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demoiselle Anne Calas, en considération des témoignages avantageux qui lui ont été rendus de la probité de sa famille, de son affection pour son service et pour sa personne, elle leur a permis de se marier ensemble, sans que, par raison de ce, il puisse leur être imputé d'avoir contrevenu aux ordonnances de Sa Majesté, et audit sieur Jean-Jacques du Voisin d'être contrevenu à celles qui défendent aux étrangers qui ne font profession de la religion. catholique, apostolique et romaine, de se marier dans son royaume, ou d'épouser aucune de ses sujettes, sans y être autorisés de la rigueur desquelles elle les a relevés et dispensés par le présent brevet. Permettant en outre par icelui à la demoiselle Anne Calas de jouir, faire et disposer de tous ses biens présents et à venir et exercer tous ses droits et actions en France, soit qu'elle y fixe son domicile ou qu'elle établisse sa résidence en pays étranger. M'ayant Sa Majesté, pour cette fois seulement et sans tirer à conséquence, commandé d'expédier ledit présent brevet, qu'elle a pour assurance de sa volonté signé de sa main et fait contresigner par moi, conseiller, secrétaire d'État de ses commandements et finances. Signé : Louis, et plus bas, DUC DE CHOISEUL.

- Claude-Pierre Goujet, chanoine de quelque église collégiale de Paris, vient de mourir à l'âge de soixante-dix ans. Il était auteur de la Bibliothèque française et de diverses autres compilations.

Récréations historiques et critiques, morales et d'érudition, sur l'histoire des fous en titre d'office, par M. Dreux du Radier, auteur des Anecdotes des rois, reines et régentes de France. Deux volumes in-12, chacun de près de quatre cents pages. Cette compilation mérite sans doute une place parmi tant de mauvais livres de ce genre; mais je conseillerai toujours aux oisifs la lecture de ces livres préférablement aux romans et aux platitudes morales: cela est du moins instructif. Pour les gens qui ont beaucoup de savoir, de sagacité et de critique, ces lectures sont encore fort amusantes, parce qu'ils trouvent dans ces livres mille choses que le compilateur lui-même ne sait pas y être, et il aurait beau les relire de ses propres yeux, il ne les y apercevrait pas davantage.

On vient de faire une nouvelle édition du livre Avis au peuple sur la santé, par M. Tissot, médecin de Lausanne. Cette

édition est, je crois, la vingt-sixième ou la vingt-septième; et cet ouvrage, qui fit d'abord peu de bruit, a eu depuis une vogue étonnante et a été traduit dans toutes les langues. Peu de livres méritent mieux leur succès que l'ouvrage de M. Tissot. On n'y trouve à la vérité rien de nouveau, rien qu'un médecin instruit ne sache; mais le but de l'auteur était d'instruire le peuple, et surtout de le préserver d'un grand nombre d'idées fausses, de le guérir d'une foule d'erreurs et de préjugés qui ont des influences immédiates et fâcheuses sur la santé. Son livre, en détruisant l'erreur, a le grand mérite d'être fait sur d'excellents principes et de n'enseigner que du bon. C'est d'ailleurs l'ouvrage d'un si grand homme de bien, un livre si vraiment utile aux hommes et qu'on doit être si content d'avoir fait que, si l'on me donnait à choisir entre la gloire d'être l'auteur de la Henriade, ou la satisfaction d'avoir écrit cet Avis au peuple, vous me pardonneriez, je pense, de ne me pas décider sur-le-champ et d'y réfléchir mûrement avant de prendre un parti.

