페이지 이미지
PDF
ePub

sont remuants, séditieux, toujours prêts à se soulever contre leur souverain. Il paraît que Cosroès ne les persécute que parce qu'ils ne peuvent se tenir tranquilles. Cosroès a toutes les qualités d'un grand monarque. Il est belliqueux, ferme, sage, juste, mais d'un caractère un peu sévère. Je vous dis ici les intentions du poëte, vous jugerez vous-même dans le cours des événements s'il sait conserver à ses personnages leur caractère.

Amestris, femme de Cosroès, est une bonne créature, pleine d'entrailles et naturellement portée à la douceur. Elle a eu de Cosroès un fils qu'elle a perdu dans sa première enfance, et dont la perte lui est toujours douloureuse.

Phalessar est un vieux général de Cosroès, dont tous les exploits ont été couronnés par la victoire. Il est chrétien; mais Cosroès a en lui, malgré cela, une confiance sans bornes, et il n'a pas tort, car la fidélité de Phalessar l'est aussi.

Mirzanès est proprement le principal personnage de la tragédie. Il passe pour le fils de Phalessar; mais dans le fait son origine est inconnue. Il a été élevé par Phalessar dans le culte des chrétiens. C'est un jeune homme plein de zèle pour cette nouvelle religion, du reste, d'un caractère ardent et impétueux. Memnon est un autre général de Cosroès. Il est du sang royal; et vous allez voir de quel bois il se chauffe.

ACTE PREMIER. Memnon paraît, suivi de soldats et de prisonniers. Il vient de battre les Abyssiniens. Il renvoie des sol-dats en leur ordonnant d'avoir soin des prisonniers.

Mirzanès survient. Il est déjà d'intelligence avec Memnon, ainsi nous ne tarderons pas à savoir leurs secrets. Cosroès est allé combattre les ennemis de l'État d'un autre côté. Ses succès ont surpassé ses espérances, et il va revenir victorieux. Mirzanès n'a pas eu la permission de le suivre dans cette expédition. Pour le punir de quelque grosse étourderie que son caractère impétueux ne multiplie que trop, Cosrqès l'a obligé de rester dans la capitale dans un honteux repos, pendant qu'on faisait la guerre aux ennemis de l'État. Mirzanès en est outré, furieux. Il compte se porter aux dernières extrémités envers Cosroès. Les chrétiens méditent un soulèvement, il sera le chef de cette conspiration. Memnon promet de le seconder. Il peut non-seulement se fier à ses soldats, mais il peut encore, dans un cas de besoin, armer cette troupe d'Abyssiniens qui sont ses prisonniers,

et il les fait garder pour ce dessein. Toutes les mesures sont d'ailleurs prises pour le succès de la conjuration, et Mirzanès est bien résolu de pousser son ressentiment aussi loin qu'il peut aller, sans écouter ce respect secret qu'il se sent quelquefois pour Cosroès, ni cette tendresse singulière qu'il se sent pour Amestris; et si Phalessar, son père putatif, écoutant plutôt son attachement pour un roi idolâtre que les intérêts de sa religion, refuse de seconder les efforts des conjurés, Mirzanės promet à Memnon que la conspiration n'en fera pas moins son effet. Au milieu de ces agitations Mirzanès voudrait bien savoir de qui il tient le jour. A son incertitude, on juge qu'il ne fréquente pas beaucoup nos tragédies. S'il était familier de premières représentations comme moi, il aurait deviné tout de suite qu'il est ce fils de Cosroès et d'Amestris dont il nous apprend que celle-ci pleure toujours la perte. Mais il est loin de s'en douter, et lorsqu'il entend le son des trompettes et les cris de victoire qui annoncent le retour de Cosroès, son ressentiment et sa fureur redoublent.

Cosroès paraît au milieu de ses gardes et de ses généraux, entouré de tout l'éclat de la victoire, suivi d'Amestris et de Phalessar. Il attribue à ce dernier tous les succès qu'il vient de remporter. Il en ordonne des actions de grâce dans le temple du Soleil. Il apostrophe Mirzanès, à qui Amestris dit pareillement en passant quelques tendresses. Cosroès met je ne sais quoi de paternel dans les corrections de ce jeune homme; il a, je crois, un pressentiment que M. Le Fèvre lui rendra son fils avant la fin de la pièce. Quoi qu'il en soit, il a empêché Mirzanès d'aller à l'armée; il lui ordonne maintenant, toujours par forme de pénitence, d'assister au conseil d'État qui doit se tenir sur des affaires de la plus grande importance. Cet ordre irrite de plus en plus le jeune homme.

Cependant le roi et sa suite se retirent. Amestris, en suivant son époux, recommande à Mirzanès de regagner les bonnes grâces de Cosroès par sa douceur et sa soumission. Phalessar, après avoir aussi fait un petit sermon à Mirzanès, le congédie et reste seul avec Memnon.

