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Du rôle imposant qu'on lui donne :
Qu'Apollon sût toujours chanter,

Que l'Amour eût au moins une mine friponne;
Que le grand Jupiter, couvert d'or et d'argent,
Parût moins gauche sur son trône,

Le public serait indulgent:

Ce qui n'est pas indifférent,

Car la recette serait bonne.

X.

Ordre à Muguet de prendre un air plus leste,

A Pillot de moins détoner,

A Durand d'ennoblir son geste,

A Gélin de ne pas tonner;

Que Le Gros chante avec une âme2,
Beaumesnil avec une voix 3,

Que la féconde Arnould se montre quelquefois,
Que la Guimard toujours se pâme.

XI.

Ordre à nos bons acteurs, pour eux, pour l'Opéra,
D'user médiocrement des reines des coulisses;
Permettons à Muguet, Pillot, et cætera,
L'usage illimité de toutes nos actrices.

XII.

Pour soutenir l'auguste nom

De la royale Académie,

On paiera mieux l'amant d'Armide et d'Aricie,

Pollux, Neptune et Phaëton;

Mais qu'ils n'espèrent pas que leur fortune accroisse
Jusqu'au titre pompeux de seigneur de paroisse,

Aux honneurs d'eau bénite et de droit féodal:
Roland, dans son humeur altière,

Doit-il se prétendre l'égal

Ou du chasseur de la Laitière

Ou du cocher du Maréchal?

6

1. L'ordre est bon, mais inutile.

2. Plus inutile encore.

3. Car il ne suffit pas d'être jolie

4. Épithète qui n'est point oiseuse.

5. Espèce de talent très-décent sur le théâtre.

6. Laruette vient d'acheter une terre seigneuriale.

XIII.

Rien pour l'auteur de la musique,
Pour l'auteur du poëme, rien.
Le poëte et le musicien

Doivent mourir de faim selon l'usage antique.

Jamais le grand talent n'eut droit d'être payé ;
Le frivole obtient tout, l'or, les cordons, la crosse:
Rameau dut aller à pied,

Les directeurs en carrosse.

XIV.

En attendant que pour le chœur
On puisse faire une recrue

De quinze ou vingt beautés qui parleront au cœur
Et ne blesseront point la vue,

Ordre à ces mannequins de bois

Taillés en femme, enduits de plâtre,

De se tenir toujours immobiles et froids
Adossés en statues aux piliers du théâtre1.

XV.

Tout rempli du vaste dessein

De perfectionner en France l'harmonie,
Voulions au Pontife romain
Demander une colonie

De ces chantres flûtés qu'admire l'Ausonie;
Mais tout notre conseil a jugé qu'un castrat,
Car c'est ainsi qu'on les appelle,
Était honnête à la chapelle

Mais indécent à l'Opéra.

XVI.

Pour toute jeune débutante

Qui veut entrer dans les ballets,

Quatre examens au moins, c'est la forme constante:
Primo le duc qui la présente,

Y compris l'intendant et les premiers valets:
Ceux-ci près de la nymphe ont droit de préséance;
Secundo, nous, les directeurs;

Tertio, son maître de danse;

Quarto, pas plus de trois acteurs.

1. Ne pourrait-on pas obtenir de M. de Vaucanson qu'il fit une vingtaine de chanteuses en choeur? Ce serait une dépense une fois faite.

XVII.

A défaut d'examens, certificats de mœurs
Conçus en termes très-flatteurs,

Termes de billets doux et de lettres de change.
Mais comme ces certificats

Pourraient par un hasard étrange
Offrir un bizarre mélange

Et de fortunes et d'états,

Sur ces mystères délicats

Promettons de garder le plus profond silence,
A moins que les fréquents débats

Des milords d'Angleterre et des marquis de France,
Et des danseurs et des prélats,

Ne nous forcent d'ouvrir, quoique avec répugnance,
Ces archives de nos États;

Afin de mettre en évidence

Qu'à dater du premier de tous les opéras
Nos héroïnes de la danse

Ont toujours eu le droit d'user de leurs appas,
Et d'oublier des rangs la frivole distance.

XVIII.

