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arts, du commerce, de la population et de l'histoire naturelle. Six volumes in-12 assez considérables'. Il serait aisé de reprendre beaucoup de choses dans cet ouvrage, mais il ne laissera pas d'avoir son utilité et d'être fort commode pour les voyageurs, d'autant que les voyages d'Italie dont on se sert communément commencent à devenir fort vieux, et que les mœurs ont éprouvé une grande révolution dans cette belle partie de l'Europe. Vous serez content de l'exactitude de M. l'abbé Richard sur cet article. Il est un peu diffus dans ses détails, et il aurait pu s'en épargner beaucoup. Quant à la partie des arts, on voit que l'auteur a cherché à recueillir et à rapporter les sentiments des artistes et des connaisseurs, et c'est tout ce qu'on peut exiger d'un voyageur qui doit servir de guide, mais qui ne doit pas régler votre sentiment. M. l'abbé Richard n'oublie aucun morceau tant soit peu précieux. On pourra substituer son ouvrage à celui de Misson, et il fera oublier ces plats et détestables mémoires que M. Grosley, de Troyes en Champagne, a publiés sur l'Italie l'année dernière, sous le nom de deux gentilshommes suédois.

- M. Aved, peintre de l'Académie royale de peinture et de sculpture, est mort ces jours derniers. Il n'a plus rien exposé au salon depuis plusieurs années; mais je me souviens toujours d'un portrait de M. le maréchal de Clermont-Tonnerre, qui était d'une grande beauté. Aved aimait plus le métier de brocanteur que celui de peintre. Il connaissait bien les vieux tableaux, et il savait en faire trafic d'une manière fort avantageuse pour lui.

-On a trouvé parmi les papiers de feu l'abbé Prévost une traduction de l'anglais des Lettres de Mentor à un jeune seigneur, et on vient de l'imprimer à Paris, en un volume in-12. On dit que l'original a eu le plus grand succès en Angleterre; on n'en saurait dire autant de la traduction en France, que personne n'a regardée. Tous ces ouvrages ne prouvent malheureusement que la mesquinerie de notre morale et l'état pitoyable de notre éducation.

M. Denis, graveur, a donné, il y a quelque temps, en faveur des étrangers, un Guide de Paris, format in-18, qui rend

1. C'est la première édition de ce livre, réimprimé en 1768 et traduit en anglais (1781, in-12), par lequel l'auteur a préludé à son grand Voyage pittoresque, 17811780, 5 volumes in-folio.

ce guide aussi portatif qu'un almanach. Muni de ce guide, on pourra aisément se conduire dans tout Paris et trouver d'un coup d'œil ce qu'il y a de plus remarquable et de plus curieux dans cette capitale. Le même graveur a aussi publié une Analyse de la France, contenant des connaissances générales et nécessaires de tout le royaume.

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L'Officier partisan, par M. Rey de Saint-Geniès, chevalier de Saint-Louis; c'est le second volume qui paraît de cet ouvrage où l'auteur prétend conduire un jeune militaire, comme par la main, dans la connaissance de toutes les parties qu'embrasse le grand art de la guerre. Apprendre le métier de partisan dans les livres! quelle pauvreté! Passe pour le métier du partisan Jean Fréron; mais celui du partisan Fischer, d'immortelle mémoire, s'apprend dans les gorges de Hesse et de Westphalie. La Différence du patriotisme national chez les Français et chez les Anglais, par M. Basset de La Marelle, premier avocat général au parlement de Dombes. Cet écrit de quatre-vingtquatre pages est un fruit que nous devons à la tragédie du Siége de Calais. Cet ouvrage mémorable, auquel personne ne pense plus aujourd'hui, a excité et réveillé le génie de tous nos petits patriotes. Vous croyez bien que, suivant le patriote Basset, le patriotisme français l'emporte prodigieusement sur l'anglais; nous aimons tant nos rois! Aussi l'auteur avertit-il charitablement les Anglais de bien prendre garde à eux, malgré toutes les faveurs dont la fortune les a comblés dans le cours de la dernière guerre. Il est bien vrai qu'ils ont ruiné nos affaires aux Indes et en Amérique; mais aussi le succès du Siége de Calais et l'écrit de M. l'avocat général de Dombes doivent les faire trembler. D'ailleurs, il n'est pas encore bien décidé si ce sont les Anglais qui ont occasionné nos pertes, ou bien les gens qu'on a envoyés commander et gouverner en Asie et au Canada; et si l'on en inférait que ces Français se sentaient encore plus d'amour pour l'argent que pour leur roi, nous répondrions que des grands cœurs savent réunir plusieurs passions à la fois. Au reste, pourvu que ceux qui passent leur vie dans les cafés de Paris, à aimer leur roi et à ne rien faire, soient bien imbus et trempés de sentiments patriotiques, on s'en passe fort bien dans les places et dans les charges, comme MM. les Canadiens et quelques autres l'ont victorieusement prouvé en ces derniers temps.

