des faits publics & plus clairs que le jour.. 2o. Autrefois on abrégeoit le nom de Dieu compofé de quatre lettres, & l'on le réduifoit à deux. Les Juifs en ufent encore ainfi maintenant. Or cette abréviation du nom de Dieu confifte en deux iod. N'en cherchons point la preuve ailleurs, que dans l'aveu même de Morin Supra (s) obfervavimus, duobus fod fanctiffimum Dei nomen compendiosè nonnunquam fcribi. Or quoi de plus reffemblant à ПII, que les deux iod Samaritains: Les quatres lettres Caldaïques pouvoient auffi ex* MI primer ПIП aux yeux des Grecs, à qui les langues Orientales étoient parfaitement inconnues. On voit même dans l'alphabet d'un ancien Mf. le plus aprochant de la figure du П Grec, qu'il ne le paroit ordinairement. Néanmoins pour trouver réellement in dans, il faloit, que toutes les lettres Caldaïques fuffent étrangement eftropiées. Comment donc S. Jérome l'y a-t-il aperçu? De ces quatre caractéres, it n'en eft pas un feul, qui foit exactement femblable à ceux de

(5) Ce raifonement feroit abfurde; fi Morin ne fupofoit pas, que faint Jérome n'étoit point au fait de l'alphabet Sama

ה

*

ritain, & qu'il le confondoit avec l'Hé
breu Caldaïque...

(5) Ibid. p. 3366

SEC. PARTIE.
SECT. II.

Пn; au lieu qu'il fufifoit, de fupofer chaque П lié avec l'I, pour lire ПIП dans les deux i Samaritains, pris pour des caraCHAP. VI. Céres Grecs. Ainfi, ou S. Jérome avoit perdu de vue les lettres Samaritaines; lorfqu'il parloit de la forte à fainte Marcelle, ou plutôt les deux iod Samaritains, ayant été corompus par les copistes de fes œuvres; les éditeurs qui n'auront confulté que l'hébreu, auront cru faire merveille, en rendant *le пiп des Grecs par le des Juifs, au lieu du* des Sama1 ПІПІ ritains. Notre explication est fondée fur faint Jérome lui(1) Prolog. Galeat. même. Voyez fon prologue (1) cité en marge.

Après nous avoir déclaré, que les Samaritains écrivoient le Pentateuque lettres pour lettres, mais diférentes du côté de la figure & des traits, & que les Hébreux & les Samaritains ufoient anciennement des mêmes caractéres, qui furent changés par Efdras; il ajoute, que le nom de Dieu est jus qu'à préfent dans les livres Grecs écrit en anciennes lettres. Or quel fens peut-on donner à ces paroles; fi ce n'est que ces lettres étoient diférentes de celles, qui furent employées par Efdras: c'est-à-dire, des Caldaïques ; & les mêmes, dont les Juifs & les Samaritains s'étoient fervis avant & depuis Efdras? Quelques auteurs ont foutenu , que les anciens Hébreux avoient deux fortes de caractéres, l'un facré & réfervé pour livres faints, c'est l'Affyrien ou le Caldaïque d'apréfent: l'autre profane, dont ils fe fervoient dans les afaires civiles, c'est (u) Differt. fur les le Samaritain. Mais le P. Souciet (#) fe moque à jufte titre les med. hebraiq. de cette diftinction, & nous ne nous arêterons pas à la combap. 3. 7. & suiv. tre; parcequ'elle ne porte fur aucun fondement folide.

Avantages com

maritaines : ils

les

V. Ce n'eft que dans la langue Hébraïque, qu'on trouve des muns aux lettres lettres portant des noms, qui fignifient quelque chofe. Chez Caldaïques & Sa- les peuples voifins on aperçoit même alphabet, même arangemême dénomination de lettres. Mais on fent des noms, ici dérivés ; & là, qui ne fignifient rien. Ceux des lettres de l'alphabet Grec font de cette nature. Les Grecs eux-mêmes conviennent, qu'il (6) faut en chercher la fignification chez les Phéniciens, c'est-à-dire chez les Hébreux.

prouvent, que ment, c'eft d'elles que les

autres tirent leur origine.

(6) On tient, dit Plutarque, que l'alpha ocupe le premier rang parmi les lettres de Falphabet; parceque les Phéniciens apellent ainsi le bœuf, qu'ils mettent avant

toutes les chofes néceffaires à la vie : φασὶ τὸ ἄλφα πάντων προτάζω, δια το Doinzas curæ xarí túr Roôi. Smpos. lib. 9. q. 2.

Les

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