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tiques à Pise, homme d'esprit et de mérite; et après s'y être arrêtés quelques semaines, ces deux voyageurs reviendront passer encore quelque temps avec nous. M. de Carmontelle les a dessinés tous les trois.

M. Clément de Genève, que M. de Voltaire appelait Clément Maraud, pour le distinguer de Clément Marot, a fait, il y a une vingtaine d'années, une tragédie de Mérope qui n'a jamais été jouée. Il passa ensuite à Londres, où il publia, pendant cinq ans de suite, une Année littéraire 1. Comme ces feuilles étaient très-satiriques et très-mordantes, et qu'il y avait plus d'esprit qu'on n'en connaissait à Clément Maraud, on disait que M. de Buffon les fournissait à ce coquin subalterne, et décochait ainsi derrière lui des traits sanglants contre amis et ennemis. Ce qu'il y a de certain, c'est que cet illustre philosophe a eu des liaisons avec ce mauvais sujet. Clément, ayant vidé ce vilain sac d'ordures, repassa en France, où il devint fou. On fut obligé de l'enfermer aux petites-maisons de Charenton. Comme sa folie n'était ni dangereuse ni incommode, il a été relâché au bout de quelques années, et il vient de publier des Pièces posthumes de l'auteur des cinq Années littéraires 2. C'est un cahier de vers et de pièces fugitives, où l'on remarque le penchant du maraud pour la satire. Ce petit recueil inspire je ne sais quelle pitié humiliante et importune. L'auteur y plaisante sur son séjour aux petites-maisons. Il nous met en compagnie avec les fous qu'il y a vus. Il se donne pour trépassé, et assurément il l'est depuis longtemps pour tous les honnêtes gens et pour tous les gens de goût. Si vous avez jamais vu les petites-maisons, vous en êtes sorti avec ce sentiment d'humiliation pénible que cette vue inspire. La lecture des pièces posthumes de M. Clément vous fera éprouver ce sentiment de nouveau.

Dans le service qu'on a célébré à Notre-Dame pour le repos de l'âme de la reine d'Espagne, Élisabeth Farnèse, M. Mathias Poncet de La Rivière, ancien évêque de Troyes, devait prononcer l'oraison funèbre de cette princesse; mais ce prélat se trouva indiposé au moment où il devait monter en chaire.

1. Réuni sous le titre des Cing Années littéraires, 1754, 2 vol. in-12. 2. Le véritable titre du volume est Poésies posthumes de M. Clément, auteur des Cinq Années littéraires, Paris, 1766, in-12.

Cette oraison funèbre vient d'être imprimée1. Vous savez que, dans ces occasions comme en beaucoup d'autres, la chaire, qu'on dit consacrée à la vérité, est la chaire du mensonge et des mauvais lieux communs. Il faut espérer que ce morceau d'éloquence de M. Mathias Poncet fera la clôture du théâtre lugubre de Notre-Dame de Paris, qui a donné tant de représentations cette année, et que cette clôture durera longtemps, malgré les mauvaises nouvelles qui se répandent dans le public sur la santé de Mme la Dauphine.

Le Lord impromptu, nouvelle romanesque, ou la Magie blanche, ou la Surprenante aventure de Richard Oberthon, en deux petites parties. C'est un autre roman nouveau qu'on lit avec l'intérêt et le plaisir qu'excite un conte de revenant. Le problème de ce roman était de faire arriver à un jeune homme honnête, simple, intéressant, les aventures en apparence les plus merveilleuses et les plus variées, et de les expliquer tout à la fois d'une manière simple et naturelle. L'auteur ne se tire pas mal de ce problème. Il a de l'imagination et de l'invention. Je voudrais qu'il eût plus de coloris et une tournure un peu plus philosophique car quand on a lu tout son roman, il n'en résulte rien, sinon qu'on s'est amusé, ce qui est bien quelque chose. L'auteur prétend l'avoir traduit de l'anglais; mais je le crois français et original. On dit que cet auteur est un certain M. Cazotte, qui a été intéressé dans le fameux procès des Lioncy contre les jésuites. Ce M. Cazotte publia, il y a quelques années, un poëme épi-comique en prose intitulé Olivier, qui eut quelque succès. Au reste, si vous vous rappelez l'histoire de Sara Th..., que M. de Saint-Lambert fit insérer l'année dernière dans la Gazette littéraire, vous lui conseillerez de lire le Lord impromptu, et d'y voir comment il faut s'y prendre quand on veut rendre un laquais aimable, intéressant, charmant aux yeux de sa maîtresse et par conséquent du lecteur: car, en fait d'ouvrages d'imagination, il n'y a rien de fait quand celui-ci n'est pas forcé de prendre le sentiment que l'auteur veut faire naître. -Euménie et Gondamir, histoire française du temps où commença la monarchie. Volume in-12 de cent soixante-dix pages2.