Ainsi, vu la tragédie du Siége de Calais, ouï les conclusions de maître Basset, avocat général dudit seigneur roi à Dombes, tout considéré, la cour condamne tous les Anglais solidairement à reconnaître aux Français un patriotisme national supérieur au leur, met les Canadiens et autres friponneaux hors de cour et de procès, dit que leur goût pour le vol et la rapine ne prouve rien contre le patriotisme des bavards et des oisifs de Paris; ordonne que le Siége de Calais soit regardé en tout lieu comme le plus bel ouvrage du siècle, et maître Basset, indépendamment de son patriotisme, comme un homme supérieur et un écrivain de la première force.

- M. Gauthier de Sibert, dont je n'ai jamais entendu parler, vient de publier en quatre volumes in-12 les Variations de la monarchie française dans son gouvernement politique, civil et militaire, avec l'examen des causes qui les ont produites, ou Histoire du gouvernement de France depuis Clovis jusqu'à la mort de Louis XIV, divisée en neuf époques. Voilà, sans contredit, le titre d'un des plus beaux ouvrages et des plus nécessaires qu'on puisse faire en ce moment sur l'histoire de France, mais M. Gauthier de Sibert s'est contenté d'en avoir trouvé le titre. On peut regarder ses quatre volumes comme non avenus, et faire un ouvrage nouveau qui en remplisse mieux le projet. Il faut pour cela beaucoup de connaissances, une vaste lecture, beaucoup de critique et de philosophie. Ce serait proprement un livre élémentaire sur le droit public français, et celui qui le ferait avec l'impartialité et la véracité d'un honnête homme ferait très-sagement de se louer un appartement à la Haye ou à Londres avant la publication de son traité. Quant à M. Gauthier de Sibert, c'est un homme qui écrit avec approbation et privilége.

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M. Mentelle, professeur à l'École royale militaire, vient de publier en un gros volume in-12 des Éléments de l'histoire romaine divisés en deux parties, avec des cartes et un tableau analytique. Cet abrégé va jusqu'à l'époque de la perte de la liberté de Rome sous Octave Auguste. Le nombre des livres élémentaires augmente si prodigieusement qu'il faudra nécessairement abréger les abrégés, et quand on les aura fondus ensemble par douzaine, on aura bien de la peine à en tirer quelque chose de passable.

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M. Marmontel vient de publier sa traduction de la Pharsale de Lucain, annoncée depuis si longtemps, et dont il avait inséré plusieurs échantillons dans le Mercure de France. La traduction que M. Masson, trésorier de France, a publiée de ce poëme l'année dernière n'a point empêché M. Marmontel de faire imprimer la sienne en deux volumes in-8°, d'une impression soignée et ornée de tout le luxe d'estampes et de vignettes qui s'est introduit depuis très-peu de temps, au grand dommage des acheteurs. D'un autre côté, cette édition magnifique n'a point empêché M. le trésorier de France d'en faire une nouvelle de sa traduction; et ni M. Marmontel, ni M. Masson, n'empêcheront le public de penser de la Pharsale ce que l'arrêt irrévocable des gens de goût a prononcé depuis plus de quinze siècles.