Fières de vider une caisse,

Que celles qu'entretient un fermier général
N'insultent pas dans leur ivresse

Celles qui n'ont qu'un duc: l'orgueil sied toujours mal
Et la modestie intéresse ;

Que celles qu'un évêque ou qu'un saint cardinal
Visite sur la brune au sortir de l'office

N'aillent point imprudemment

Prononcer dans la coulisse

Le beau nom de leur amant.

Voulons qu'au moins on s'instruise

A parler très-décemment,

Et surtout enjoignons qu'on respecte l'Église.

XIX.

Le nombre des amants limité désormais:

Défense d'en avoir jamais

Plus de quatre à la fois; qu'ils suffisent pour une;
Que la reconnaissance égale les bienfaits,

Que l'amour dure autant que la fortune1.

1. D'après la convention reçue que les filles ont le droit de ruiner leurs amants, la nation les invite à préférer les financiers.

XX.

Que celles qui pour prix de leurs heureux travaux
Jouissent à vingt ans d'une honnête opulence,
Ont un hôtel et des chevaux,

Se rappellent parfois leur première indigence,
Et leur petit grenier, et leur lit sans rideaux.
Leur défendons en conséquence

De regarder avec pitié

Celle qui s'en retourne à pied,

Pauvre enfant dont l'innocence

N'a pas encore réussi,

Mais qui, grâces à la danse,

Fera son chemin aussi.

XXI.

Item, ordre à cés demoiselles

De n'accoucher que rarement;

En deux ans une fois, une fois seulement:
Paris ne goûte point leurs couches éternelles.
Dans un embarras maudit

Ces accidents-là nous plongent;
Plus leur taille s'arrondit,

Plus nos visages s'allongent.

XXII.

Item,

très-solennellement

Prononçons une juste peine

Contre l'usurpateur qui vient insolemment,
L'or en mains, dépeupler la scène,
Et ravir à nos yeux leur plus bel ornement.
Taxe pour chaque enlèvement,

Et le tarif incessamment

Rendu public dans tout notre domaine;
Cette taxe imposée à raison du talent,
De la beauté surtout: tant pour une danseuse,
Tant pour une chanteuse,

Rien pour celles des chœurs : nous en ferons présent.

XXIII.

Enfin, vu les guerres cruelles

Dont nos États sont agités,

Vu les noirceurs, vu les querelles

Qu'excitent les rivalités

De rôles, de talents, de plaisirs, de beautés;

Et que peut-être un vaste empire

Est plus facile à gouverner

Qu'un peuple lyrique à conduire,
Avons approfondi le grand art de régner,
Partout exercerons un despotique empire
A l'égard des femmes surtout,
Attendu qu'elles sont partout
Très-difficiles à réduire.

XXIV.

Et comme un point capital
En toute bonne police

Est une prompte justice,

Tous leurs procès jugés à notre tribunal,
Jugés sans nul appel. Et l'ordre et la décence
Veulent que chacune à son tour

Comparaisse à notre audience;

Viendront l'une après l'autre et nous feront leur cour.
Les plus jeunes d'abord admises :

Ayant plus de procès, elles pourront nous voir
Dès le matin à sept heures précises,

Ou vers les onze heures du soir.

Et pour qu'on ne prétende à faute d'ignorance,
Sera la présente ordonnance

Imprimée, affichée à tous nos corridors,

Aux murs des loges, aux coulisses,
Aux palais des Rolands, aux chambres des Médors
Et dans les boudoirs des actrices.

De plus, dans le foyer sera ledit arrêt

Enregistré sous la forme ordinaire,
Pour le bien général et pour notre intérêt.
Détruisant, annulant autant que besoin est
Tout règlement contraire.

L'an de grâce soixante et sept,

Fait en notre château, dit en langue vulgaire
Le Magasin, près du Palais-Royal.

Signé Le Berton et Trial

Plus bas, Joliveau, secrétaire."

P. S. Nous avions résolu de retrancher l'usage impertinent des masques; mais nous avons reçu une députation de nos danseurs qui nous remontrent que cet usage un peu' singulier ne laisse pas d'être utile : 1o pour ne pas compromettre leurs figures, 2o parce qu'il est plus aisé d'avoir un masque qu'une physionomie. Nous avons déféré à d'aussi justes remontrances.

FIN.

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