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pas d'être bête; c'est l'histoire de la sœur aînée de la petite vérole. On y trouve cependant une chose curieuse : ce sont des statuts donnés à un couvent de filles de joie à Avignon, par la reine Jeanne Ire de Naples.

OCTOBRE.

1er octobre 1766.

M. de La Michaudière, intendant de la généralité de Rouen, à laquelle il a passé après avoir exercé successivement l'intendance d'Auvergne et de Lyon, vient de faire publier par un M. Messance, receveur des tailles, des Recherches sur la population des généralités d'Auvergne, de Lyon, de Rouen, et de quelques provinces et villes du royaume 1. Cet écrit, qui fait un volume in-4° de trois cent trente pages, a pour objet de prouver que depuis environ soixante ou quatre-vingts ans la population du royaume est considérablement augmentée. Assertion contraire à toutes les remontrances que tous les parlements ont faites au roi depuis une quinzaine d'années, à toutes les idées répandues dans tous les écrits politiques qui ont paru dans le même espace de temps, et à l'opinion généralement reçue et parmi les hommes éclairés et parmi le peuple. Il sera cependant difficile d'affaiblir les preuves sur lesquelles M. de La Michaudière a fondé son assertion. Ce magistrat a fait prendre un relevé des baptêmes et des mariages dans les registres des différentes paroisses des trois généralités ci-dessus nommées, pendant les dix ou douze premières années de ce siècle, ou les dix ou douze années qui l'ont précédé; et puis il a comparé ce relevé au relevé des baptêmes et mariages des dix ou douze dernières années de notre temps des mêmes paroisses. Le résultat de la comparaison de ces deux relevés est que la population de la France, dans la seconde époque, est plus forte que dans la première de vingt-un mille trois cent cinquante naissances, c'est

1. Messance, secrétaire d'intendance, ne fit que prêter son nom à cet ouvrage dont le véritable auteur est l'abbé Audra, qui professait alors la philosophie à Lyon, sa patrie. (B.)

à-dire que la population de la France, depuis environ quatrevingts ans, a reçu un accroissement de plus du dixième.

Quoique, dans ses calculs, M. de La Michaudière ait donné la préférence aux moindres villes sur les villes les plus considérables, parce que ces dernières peuvent avoir des causes d'accroissement fortuit et passager qui ne prouvent rien, ou qui prouvent même la dépopulation de l'État, j'aurais voulu, pour le dire en passant, qu'il eût plutôt pris le relevé des naissances dans les villages de ces généralités, parce qu'en comparant les deux époques on aurait pu juger s'il y a en effet quelque réalité à l'opinion généralement reçue que les campagnes se dépeuplent, tandis que les habitants augmentent dans les villes. Dans le fait, je crois que la question de la population n'a pas encore été envisagée sous son véritable point de vue, et qu'il s'en faut bien qu'elle soit éclaircie. Les hommes n'ont, dans aucune science, aussi puissamment déraisonné que dans la science du gouvernement et de l'administration des États. Il est incontestable que la grande population est un signe de bonheur et de prospérité, et de la bonté du gouvernement. Partout où les hommes se trouvent bien, il ne reste point de place vide. Jamais, sous la tyrannie de l'Espagne, les marais de Hollande ne se seraient couverts de villes riches et florissantes qui regorgent d'habitants. La liberté batave a produit ce miracle; et s'il n'avait pas fallu cent années d'industrie et d'efforts contre la monarchie la plus formidable de l'Europe, et contre la puissance encore plus formidable des éléments, jamais la puissance des Provinces-Unies n'aurait existé. Mais un mauvais gouvernement ne dépeuple pas ses États dans la même proportion qu'un bon gouvernement remplit les siens. Il faut tourmenter les hommes longtemps; il faut surtout les attaquer dans cette portion de liberté naturelle qu'aucun homme, quand même il le voudrait, ne peut engager à son souverain, et que son souverain n'a nul véritable intérêt de lui enlever; il faut les vexer cent ans de suite pour des opinions indifférentes, pour des formules absurdes, pour des pratiques ridicules; il faut les livrer sans retour à l'exaction et à la rapine journalière du financier qui transige avec son prince de la sueur de ses sujets, avant de les déterminer à changer de sol, surtout si leur sol natal a les avantages d'un climat doux et favorable. L'acte de la propaga

tion est d'ailleurs si conforme au vœu de la nature, elle y invite par un attrait si puissant, si répété, si constant, qu'il est impossible que le grand nombre lui échappe. Il ne faut qu'un instant pour former un homme; et tous les instants, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin, y étant également propres, si vous combinez ce retour perpétuel de l'occasion avec le penchant qui y entraîne, vous trouverez que, malgré toutes les résolutions et les systèmes contraires, il est impossible que les hommes trompent le vœu de la nature d'une manière capable d'influer sensiblement sur la population. S'il est donc vrai qu'un accroissement de population soit un effet certain d'un bon gouvernement, il ne paraît pas aussi constant qu'un mauvais gouvernement produise toujours la dépopulation.