On a souvent reproché à M. Marmontel sa passion pour ce poëte. Aussi a-t-il eu soin d'en parler dans sa préface avec une extrême modération. C'est comme un amant qui, n'osant avouer un attachement malheureux pour une femme que l'on a jugée sans beauté et sans mérite, cherche à faire son apologie de la manière qu'il croit la plus propre à ramener les esprits. Tout ce que M. Marmontel voudrait nous persuader se réduit à ce que les défauts de Lucain sont ceux de la jeunesse ; qu'un poëte mort à vingt-sept ans mérite de l'indulgence, et que s'il avait eu le temps de corriger son poëme, il en aurait fait une chose admirable. Mais que diable cela nous fait-il, si ce poëme, tel qu'il est, est ennuyeux et mauvais ? D'ailleurs, qu'en sait M. Marmontel, pour nous donner de telles assurances ? Est-il cousin germain de Lucain? A-t-il passé une partie de sa vie avec lui, et juge-t-il d'après ses observations particulières ? En ce cas, je l'écouterai quand j'aurai examiné le degré de lumière et de goût, et par conséquent de croyance, que je pourrai lui accorder. Supposé que Racine fût mort après sa tragédie des Frères ennemis, un académicien n'aurait-il pas beau jeu de venir nous dire aujourd'hui : Messieurs, si Racine eût vécu, il aurait fait des tragédies admirables; sa mort a privé la France de son plus grand poëte. Remarquez que cet académicien dirait

1. Un frontispice et dix figures de Gravelot, gravés par Duclos, Le Mire, de Ghendt, etc.

une vérité, et que l'on se moquerait de lui à bon droit, parce qu'il n'aurait nulle raison de l'affirmer. Que M. Marmontel n'estil plus vrai! Sa préface, traduite en termes clairs et précis, veut dire Messieurs, j'aime Lucain à la passion; car vous croyez bien que je n'aurais pas passé des années à traduire son poëme, si je ne le trouvais admirable. Vous ne voulez rien accorder à mon poëte, vous me reprochez mon mauvais goût; vous pensez peut-être que je suis un homme d'esprit, mais de bois, et peu fait pour sentir les beautés de Virgile, auxquelles, en effet, je préfère le poëme de Lucain; mais je suis poltron, et je n'ai pas le courage de rompre avec vous en visière : j'aime mieux avoir l'air d'être en tout de votre avis, afin que vous soyez un peu du mien. Voyez si vous aurez le courage de me tout refuser, lorsque je me prête à tout, et que je ne vous dispute rien? Eh bien, qu'à cela ne tienne, monsieur Marmontel; dans le fond, je vous aime. Nous n'avons pas le même goût sur aucun point; mais qu'est-ce que cela fait ? Ne sommes-nous pas tous les deux honnêtes gens? Vos plaisanteries dans la société ne sont pas de la première finesse; vous riez un peu gros, mais enfin vous riez, et vous êtes bon compagnon. Faites seulement des tragédies comme Pierre Corneille, et soyez aussi naïf et aussi profond que Montaigne, et je vous promets que je vous passerai comme à eux votre malheureux faible pour cet Espagnol de Lucain.

M. Marmontel a encore une autre marotte, c'est de vouloir faire de César un homme modéré et sans ambition, et qui n'aurait jamais cessé d'être bon citoyen si les injustices du sénat ne l'y avaient comme forcé. Voilà une idée dont les écoliers mêmes se moqueront, car on leur apprend assez d'histoire romaine pour cela. Notre académicien entre, à cet égard, dans beaucoup de détails sur l'injustice du sénat envers le peuple; et le moindre défaut de cette dissertation, c'est de n'avoir pas assez distingué les époques. Qu'ont de commun les Romains du temps des Décemvirs avec les Romains du temps. des Gracques, et ces deux périodes avec l'époque de César? Un observateur tant soit peu attentif ne voit-il pas que l'esprit public d'un peuple change continuellement, et passe, de révolution en révolution, au milieu des mêmes principes de la constitution? Qu'on examine l'esprit public anglais, seulement

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