페이지 이미지
PDF
ePub

Leur défendons seulement de paraître

Plus de deux fois par chacun an:

Au théâtre une fois, pour être hués peut-être,
L'autre au bureau, pour toucher leur argent.

III.

Après cette réforme et par cette ordonnance
Le Kain se chargera de parcourir la France,
Pour gagner de l'argent et choisir des sujets,
Nous rapportant à sa prudence,

Sûrs qu'il prendra les plus mauvais.

IV.

Entre nous convenons que Brizard désormais
Aura de l'âme et de l'intelligence,
Dauberval cessera de parler en cadence,
Le Kain ne beuglera jamais;

Bellecour en lui-même aura moins confiance,
Molé plus de poitrine et moins d'impertinence;
Augé par son travail hâtera ses progrès,
Et Préville lui seul charmera les Français.

V.

Comme Vellenne a l'air docile,

Qu'on s'y fait, qu'il peut être utile,

Et que malgré ses soins, la triste d'Épinay1
N'a point su rétablir la santé de Molé,

Nous le gardons, sous la loi très-expresse
Qu'il laissera la Hus et sa molle tendresse:
Elle est trop exigeante, elle abîme ses gens,
Et son amour gâte jusqu'aux talents.

VI.

Pour la Dubois, qui croit que dans la vie
Tromper tour à tour ses amants

C'est bien jouer la comédie,

Et qui compte tous ses moments

Par son caprice et sa folie,

Lui défendons de fatiguer l'amour.

L'amour la fatigue à son tour.

Quoique au théâtre elle soit fort jolie,

1. Jolie, mais mauvaise actrice qui vient d'épouser Molé. (GRIMM.) 2. Il a eu des aventures galantes avec cette actrice. (ID,)

Le plus beau buste à la fin nous ennuie;
Il faut de l'âme avec de la beauté.

Un visage baigné de larmes
Qui peint un cœur fortement agité,
Aura toujours assez de charmes
Aux yeux du public transporté.
Quand Dumesnil, en proie à ses alarmes,
Dans notre sein vient répandre ses pleurs,
Qu'elle porte dans tous les cœurs

Le cri perçant de la nature,

C'est sa douleur qui plaît et non pas sa figure.

Sur ce principe ordonnons à Dubois

De ne changer d'amant qu'une ou deux fois par mois,
D'étudier une fois la semaine :

Clairon nous a fait voir, et la chose est certaine,
Que l'art bien conduit quelquefois

Peut ressembler à la nature ;

On aime une heureuse imposture;

Mais que Dubois prenne un autre chemin, Et que chacun de nous en ami l'avertisse Que pour devenir bonne actrice,

Ce n'est pas tout d'être catin.

VII.

Ordre à Sainval d'avoir plus de noblesse,
De changer à propos de ton,

De ne pas nous chanter son rôle avec tristesse
Ainsi qu'un écolier qui redit sa leçon;

De crier moins pour toucher davantage,
D'acquérir de ses bras un plus facile usage,
De donner à sa voix... Nous parlons pour son bien;
Mais elle a de l'orgueil, elle n'en fera rien.

VIII.

Durancy fit fort mal quand son mauvais génie
De rentrer parmi nous lui donna la manie;
Nous l'avions renvoyée, et nous savions déjà
Qu'elle serait bien mieux à l'Opéra;

Nous l'avouons pourtant, quoi que le public pense,
Elle est pleine d'intelligence;

Mais son organe est trop ingrat.
Nous ordonnons en conséquence
Que sous trois jours on lui délivrera
Un passeport nouveau pour l'Opéra;

Lui promettant que si, par fantaisie

(Ce qui peut-être arrivera),

Nous osions tout à fait chanter la tragédie,
Comme première actrice on la rappellera.

IX.

Donnons avis à la Préville 1

Dont les nerfs sont trop délicats,
D'éteindre un amour inutile,

Pour qu'enfin son amant passe dans d'autres bras.
On l'applaudit, mais on ne conçoit pas
Si c'est par excès de décence
Qu'ayant chez elle autant de sentiment,
Elle a l'art de glacer par sa seule présence,
Et nous endort fort noblement.

X.

Désirant faire droit sur l'instante requête
Du sieur Molé qui s'est mis dans la tête
Que d'Épinay, qui bredouille en sifflant,
Avait le germe du talent 2,

Consentons qu'elle joue, et laissons au parterre,
Suivant son privilége et son droit ordinaire,
Le plaisir de la renvoyer

En lui donnant cet avis salutaire
Que prétendre forcer les gens à s'ennuyer,
C'est être folle et téméraire.

XI.