On vient de traduire de l'anglais les Mémoires de James Graham, marquis de Montrose, contenant l'histoire de la rebellion de son temps. Deux volumes in-12. L'auteur de ces Mémoires est le docteur Wizard, qui les a d'abord composés en latin; mais les derniers chapitres et le récit de la mort de Montrose sont d'une autre main. Si l'éditeur n'avait pas eu soin de le remarquer, on ne s'en serait pas aperçu. Ce docteur Wizard est plat et ennuyeux, et c'est dommage; le marquis de Montrose méritait un meilleur historien: on lit sans aucun intérêt une histoire qui en comportait un très-grand. Tout le premier volume est rempli de détails militaires rapportés d'une manière insipide, et le second, où l'on trouve les revers et la fin tragique du héros, n'est pas plus intéressant que le premier. Montrose servit toute sa vie avec beaucoup de zèle la cause du malheureux Charles Ier, roi d'Angleterre. Son sort fut pareil à celui de son maître. Il perdit la tête sur un échafaud peu de temps après le supplice du roi, et après avoir couru inutilement dans le Nord, en Allemagne, en France et en Hollande, pour chercher des vengeurs à Charles Ier et des défenseurs à son fils Charles II. Montrose avait montré de grands talents pour la guerre en défendant la cause du roi en Écosse contre les covenantaires; mais si la cause qu'il défendait était bonne, il faut convenir qu'il

avait épousé les intérêts d'un trop mauvais joueur. L'historien de Montrose s'étend souvent sur les vertus et sur la bonté de Charles Ier; mais c'est qu'il ne sait pas qu'un bon homme et un bon roi sont deux bonnes gens qui ne se ressemblent guère. Enfin, il est des causes justes que la faveur publique ne seconde jamais; c'est qu'il ne suffit pas d'avoir raison, il faut encore autre chose. Tout le monde admire Cromwell; on plaint Charles Ier, mais d'une pitié bien froide. On n'a qu'à voir combien le sentiment qu'on éprouve au récit du supplice du roi d'Angleterre est différent de celui que fait naître l'assassinat de Henri IV par Ravaillac. C'est que Henri était un grand et un excellent homme, et Charles était un pauvre homme. Montrose a souffert jusque dans sa réputation, qui aurait été bien autrement brillante s'il avait servi une cause soutenue par la faveur publique.

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On vient de rendre à M. David Hume le service que nos impitoyables compilateurs rendent depuis quelque temps à tous les écrivains célèbres sans les consulter: c'est-à-dire qu'on vient de le dépecer, disséquer, décomposer, et réduire à un volume intitulé Pensées philosophiques, morales, critiques, littéraires et politiques, de M. Hume. Ce volume fait plus de quatre cents. pages in-12. Le compilateur a eu soin de retrancher de cet extrait tout ce qui sent le fagot d'hérésie, et il se flatte d'avoir réussi à faire du philosophe David Hume un écrivain édifiant et orthodoxe.

Une femme de Berlin, appelée Mme Therbusch 1, vient d'être agrégée à l'Académie royale de peinture et de sculpture en qualité d'académicienne. Le tableau qu'elle a présenté pour sa réception, et que l'Académie a accepté, est un morceau de nuit. C'est la figure d'un artiste ou d'un artisan, grande comme nature et vue jusqu'aux genoux, éclairée par une chandelle, ce qui lui donne un aspect rougeâtre et piquant. Cet effet de lumière m'a paru beau. On remarque d'ailleurs dans les tableaux de Me Therbusch de la facilité et une grande liberté de pin

1. Aune-Dorothée Lisiewska, femme Therbusch ou Therbouche, selon l'orthographe adoptée par le livret de 1767 et par Diderot, née en 1728, morte en 1782, fut au nombre des artistes que le philosophe aida de ses conseils, de sa plume et de sa bourse. Elle lui causa de réels ennuis dont on retrouve l'écho dans les Lettres à Falconet et à Mile Volland. Voir t. XVIII, p. 254, 284, et t. XIX, p. 296 de l'édition Garnier frères.

ceau; je ne sais si la correction du dessin répond à ces qualités. Ce que je sais, c'est qu'en recevant Mine Therbusch, l'Académie ne peut être soupçonnée d'avoir déféré à l'empire de la beauté, si puissant en France, car la nouvelle académicienne n'est ni fort jeune, ni jolie. Plusieurs de ses tableaux seront exposés au Salon prochain avec son tableau de réception. Me Therbusch s'arrêtera à Paris jusqu'après la clôture du Salon, et retournera ensuite à Berlin. Elle a apporté ici un portrait du roi de Prusse, qu'elle a peint à Berlin, et qu'on dit être parfaitement ressemblant. Elle en a déjà tiré des copies, et ce tableau ne sera pas le moins remarqué du Salon. C'est dommage que cet énorme chapeau, qui coiffe la tête royale, lui donne un aspect si soldatesque et si rude.

