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sont, d'ailleurs, pensives tout au moins avec leurs envois de fleurs meurtries ou brisées, de regrets d'amour et de jeunesse, de nocturnes plaintifs, · d'anges de la mort; cetté mélancolie est pour un neuvième en 1907 dans l'inspiration de nos poésies de concours, poésies d'une phase d'inquiétude et de lassitude! Des larmes aussi, trop de larmes versées sur trop de malheurs qui n'ont pas toujours la vertu de nous attendrir et, ce qui n'est point à contester, le ton général s'étant fait plus grave, comme si, de loin, quelque unisson à la gravité des circonstances devait s'imposer. C'est le fruit de l'anxiété que notre tournant d'histoire a mise partout.

Quels seraient la portée, l'influence et l'avenir d'une poésie qui se laisserait gagner par la note triste? Vous avez d'avance répondu. Grâce à Dieu, la masse de nos concurrents garde le culte d'un art plus viril, le seul capable de contribuer au relèvement que nos voeux appellent.

Quant à la facture, variée à l'infini, des vers que nous avions à juger, de quelles écoles, souvent opposées, n'y pas constater l'empreinte? Romantiques, Parnassiens, jusqu'aux Décadents; on doit à ces derniers des licences qu'il fait bon permettre aux jeunes, à la condition qu'elles soient rares et que les auteurs aient du talent. Il a fallu trois quarts de siècle pour conquérir ces progrès; par un singulier retour des choses, voilà que le mouvement qui continue nous a ramenés bien près des vieilles formules, avec plus d'aisance toutefois; la faculté maîtrese, le bon sens, a fait justice de ce qui n'est pas elle-même.

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Que l'élégance du vers et la fermeté de la pensée se montrent de pair dans beaucoup d'ouvrages, je n'en voudrais pas répondre; d'une façon générale, cela vaut mieux que ceci, mais l'Académie est d'avis que le concours de 1907, avec sa tenue sérieuse, mérite un bon rang dans la série. Nombre d'ouvrages s'y font remarquer par les qualités de la facture; à côté de ceux auxquels sont allées les récompenses, plusieurs nous ont laissé le regret de ne pas posséder l'art de multiplier les fleurs d'Isaure.

A la poésie lyrique en particulier, il faudrait le champ plus libre que l'universelle préoccupation ne l'a laissé cette année. Sur vingt-neuf Odes, auxquelles pourtant un certain souffle ne manquait pas, aucune n'obtient de récompense. Past plus de faveur pour le Discours en vers, l'Élégie, dont il n'y a pas à reconnaître la douleur dans une boutade intitulée le Vieux chapeau, si spirituelle qu'elle soit, pour les genres légers de l'Églogue et de l'Idylle, pour l'Apologue où il faudrait exceller, pour la Ballade, pour le Sonnet à la Vierge, celui des genres que nous voyons chaque année susciter le plus d'envois pour la moindre somme de récompenses.

Le Poème rencontre meilleur accueil; il exige moins d'envolée que l'Ode et se tient plus près de nous. Ode et Poème voisinent, d'ailleurs, et dans une telle intimité, au concours de 1907, que la

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démarcation est, dans plus d'un cas, difficile à établir.

En tête des Poèmes, le Héros, auquel est décernée la Violette, prix du genre. L'auteur, M. Arsène Vermenouze, déjà notre lauréat1 il y a onze an's, est, vous le savez, deux fois poète en langue d'Oil et en langue d'Oc. Je n'apprendrais à personne quel accueil reçoivent ses publications dans les deux langues; la plus récente a mérité d'être couronnée par l'Académie française et imprimée, après concours, dans la Revue des poètes.

Le Héros est Hercule; il s'agit de la tunique de Nessus, vieille légende, mais vers très modernes, parnassiens par la pureté de la forme, la précision de la pensée, la sonorité métallique de la strophe; la main qui les écrit aurait la vigueur de les ciseler. Ecoutez plutôt :

Il est le belluaire à l'épique stature,

Sous qui râle toujours quelque grand carnassier,
Et qui toujours étreint sous son poing justicier
Quelque gueule féroce ou quelque sombre hure.

Il écoute, il regarde au loin, mais rien ne bouge;
Ils sont morts les lions néméens! Nul frisson
D'hydre ne vient troubler la paix de l'horizon,
Où le soleil s'éteint dans un ciel calme et rouge.

L'oeuvre saisit par la robuste franchise de l'allure et la richesse des rimes, en même temps que par la netteté du tableau et l'opposition des sentiments habilement ménagée, une certaine rudesse qui est voulue n'y messied pas à propos d'Her

1. Concours de langue d'Oc.

cule. On en a fait la remarque, il semble chaque fois que sous la plume de M. Vermenouze un reflet de la rude flore des Andes vienne se mêler à l'or des genêts d'Auvergne; le poète qui, pour chanter l'Auvergne, 'trouve les accents d'un fils ému, a du sang de conquistador :

Cette ardente douleur me vient de mes aïeux,
Riches d'action, à qui manquait la rime.
Leur poésie, ils la vivaient; moi, je l'exprime;
Je chante, ils agissaient. Leur tâche valait mieux.

Devions-nous, en redresseurs de torts, prendre contre le chantre du Héros la défense de l'inquiète et jalouse Déjanire? Dans son désespoir, l'abandonnée comptait sur la robe du Centaure pour lui ramener l'époux infidèle, le fatal présent ne tendait à rien de plus; meurtrière inconsciente, elle a demandé l'expiation à la mort volontaire; sa cause trouve encore des avocats..., j'ai failli dire des chevaliers. L'Académie n'a pas à décider le point le fable; elle avait à se prononcer sur de beaux vers et s'est empressée de les couronner.

Nous voici bien loin du mont Eta et de son bûcher avec l'Attente, pièce harmonieuse dont on a comparé la douceur à un chant de violoncelle une passion très sincère, en lutte contre elle-même. Est-ce au rêve d'un bonheur dont il commence tout ensemble à s'effrayer et à redou ter la perte que l'auteur nous initie? S'agirait-il des saisons du coeur? L'automne venant, il faut se hâter, ou bien, après la douleur d'amours violentes, d'un sentiment apaisé qui va se fixer?...

Quelque précision manque évidemment pour une interprétation bien sûre; mais le sentiment tout intime attache et plaît, en même temps que la forme poétique, très soignée, répond au goût traditionnel de l'Académie.

Ne venez pas si c'est l'Avril! ne venez pas
Si c'est la saison tendre et perverse des roses.....

Ne venez pas, ne venez pas si c'est l'été!

Ce sera par un soir d'octobre violet,
Où pour nous enseigner la douceur infinie,
Le couchant éternisera son agonie

Comme si tout le cœur des roses s'exhalait.

Vous me reconnaîtrez vous-même,
Car, malgré les temps révolus,
Malgré quelques rides de plus,
Je serai le même, le même.

Et s'il était trop tard,

se demande le poète,

Si le fatal hiver,

Irréparable, devançait votre venue?

Heureusement il n'est pas trop tard :

J'avais peur; un relent vague de chrysanthèmes
Rôdait, et j'ai douté. Mais vous me pardonnez, -
C'est le soir violet d'octobre; vous venez,
Vous êtes là!...

L'Académie attribue à l'Attente un Souci; pour la troisième fois, son auteur, M. Édouard Dulac, a les honneurs de notre recueil.

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