1. 1776, in-4°.

2. Par G. Mailhol.

L'auteur inconnu prétend qu'on trouvera dans ce petit ouvrage une esquisse des mœurs, des sentiments, de la religion de nos premiers ancêtres, l'origine de plusieurs usages de la nation, et même quelques faits historiques qui ont échappé à nos écrivains. Il peut se vanter plus sûrement encore d'avoir fait une peinture assez insipide des mœurs françaises modernes sous des noms. surannés et gothiques.

-Les Lettres d'Assi à Zurac, volume in-12 de plus de deux cents pages 1, sont une des cent cinquante mauvaises copies qui ont paru successivement des Lettres persanes.

On nous a encore traduit de l'anglais des Mémoires du Nord, ou Histoire d'une famille d'Écosse. Deux parties in-12. C'est une insigne rapsodie d'historiettes romanesques et insipides, cousues l'une après l'autre à l'usage des oisifs.

Histoire des colonies européennes dans l'Amérique, en six parties et deux volumes in-12, chacun de près de quatre cents pages. Traduite de l'anglais de William Burk par le terrible Eidous. Vous voyez que ni la Chine, ni l'Afrique, ni l'Amérique, ni aucune partie du monde n'est à l'abri des ravages de ce redoutable traducteur; et s'il reste encore quelque pays à découvrir sur notre globe, il sera bientôt sous la puissance d'Eidous le cruel. L'auteur anglais fait un grand éloge de l'administration des colonies françaises.

M. Desgronais, professeur au collège royal de Toulouse, a fait imprimer un livre intitulé les Gasconismes corrigés. Volume in-12. Le projet de l'auteur est de relever toutes les manières de parler vicieuses qui sont en vogue dans les provinces méridionales de la France. Ces expressions et tournures vicieuses ne sont pas en petit nombre, et l'auteur, résidant à Toulouse, peut se vanter d'être à leur source.

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Les Plus Secrets Mystères des hauts-grades de la maçonnerie dévoilés, ou le Vrai Rose-Croix, traduit de l'anglais, suivi du Noachite, traduit de l'allemand; volume in-8°, imprimé à Jérusalem, chez Desventes, libraire à Paris. Suivant l'auteur de ce beau livre, c'est Godefroy de Bouillon qui institua l'ordre des Maçons dans la Palestine, en 1330. L'ordre des Noachites est

1. Par J. V. de La Croix.

2. Par Bérage. Nouvelle édition augmentée, Jérusalem (Hollande), 1774, in-8°. 12

VII.

bien plus merveilleux et plus ancien. Il faut avoir donné de grandes marques de zèle dans l'ordre des Maçons, pour aspirer à une place dans celui des Noachites. Ces inepties viennent de vingt années trop tard. Dans le temps où les francs-maçons étaient à la mode, et assez nombreux pour qu'en certaines capitales la police fît attention à eux, ce livre aurait pu faire fortune; mais ce temps est passé.

