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Nous aurons des plaisirs sans yeux,
Sans mains et sans oreilles.

Aux plaisirs des sens renoncer
Pour vous sera bien rude;

Et moi de savoir m'en passer
J'aurai pris l'habitude.

Un jour pourtant Dieu nous rendra
(Consolez-vous, mesdames),

Nos yeux, nos mains, et cætera,

Nos corps avec nos âmes.

Cette chanson est, ainsi que la suivante, de M. de La Condamine, devenu demi-ladre, mais toujours gai, malgré ses infirmités.

REQUÊTE A LA SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE,

Sur le même air que la chanson précédente.

Savants promoteurs des moissons,
Ouvrez-moi votre temple,

Non pour y dicter des leçons,
Mais pour servir d'exemple.

Je fus un grand agriculteur

De vingt ans à cinquante;
Aujourd'hui, de cultivateur
Je suis devenu plante.

Mais plante des lointains pays,
Délicate étrangère,
A qui l'on accorde à Paris

Les honneurs de la serre.

Là, plus choyé que le jasmin
Que le lis et la rose,

De bouillon, de sucre et de vin,
Tour à tour on m'arrose.

Si j'en crois mes deux jardiniers 1
Dont l'un l'autre relève,

Des zéphyrs les airs printaniers
Ranimeront ma sève.

1. Sa femme et sa belle-mère.

Je n'oserais ajouter foi

A ce flatteur oracle,

Et je n'attends pas que pour moi
Le Ciel fasse un miracle.

Pour les fleurs il n'est qu'un printemps,
J'ai passé mon automne;
L'arbre végète plus longtemps,
Mais enfin se couronne.

De mes rameaux faites donc

Des fagots ou des planches;
Car si je puis sauver le tronc,
J'abandonne les branches.

Le jeune Mozart, qui, à l'âge de sept ans, s'est trouvé grand joueur de clavecin, grand compositeur, musicien consommé, et qui doit être compté, aujourd'hui qu'il se trouve dans sa dixième année, parmi les plus grands musiciens de l'Europe, n'est pas le seul enfant merveilleux que nous ayons vu à Paris en ces derniers temps. Le fils d'un bûcheron de Lorraine, appelé Féry, enfant de huit ans, est né avec le talent de faire dans sa tête les calculs les plus compliqués avec une facilité et une sûreté qui tiennent du prodige. Le vicaire de son village, s'étant aperçu de cette aptitude, en a écrit à M. d'Alembert; celui-ci en a parlé à différentes personnes, et on a fait les fonds nécessaires pour faire venir ici cet enfant afin de pourvoir à son éducation. Je lui ai vu faire plusieurs opérations arithmétiques. On lui dit, par exemple, l'âge qu'on veut, d'un homme de quarante, de cinquante ans; on y ajoute des mois et des jours pour rendre le calcul plus compliqué, et on lui demande combien de quarts d'heure cet homme a vécu? Alors le regard de l'enfant devient fixe, on peut continuer la conversation sans l'interrompre; et lorsque son opération est finie, il vous en prononcera très-exactement le résultat. Dans les calculs de cette espèce il aura de lui-même l'attention d'y faire entrer les années bissextiles, qui les compliquent infiniment davantage. Il se trompe rarement, et quand cela lui arrive, il s'en aperçoit ordinairement avant qu'on ait eu le temps de vérifier son calcul. Il explique trèsclairement sa méthode d'opérer, et quand il se trompe, il fait voir de quelle manière cela lui est arrivé. Ce talent de calculer

se développa dans cet enfant à l'occasion d'une somme de vingtquatre livres que son père, excessivement pauvre, avait eu le bonheur d'amasser. Ce louis d'or fit un si grand événement dans la famille que l'enfant voulut savoir combien il y avait de liards dans un louis d'or, et depuis ce temps il n'a cessé de calculer. Il paraît sensible et bien né. Il est d'une physionomie intéressante, mais je ne serais pas étonné qu'il ne vécût point. On vient de le mettre dans une pension militaire, où la géométrie et les mathématiques s'enseignent particulièrement. S'il fait des progrès à proportion des dispositions qu'il montre, il pourra être reçu de l'Académie des sciences à l'âge que nous avons fixé au jeune Mozart pour faire exécuter son premier opéra sur le théâtre de Saint-Charles à Naples, c'est-à-dire à l'âge de treize à quatorze ans. Il faut consacrer le souvenir des vilaines actions comme des bonnes. Si le jeune Féry a trouvé de généreux bienfaiteurs, il a aussi déjà rencontré des gens qui savent calculer comme lui. Un conseiller au parlement de Metz s'est chargé de prendre cet enfant à Nancy, dans sa chaise, et de l'amener à Paris. En le remettant à M. d'Alembert, ce conseiller lui a demandé quatre louis d'or pour les frais de voyage. C'est bien des liards. M. d'Alembert les a payés en s'en faisant donner quittance. Si le jeune Féry devient un géomètre célèbre, je me flatte que nous lirons dans le précis de sa vie, immédiatement après son extrait baptistère, la quittance de son conducteur. Ce conducteur me paraît plutôt membre de la synagogue des juifs de Metz que membre du parlement de cette ville; il vend un peu cher l'honneur de voyager à côté de lui. Je suis très-fâché de n'avoir pu savoir son nom pour le conserver ici avec l'éloge que son noble et généreux désintéressement lui a si bien mérité. Je recommande ce panégyrique à l'équité de M. d'Alembert.

