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-Il paraît deux nouveaux volumes pour servir de suite à l'Histoire de la vie du grand Condé, par M. Désormeaux1. Cet ouvrage n'a eu aucun succès. L'histoire de la maison de Montmorency, que l'auteur avait écrite auparavant, avait fait du moins quelque légère sensation; mais celle du grand Condé a été aussitôt oubliée que blâmée.

- M. l'abbé Laugier, ex-jésuite, vient d'achever son Histoire de la République de Venise, dont on distribue actuellement les trois derniers volumes. C'est encore un ouvrage qui n'a pas fait la moindre sensation, quoique l'auteur s'en occupe depuis nombre d'années. M. l'abbé Laugier a écrit sur l'architecture différents essais qui ont eu beaucoup de succès.

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L'Homme d'État, par Nicolo Donato, ouvrage traduit de l'italien, avec un grand nombre d'additions considérables extraites des auteurs les plus célèbres qui ont écrit sur les matières politiques. Trois gros volumes in-12. Les additions, compilées des différents auteurs, regardent le luxe, le commerce et d'autres objets à la mode. L'Homme d'État de Nicolo Donato est un recueil de lieux communs qu'on ne saurait lire. Cela aurait eu quelque réputation, il y a cinquante ou soixante ans ; mais aujourd'hui nous sommes à mille lieues par delà.

On a aussi traduit de l'italien, de M. Charles Denina, professeur d'éloquence et de belles-lettres, au collége royal de Turin, un Tableau des révolutions de la littérature ancienne et moderne. Volume in-12, qui n'a pas fait la moindre sensation.

— M. l'abbé de Longchamps a aussi publié une compilation intitulée Tableau historique des gens de lettres, ou Abrégé chronologique et critique de l'histoire de la littérature française dans ses diverses révolutions, depuis son origine jusqu'au dixhuitième siècle. Deux volumes qui seront suivis de plusieurs autres, mais dont ni les présents ni les futurs ne seront lus de personne.

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Géographie universelle à l'usage des colléges, par M. Robert, professeur au collège de Châlon-sur-Saône. Deux gros volumes. Dieu bénisse M. Robert Covelle, citoyen de Genève, et nous préserve des compilations de M. Robert, professeur de Châlon!

1. Voir plus haut, p. 47.

Α

VERS DE M. LE MARQUIS DE VILLETTE

UN ANONYME QUI LUI AVAIT ADRESSÉ DES VERS

SUR SA QUERELLE AVEC M. DE LAURAGUAIS.

Monsieur l'anonyme badin,

On ne peut avec plus d'adresse,

De gaîté, de délicatesse,

Dire du mal de son prochain.
Votre muse aimable et légère
M'égratigne si doucement

Qu'il faudrait être fou vraiment
Pour aller se mettre en colère.
Recevez-en mon compliment.
Mais pourquoi votre esprit caustique,
Sur moi s'égayant sans façon,
M'accuse-t-il d'être hérétique
Au vrai culte de Cupidon?
Avez-vous consulté Sophie,
Vous qui m'imputez ce péché?
Vous sauriez que de l'hérésie
Je suis un peu moins entiché.
Charmé de cet air de tendresse,
Qui des amants flatte l'espoir,
J'ai souhaité voir la princesse
Passer du théâtre au boudoir.
Sur les tréteaux reine imposante,
Elle est ce qu'elle représente :
Mais on revient au naturel :
Chez elle libre, impertinente,
La princesse est femme galante,
Gentil ornement de bordel.
Oui, oui, la reine Marguerite
L'eût aimée autant que ses yeux;
Elle en eût fait sa favorite;

On doit ses contes amoureux

A son penchant pour la saillie;

Elle aimait les propos joyeux;

Les plus gros lui plaisaient le mieux :

1. Cette querelle, dont Grimm n'a point parlé, est contée tout au long par Bachaumont (17, 21 et 22 août 1766); elle se termina par une réconciliation, mais aussi par la condamnation des deux adversaires à une détention de six semaines que leur infligea le tribunal des maréchaux de France.

Elle pensait comme Sophie.
Mais avec l'ardeur de Vénus

Elle a l'embonpoint de l'Envie.

Je cherche un sein, des globes nus,
Une cuisse bien arrondie,

Quelques attraits... soins superflus!
Avec une telle momie,

Si j'ai pourtant sacrifié

Au dieu qui de Paphos est maître,

Me voilà bien justifié,

Ou je ne pourrai jamais l'être.

AVRIL

.1er avril 1767.

On a donné le 26 du mois passé, sur le théâtre de la Comédie-Française, la première représention de la tragédie des Scythes dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte. Cette pièce n'a point fait d'effet au théâtre, et il ne tiendrait qu'à nous d'appeler cela une chute; mais il ne faut pas que M. de Voltaire tombe, et quand on est parvenu à l'âge de soixante-douze ans, surchargé de couronnes, et ayant fait à l'Europe entière le plus grand bien que jamais homme ait fait par ses écrits, on doit avoir acquis quelques droits à l'indulgence respectueuse de ses compatriotes.