Comme la Doligny nous rend tous mécontents
Par sa rare vertu, par ses rares talents,
Lui défendons d'être plus longtemps sage.
Quoiqu'on n'ait point à redouter

De voir s'établir cet usage,

Elle force à la respecter.

A la vertu qu'on ne peut imiter

L'on n'aime point à rendre hommage.

1. Mme Préville avait fait infidélité à son mari, qui en était au désespoir, pour Molé, qui vient de la quitter pour Mlle d'Épinay. Mme Préville a pensé en mourir de douleur. Elle vient de se raccommoder avec son mari. Toutes ces importantes révolutions sont connues de tout le public, qu'elles occupent et intéressent. (GRIMM.)

2. Il l'a fait débuter l'hiver dernier dans la tragédie, lui promettant d'avance les plus grands succès; mais, en cothurne comme en brodequin, elle a paru également mauvaise. (ID.)

XII.

Fanier la suit de loin, mais son ami Dorat

Fréquente trop souvent chez elle.

Que sait-on ? Il peut plaire; il est jeune, elle est belle;
On ne croit plus à l'amour délicat.

Ah! quel plaisir si sa sagesse
Pouvait faire le moindre écart!

Parmi nous, c'est une bassesse
De vouloir ennoblir son art.

Vous avez sous les yeux un si noble modèle:
La Beauménard1; elle a joui de ses beaux ans.
Sachez vous avilir comme elle,

Et semez dans votre printemps;
Ruinez par raison vingt ou trente personnes:
Qu'importe? Vous pourrez peut-être quelque jour,
Quand vos affaires seront bonnes,
Vous abandonner à l'amour.

XIII.

La Bellecour, cette lourde Finette,

Se défera des rôles de soubrette

En faveur de Luzy, qui, jouant plus souvent,
Pourra joindre aux attraits le charme du talent,
Pourvu qu'elle renonce à ses fades grimaces,

A sa minauderie, à sa prétention :

L'air emprunté gâte toujours les grâces,
Et la nature plaît sans affectation.

XIV.

Fanier travaillera, c'est chose essentielle :
Notre but est d'instruire, et non pas de louer;
Nous sommes, malgré nous, forcés de l'avouer,
Son talent est plus jeune qu'elle.

XV.

Du reste, désirant soulager la Gautier 2

Qui se plaît dès longtemps, et plaît dans son métier,
Ordre à la Bellecour qu'il faut que l'on réforme,

Vu, sans d'autres raisons, et son air et sa forme,

1. Aujourd'hui la femme de Bellecour. Fameuse courtisane en son temps. Son air effronté a toujours fait tort à sa beauté. Elle n'a jamais été bonne actrice; mais elle devient tous les jours plus grosse et plus détestable. (GRIMM.)

2. Ou Mme Drouin. Elle joue depuis quelques années les rôles de caractère avec succès. (ID.)

D'apprendre incessamment les rôles des Grognac,
Des Argante, des Coupillac.

Elle doit s'y résoudre avec pleine assurance.
Que n'a-t-elle pas vu depuis plus de trente ans ?
D'un monde que l'on a fréquenté si longtemps,
On doit avoir la connaissance.

XVI.

Enjoignons au surplus, pour l'exemple des mœurs
Et la tranquillité publique,

Qu'aucune actrice en son humeur lubrique,
A l'Opéra ni même ailleurs,

N'aille par avarice ou bien par politique
Brouiller d'heureux amants et mendier des cœurs.
Il faut en tout de la justice.

Lorsque avec adresse une actrice
Dans ses filets a su prendre un moineau,
On doit respecter son ouvrage ;

Quand elle l'apprivoise, il ne serait pas beau
Qu'une autre en vînt arracher le plumage.

XVII.

Item pour l'avenir, mais très-expressément,
Faisons défense à nos actrices

De faire leurs marchés ou quelque arrangement,
Au foyer ni dans les coulisses;

D'y laisser échapper quelques mots indécents.
Que la Hus n'aille plus par un compliment fade
Crier à la Dubois : « Ma chère camarade,
Comment se portent vos enfants? >>

XVIII.

Calculant avec soin nos besoins, nos ressources,
Ayant mûrement réfléchi

Et sur Lemierre et sur Sivry 1,

Dont les talents n'emplissent pas nos bourses;
Et ne gagnant plus tous les ans
Qu'entre huit et dix mille francs
Qui ne sauraient suffire à la dépense
Qu'exigent notre luxe et notre vanité;

Comptant d'ailleurs sur l'indulgence
Et l'amour de la nouveauté

1. Poinsinet de Sivry, cousin de Poinsinet, sorcier, auteur de quelques mau

vaises tragédies. (GRIMM.)

« 이전계속 »