Tous les écrivains politiques mettent le luxe à la tête des causes principales qui dépeuplent un État. Sans examiner ce que c'est que le luxe, et s'il est possible de l'empêcher, je conviens qu'il existe, parmi les nations où il s'est glissé, une classe de citoyens qui, jouissant d'une fortune bornée et n'ayant pas l'espérance de l'augmenter, craignent effectivement de faire des enfants et d'être chargés des soins d'une famille; mais il faut considérer que cette classe se réduit à un très-petit nombre, qui n'est rien relativement à la totalité de la nation. Il faut considérer encore que le luxe entraîne surtout l'inégalité des fortunes, qu'il partage une nation en trois classes: la première, et la plus petite, jouit d'une richesse immense; la seconde, peu considérable aussi, jouit d'une fortune médiocre et bornée; la troisième, infiniment supérieure aux deux autres et la plus nombreuse, est dans la misère, et n'a pour s'en tirer que son travail et son industrie. Or, si cette misère devient extrême, s'il est impossible au plus grand nombre de s'en affranchir, la population, bien loin d'en souffrir, y gagnera. Il est d'expérience que ce ne sont pas les gueux ni les esclaves qui redoutent d'avoir des enfants; au contraire, rien ne peuple comme eux: ils n'ont rien à perdre, ils ne sauraient rendre leur condition. pire qu'elle n'est. Pourquoi se refuseraient-ils au seul plaisir qu'il leur est permis de goûter? Il ne faut pas non plus croire qu'il périt un plus grand nombre d'enfants élevés dans la misère que de ceux qui sont élevés avec des soins et de la recherche; l'expérience de ceux qui sont à portée d'examiner ces phéno

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mênes est contraire à cette opinion. Ainsi, non-seulement le luxe ne dépeuple pas, mais lorsqu'il est extrême, c'est-à-dire lorsque l'inégalité des fortunes est sans bornes et sans proportion, il peut devenir une cause de population; et l'on peut dire, avec la même vérité, qu'un gouvernement mauvais, à un certain point et d'une certaine manière, non-seulement ne dépeuple pas ses États, mais que ses vices même les plus funestes peuvent occasionner un accroissement de population.

Si un pays peut manquer d'hommes, il est évident que tel autre peut en avoir trop, parce qu'enfin les moyens de subsister, dans un certain espace limité, ne sont pas sans bornes. Il est donc désirable, pour un tel pays, d'être débarrassé du trop grand nombre d'hommes dont il est surchargé, et il s'établit nécessairement, et sans qu'aucune puissance humaine puisse l'empêcher, une émigration avantageuse même au pays dont on sort. Pourquoi donc ces lois pénales qu'on publie depuis quelque temps de toutes parts contre les émigrations? Ces lois ne prouvent autre chose, sinon qu'il existe dans les États où elles sont promulguées, quelque vice, quelque absurdité, quelque ineptie ou religieuse ou politique, qui en chasse les hommes malgré qu'ils en aient sans cela, l'émigration qui se ferait d'un pays n'y causerait jamais de vide, ou ce vide y serait incessamment rempli de nouveau. Ainsi, dans un pays bien gouverné, il n'existe à coup sûr aucune loi contre l'émigration.

Qu'importe à un gouvernement que le pays de sa domination regorge d'habitants, pourvu que ceux qui l'occupent soient heureux, et soient assez pour pouvoir se défendre contre l'ennemi? Ne vaut-il pas même mieux qu'il n'y ait en France que seize millions d'hommes, mais bien vêtus, bien logés, bien nourris, bien à leur aise, que vingt millions qui ne seront certainement pas si heureux, puisque enfin il faudra retrouver la subsistance des quatre millions d'hommes en sus aux dépens des seize millions, et en diminuer d'autant leur aisance? Voilà un des plus insignes sophismes politiques qu'on verra cependant bientôt dans un ouvrage d'une grande étendue, avec tout le cortège de sophismes subalternes qui doivent le fortifier. Il n'est pas vrai qu'un moindre nombre d'hommes, dans un espace limité, soit plus à son aise qu'un plus grand nombre. Le bonheur politique des nations consiste dans l'activité, qui multiplie

leurs moyens et leurs ressources à l'infini. Il n'est pas rare de voir, dans une même étendue de terrain, où quelques familles éparses trouvaient à peine l'étroit nécessaire, régner l'abondance avec toutes les commodités de la vie, précisément parce que le nombre d'habitants a triplé et quadruplé. Tout souverain doit donc désirer de porter la population de ses États au plus haut degré possible, parce que c'est donner à ses sujets la plus grande activité possible, et que c'est cette activité, et non le nombre d'hommes plus ou moins à leur aise, qui fait nonseulement le nerf de l'État, mais aussi la source du bonheur public, d'autant plus sûrement que si la population devenait réellement trop abondante, la proportion entre le nombre d'hommes et les moyens de subsister se maintiendrait d'ellemême par une émigration insensible. Cette émigration nécessaire aurait encore l'avantage de ne faire perdre à un État que la partie la moins précieuse de ses sujets, c'est-à-dire les moins actifs, les moins industrieux, les moins intelligents, les moins courageux; au lieu que l'émigration, occasionnée par quelque vue injuste et absurde du gouvernement, prive ordinairement l'État d'une portion de citoyens infiniment utile et précieuse, comme la France a jugé à propos de s'en jouer le tour par la révocation de l'Édit de Nantes.

De tout ceci, il résulte que les rédacteurs des Remontrances, et les autres faiseurs d'écrits politiques, pourraient bien avoir avancé à tort que le royaume se dépeuple; mais en admettant l'exactitude des recherches de M. de La Michaudière, je pense qu'on n'en peut ni n'en doit inférer ni pour ni contre la bonté du gouvernement et l'amélioration de son administration.

M. Messance a ajouté à ses recherches sur la population. d'autres recherches sur la valeur du blé en France et en Angleterre. Il prouve, toujours par les faits, que la valeur du blé a diminué dans ce dernier royaume depuis que l'exportation a été encouragée par une récompense, et que dans le même espace de temps la valeur du blé a aussi diminué en même proportion en France, où non-seulement toute exportation, mais même le commerce intérieur de province à province était absolument prohibé. Voilà le même effet produit dans le même espace de temps par deux polices diamétralement opposées : et puis fiez-vous aux résultats des raisonneurs politiques!

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