Quoi qu'il en soit, voici comment les choses se passèrent. Le premier acte fit beaucoup de plaisir. Le second, un peu moins. Le troisième parut froid comme glace. Dans le quatrième, la scène entre Indatire et Athamare fut fort applaudie; mais la mort d'Indatire, ainsi que la douleur des deux vieillards, fit très-peu d'effet, et plusieurs vers un peu familiers firent rire. Le cinquième acte aurait réussi sans les deux précédents; mais en général l'effet fut peu considérable : il n'y eut point d'applaudissements à la fin, et les propos qu'on entendait dans les foyers et dans les corridors n'étaient point favorables à la pièce. Elle fut un peu mieux jouée et mieux reçue à la seconde repré

sentation. Elle est aujourd'hui à sa quatrième et dernière, à cause de la clôture des spectacles, qui se fera samedi prochain, et l'on dit qu'elle ne sera reprise qu'à l'entrée de l'hiver.

Le grand reproche qu'on a fait à la tragédie des Scythes, c'est d'être froide et sans intérêt. Cependant ce ne sont ni les événements ni les situations tragiques qui y manquent, c'est la force tragique qu'on désire partout. La faiblesse du plan, des incidents, de l'exécution, se manifeste à chaque pas. On a dit que M. de Voltaire ne pouvait être accusé de plagiat, parce qu'il n'avait pillé que son propre fonds. Il est vrai que cette tragédie ressemble beaucoup à celle d'Alzire et à celle d'Olympie; elle a aussi un peu d'affinité avec le sujet de Callirhoé. Mais quelle différence entre ce dernier sujet et celui des Scythes! Dans la tragédie de Callirhoé, le sort de cette infortunée et de son malheureux amant dépend de l'arrêt irrévocable d'un oracle, et l'on sait si les dieux sont implacables. Dans la tragédie des Scythes, au contraire, tout n'arrive que par la volonté précaire du poëte, et s'il voulait se prêter un peu, il n'y aurait aucun mal. Il faut pour qu'il arrive un meurtre qu'un jeune monarque persan défie un jeune Scythe en duel, comme ferait un petit-maître ou un marquis français. Assurément, le véritable Indatire, qui d'abord n'aurait pas porté ce nom, se serait bien moqué du roi Athamare s'il avait été assez insensé pour lui faire au milieu de la Scythie une proposition aussi extravagante. Cet Athamare, fourvoyé avec une poignée des siens au milieu d'un peuple fier et guerrier, et traitant ses hôtes avec tant de hauteur et d'arrogance, me rappelle ce caporal des troupes du pape qui s'était rendu à bord d'un vaisseau de guerre anglais, accompagné de deux invalides, pour y faire la recherche d'un déserteur. Il avait si bien pris le ton de maître, si parfaitement oublié qu'il n'était plus chez lui, que pour l'en faire souvenir quelques matelots de l'équipage furent obligés de le jeter à la mer avec ses deux invalides, après quoi on le repêcha dans une barque, pour le mettre à terre dans un coin de son commandement. Il résulte de tout ceci que les malheurs qui arrivent à Athamare ne touchent en aucune manière, parce qu'ils n'arrivent pas nécessairement, et que la tragédie finit avant qu'on ait pu prendre intérêt à quoi que ce soit.

La manière dont elle a été jouée a beaucoup contribué au

mauvais succès du premier jour. Il semblait que tous les acteurs se fussent donné le mot pour jouer détestablement. Le rôle d'Athamare, joué par Le Kain, ne fit aucun effet. Il y a un certain M. Pin, reçu à l'essai, qui joue la comédie pour son plaisir, à ce qu'on dit, car il est riche, mais qui ne joue pas pour notre plaisir, s'il joue pour le sien. Ce M. Pin joue les rôles à manteau dans la comédie, et les rôles de confident dans la tragédie. Les comédiens prétendent que c'est le meilleur confident qui ait paru au théâtre depuis longtemps, et je ne serais pas éloigné d'être de leur avis s'il n'avait pas une figure si ridicule dans l'accoutrement tragique, et une voix si claire et si glapissante qu'on est tenté de rire dès qu'il ouvre la bouche. Ce malheureux Pin s'était fait confident d'Athamare, et fut la première cause des risées du parterre. Elles commencèrent avec le troisième acte, où le fidèle Pin donne de si bons conseils à son maître peu docile. Pin le confident en perdit la contenance, et ne sut plus un mot de son rôle, et le mauvais succès de cette scène influa sensiblement sur le sort de la pièce.

Molé était chargé du rôle d'Indatire, et le joua en petitmaître. Son père Hermodan Brizard, malgré sa belle chevelure grise, malgré sa belle figure, sa belle voix, fut trouvé bien froid. Pour le père d'Obéide, le vieux Sozame, c'était M. Dauberval. Ce pauvre M. Dauberval joue tous ses rôles avec tant de politesse que, sans avoir l'honneur de le connaître, je suis persuadé que c'est un des hommes les plus doux et les plus respectueux qu'on puisse rencontrer dans le monde. C'est dommage que cette vertu ne tienne pas lieu de talent au théâtre. Ce qu'il y a de sûr, c'est que Sozame Dauberval a l'air bien déplacé en Scythie, et que, s'il y allait de ma vie, il me serait impossible de croire qu'il ait jamais servi sous le grand Cyrus, ni gagné de batailles dans son jeune temps, malgré tous les récits et toutes les confidences qu'il fait à son ami Hermodan de ses exploits et de sa gloire passés. Ce Dauberval a un fils qui danse à l'Opéra, et qui est un charmant danseur dans le genre brillant et léger de Lany et de Mlle Allard. Si, suivant la morale de la Chine, l'éclat des vertus d'un fils rejaillit sur le père, nous sommes en conscience obligés d'aller applaudir le père Dau, berval à la Comédie-Française des cabrioles enchanteresses de son illustre fils sur le théâtre de l'Opéra.

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