MARS.

1er mars 1767.

Je ne sens jamais plus vivement la misère de mon métier que lorsque je suis réduit à m'expliquer librement sur les productions de ceux qui ont un rang et de la célébrité dans les lettres. Il me serait bien agréable d'accorder à leurs productions une admiration sans bornes; tout le profit en serait pour moi. Premièrement, il y aurait à chaque occasion un excellent ouvrage de plus, et ce serait un bien très-désirable. En second lieu, j'aurais le plaisir de louer, et de louer des gens qui ne sont pas précisément mes amis, mais avec qui j'ai des amis communs, avec qui je me trouve souvent dans la même société, à qui je connais d'ailleurs une infinité de qualités estimables, quoique leur talent littéraire ne m'ait jamais tourné la tête à un certain point. Mais enfin il faut bien que je dise comme je sens, et que je le dise franchement et sans détour. Heureux, dans l'exercice de ce pénible devoir, de pouvoir me rendre la justice que l'envie de nuire n'est jamais entrée dans mon cœur; heureux aussi de penser qu'une décision erronée et trop hasardée de ma part ne saurait influer sur le sort d'un livre, puisqu'elle

est eile-même soumise au jugement éclairé et sûr de ceux qui honorent ces feuilles de leur regard. Faisons donc notre triste devoir, et parlons librement de cette espèce de roman ou conte politique et moral que M. Marmontel vient de publier sous le titre de Bélisaire.

Ce nom illustre sous le règne de Justinien est consacré dans nos écoles à retracer à la jeunesse les vissicitudes de la bonne et de la mauvaise fortune. On ne peut se représenter sans attendrissement un guerrier célèbre par ses victoires, soutenant longtemps l'empire romain contre l'effort des barbares et contre l'influence plus maligne d'un gouvernement plein d'intrigues et de vices, succombant enfin lui-même sous les traits de l'envie et de la jalousie, ne se tirant de la prison qu'avec les yeux crevés, et réduit dans la vieillesse à mendier son pain pour récompense de ses travaux et de ses services. Quoique cette dernière partie de l'histoire de ce héros ne soit pas aussi avérée que sa disgrâce et l'ingratitude de Justinien envers lui, comme elle est devenue l'opinion générale et populaire, et qu'elle a d'ailleurs fourni le sujet d'un sublime tableau à plusieurs de nos grands peintres modernes, je l'adopte sans peine, et la tiens d'autant plus véritable qu'elle est plus poétique, plus pittoresque et plus frappante.

Si les hommes de génie par leurs inspirations et par leurs conseils faisaient exécuter aux autres avec succès ce qu'ils conçoivent et ce qu'ils imaginent, et de la manière dont ils conçoivent et imaginent, ils pourraient se dispenser d'écrire eux-mêmes, et l'on pourrait se consoler du temps précieux qu'ils perdent à conseiller et à diriger les autres. Mais malheureusement les choses ne vont pas ainsi. Ceux qui ne savent pas imaginer exécutent toujours médiocrement, et l'homme du plus grand génie, de la plus belle imagination, ne rendra que faiblement et froidement ce qu'il n'aura pas conçu lui-même et les idées dont le premier germe s'est formé dans un autre cerveau que le sien. Un jour, M. Diderot, en causant avec M. Marmontel, lui dit que s'il voulait faire un livre tout à fait agréable et intéressant, il fallait écrire les Soirées de Bélisaire vieux, aveugle et mendiant. Il était aisé à un homme éloquent de s'étendre sur la beauté de ce sujet. En effet, donnez-moi le génie de Xénophon, et je ferai des soirées de Bélisaire le bré

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