On a imprimé en Suisse des Étrennes aux désœuvrés, ou Lettres d'un Quaker à ses frères et à un grand docteur. Quand M. de Voltaire a voulu châtier l'évêque du Puy-en-Velay, un certain quaker a adressé deux lettres charitables à Jean-George. Ici un partisan de Jean-Jacques Rousseau copie cette tournure pour dire son sentiment sur le procès de son chef avec M. Hume. La première lettre est contre ce philosophe; la seconde, contre M. de Voltaire, à cause de la lettre qu'il a adressée à M. Hume

VII.

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à l'occasion de ce procès. L'auteur inconnu de cette brochure, malgré son excessive animosité contre M. de Voltaire, aura pourtant de la peine à se faire lire, parce qu'il est triste et plat comme il convient à un copiste. C'est encore un de ces avocats d'office, qui se sont emparés de cette cause aussi ennuyeuse que célèbre, qui ne disent aucun fait nouveau, n'en nient aucun, mais nous apprennent simplement comme il faut les voir.

-On nous a aussi envoyé de Hollande les Intérêts des nations de l'Europe, développés relativement au commerce. Ouvrage dédié à l'Impératrice de Russie. Quatre volumes in-12. Cet ouvrage est instructif et fondé sur de bons principes, mais qui sont aujourd'hui connus de tous ceux qui ont réfléchi sur ces matières. L'auteur s'appelle M. Accarias de Sérionne, si je ne me trompe. Il a été anciennement avocat, ensuite commerçant, ensuite banqueroutier, ce qui lui a fait quitter le royaume. Depuis, il a fait la Gazette du commerce à Bruxelles, et aujourd'hui il est retiré en Hollande. On vient de faire un petit extrait de son ouvrage dans une brochure intitulée l'Intérêt public. Cet extrait, qu'on dit de M. le marquis de Puységur, ne roule que sur deux objets. La première partie est destinée à montrer les véritables effets du taux de l'argent dans un pays, et à examiner s'il serait avantageux pour la France que l'intérêt de l'argent y fût à trois pour cent. L'auteur prouve assez bien que ce serait le moment de la décadenee totale des manufactures. Dans la dernière partie on examine et l'on prouve la légitimité de l'intérêt de l'argent contre l'absurdité de nos lois, prises dans le code des lois romaines et, qui pis est, dans le code juif, deux codes diamétralement opposés à la législation d'un peuple commerçant.

Il nous vient encore de Hollande un essai sur cette question: Quand et comment l'Amérique a-t-elle été peuplée d'hommes et d'animaux? Par M. E. B. d'E...1; cinq volumes in-12 fort ennuyeux. L'auteur, qui est Suisse, mais dont je ne sais pas le nom, se perd dans des discussions sans nombre. Moi, sans avoir besoin de tous ces raisonnements ennuyeux et de tout son mauvais style, je lui dirai bien comment l'Amérique a été peuplée. En deux mots: comme le reste. Ce mauvais

1. Samuel Engel, bailli d'Echalens.

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ouvrage a d'abord été toléré, et ensuite défendu ici, parce que l'auteur ne veut pas admettre le déluge en Amérique comme dans l'ancien continent. La Sorbonne ne veut pas seulement que tout le monde soit damné éternellement; elle veut aussi que tout le monde ait été jadis noyé. Rien n'est plus digne de la douceur ordinaire de ce corps charitable. L'auteur, qui est tout noyé pour moi, a dédié son ouvrage au prince Louis de Wurtemberg, qui vit en particulier et en philosophe à Lausanne. Le Voyage de Robertson aux terres australes, traduit sur le manuscrit anglais. Volume in-12 de près de cinq cents pages. C'est encore un présent qui nous vient de pays étranger. C'est un roman politique qui nous représente une espèce d'utopie ou de gouvernement idéal. Tout cela est à pleurer d'ennui. On a fait un assez plaisant carton à ce roman. Il y avait, dans la feuille qui commence page 145, une satire assez forte des parlements qui embarrassent les vues du gouvernement par leurs continuelles remontrances. On n'a pas imprimé cette feuille, et on lui en a substitué une autre qui contient une sortie contre les philosophes et contre ce qu'on appelle encyclopédistes en France. Il est vrai que cette philippique ne va pas avec le reste de l'ouvrage, où tout le bien qui arrive au peuple chimérique que l'auteur dépeint est opéré par les philosophes; mais, à la faveur de cette incartade, l'ouvrage a eu la permission de se débiter, et l'on s'est peu soucié de savoir si le reste tenait ou non. Je plains ceux qui profitent de la permission de lire ce voyage imaginaire avec ou sans carton.

Les Variétés d'un philosophe provincial, par M. Ch... le jeune1, en deux parties in-12, consistent en réflexions morales, en observations critiques, portraits, caractères, allégories, fables, etc. Ce philosophe a tout varié dans ces deux petites parties, excepté la platitude et l'ennui, qui sont partout les mêmes. Ses réflexions religieuses méritent le bonnet carré de Sorbonne, et à son ton on juge qu'il a très-bien fait de se décorer du titre de provincial.

- Examen des faits qui servent de fondement à la religion chrétienne, précédé d'un court traité contre les athées, les matérialistes, les fatalistes, par M. l'abbé François. Trois volumes

1. L'abbé Chambon de Pontalier, ex-jésuite.

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