On a imprimé une Lettre de feu M. l'abbé Ladvocat, docteur et bibliothécaire de Sorbonne, dans laquelle on examine si les textes originaux de l'Écriture sont corrompus, et si la Vulgate leur est préférable, brochure in-8° de cent trente-cinq pages. L'auteur se déclare pour la négative, malgré le respect que l'Église romaine ordonne de rendre à la Vulgate. La raison qui décide M. l'abbé Ladvocat pour les textes originaux, c'est que dans ces textes il n'y a que des fautes de copistes, au lieu que dans la Vulgate il y a encore des fautes de traducteur. Il est curieux de voir des hommes sensés discuter gravement de pareilles questions. M. le Proposant a certainement raison. Si ce livre est divinement inspiré, il faut, pour mériter notre croyance, qu'il ait été aussi divinement copié; car s'il y a une seule faute de copiste, il peut y en avoir mille; et que devient le fondement. de notre foi? Cependant saint Jérôme, saint Augustin et plusieurs Pères de l'Église, conviennent que ces textes sont corrompus. Moi, en ma qualité de fidèle, je soutiens que le Saint-Esprit n'a pas seulement inspiré les auteurs des livres sacrés, mais qu'il a inspiré et inspire encore tous les jours tous les copistes ettous les imprimeurs qui en multiplient les exemplaires, et que c'est bien le moindre miracle qu'il puisse faire en faveur d'un livre nécessaire au salut éternel du genre humain. M. l'abbé Ladvocat, qui, en sa qualité de docteur de Sorbonne, était athée, discute cette question en savant théologien. Je me souviens de l'avoir fait mourir de la poussière avalée dans la bibliothèque de la Sorbonne1; mais cela n'est pas vrai, et il n'était pas assez malavisé pour cela. Il est mort pour avoir négligé des hémorrhoïdes auxquelles se sont jointes une inflammation et la gangrène.

M. Changeux vient de publier un Traité des extrêmes,

1. C'est t. VI, p. 461, que Grimm a attribué la mort de l'abbé Ladvocat aux fatigues de sa place de bibliothécaire. C'est une mort trop rare pour n'être pas quelque peu glorieuse. (T.)

ou Éléments de la science de la réalité, en deux gros volumes in-12. M. Changeux, dont j'ignorais jusqu'à la réalité de l'existence, nous apprend qu'il a entrepris ce Traité à l'occasion de l'article Réalité, qu'il destinait pour l'Encyclopédie. Il nous apprend encore qu'il a distingué la réalité de la vérité, et qu'en sa qualité de Descartes du XVIIIe siècle, il a voulu faire avec la première comme l'autre Descartes a fait avec la seconde, et par conséquent créer une science toute nouvelle, qui est celle de la réalité : science, suivant l'assertion de l'inventeur, plus utile que celle de la vérité, avec laquelle on ne pourra plus la confondre. Or, à force de se creuser la tête, M. Changeux a trouvé que sa science de la réalité porte sur un principe unique, et ce principe, c'est que les extrêmes se touchent sans se confondre, et que la réalité ne se trouve que dans le milieu entre ces extrêmes. C'est sur ce beau principe, si neuf qu'il est déjà devenu proverbe, que M. Changeux établit son superbe corps de logis de la réalité. Il s'imprime d'étranges sottises et d'insignes platitudes en ce xvir siècle. Si vous avez le courage de lire un peu du Traité des extrêmes, vous y verrez que la vie et la mort ne sont pas des extrêmes; et, dans le fait, elles ne peuvent être que des milieux, en vertu du principe unique découvert par M. Changeux, sans quoi on ne naîtrait ni ne mourrait plus réellement. Ce que je sais, c'est que si les extrêmes se touchent sans se confondre, M. Changeux doit se trouver nez à nez contre Leibnitz, Newton et Locke.

DÉCEMBRE.

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1er décembre 1766.

On vient d'ériger dans l'église de Saint-Roch une espèce de mausolée à feu M. Moreau, père de feu M. de Maupertuis, et l'on a saisi cette occasion pour faire l'éloge historique de ce philosophe célèbre dans une longue et mauvaise inscription, car, depuis cent ans que nous avons une Académie royale des inscriptions, la France est à peu près le pays de l'Europe où

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