Il ne veut point entendre parler de conspiration, et il va démontrer à Memnon en peu de mots que Mirzanès est à la tête des conjurés. C'est que ce Mirzanès est fils de Cosroès et

VII

d'Amestris. Phalessar, à qui sa première enfance avait été confiée par Cosroès dans des temps orageux et difficiles, s'avisa de persuader à son roi et à Amestris que leur fils était mort afin de pouvoir l'élever sans aucun obstacle dans la religion chrétienne. Un jour de tragédie est un jour de confession générale. Ainsi le vieux Phalessar découvre tous ces importants secrets à Memnon. Il se repent d'ailleurs de sa pieuse tricherie en bon chrétien, et il frémit de l'imprudence de ce jeune écervelé, qui, pour quelques mécontentements passagers, s'expose, sans s'en douter, à commettre un parricide.

Memnon, resté seul, se promet de tirer bon parti des confidences que Phalessar vient de lui faire. Il perdra le père par le fils où le fils par le père. De façon ou d'autre, il se frayera le chemin au trône; et cette résolution prouve entre autres choses combien le sage Phalessar sait bien choisir ses confidents quand il a un secret à confier.

ACTE SECOND. Tenue du conseil d'État. Cosroès, sur son trône, est entouré de ses ministres et des grands de son empire. Memnon s'y trouve par son rang et pour voir un peu ce qui se passe, et Mirzanès y assiste par forme de pénitence, comme il lui a été ordonné; aussi n'a-t-il point de bonnet sur la tête, tandis que tout le monde est couvert. Cosroès harangue le conseil. Il observe que, malgré le succès dont ses armes viennent d'être couronnées, la tranquillité de l'empire n'est encore que mal assurée; qu'il est un feu secret qui couve dans ses États, prêt à éclater au premier signal. Il connaît les auteurs pernicieux de ces troubles; ce sont des chrétiens séditieux. Il exige que chaque membre du conseil s'engage, par un serment solennel envers la divinité du pays, d'exterminer sans aucune restriction tout traître, tout coupable. Il jure le premier ce serment redoutable. Phalessar lui observe qu'en sa qualité de chrétien, il ne lui est pas possible de jurer par le Soleil, mais il jure sur son épée, et son serment est reçu pour valable. Arbate, un autre grand du royaume, reprend ensuite le serment du pays, et jure qu'il ne fera pas grâce, quand le traître serait son propre fils. Mirzanès a bien de la peine à se contenir pendant cette cérémonie. Enfin, Amestris arrive avec une lettre qui découvre un complot formé par les chrétiens. Cette lettre a été apportée par un esclave qui n'a eu que le temps de la remettre, parce que

les conjurés, qui se doutaient de son infidélité, avaient eu la précaution de l'empoisonner. Tout le monde a les yeux sur Mirzanès, tout le monde craint de le trouver impliqué dans cette conspiration. Cosroès se retire avec sa suite pour éclairer une affaire si importante. Mirzanès reste seul avec Phalessar.

La découverte du complot inquiète le jeune chrétien, mais ne le décourage pas. Il compte sur les Abyssiniens que Memnon lui a promis d'armer, et qui doivent porter à Cosroès un coup aussi sûr qu'inattendu. Mirzanès, sans s'expliquer entièrement, ne cache pas trop tous ces projets à Phalessar. Ce vieillard, de plus en plus déchiré par ses remords, oppose d'abord au jeune furieux tout ce que la religion chrétienne a de lieux communs sur la douceur, sur la mansuétude, sur la patience dans les souffrances. A ces lieux communs, Mirzanès répond par les maximes d'un chrétien fanatique qui se croit tout permis quand il trouve son culte en danger, et qui lève, sans balancer, le glaive jusque sur son prince, si la volonté du prince ne se trouve pas d'accord avec la volonté de son Dieu. Le combat entre le chrétien doux et le chrétien violent est long et vif, et Phalessar n'a pas lieu de s'applaudir de son éducation chrétienne. Il n'a pas encore fait de progrès sur le cœur de son prosélyte frénétique, lorsque les conjurés qui doivent assassiner Cosroès paraissent avec Memnon à leur tête. Celui-ci ne s'arrête qu'un moment. Il remet le commandement de la troupe à Mirzanès, pour suivre son petit plan particulier; il va dénoncer ce conjuré à Cosroès, afin qu'il puisse être pris en flagrant délit et que le roi, pressé par le danger, le fasse exécuter avant de savoir que

c'est son fils.

Lorsque Phalessar voit Mirzanès à la tête des conjurés et sur le point de consommer ses funestes projets, il sent bien qu'il ne lui reste plus d'autre parti que de révéler à ce furieux le secret de sa naissance afin de le faire renoncer à ses desseins criminels. Il exige donc de lui de faire retirer cette troupe de meurtriers parce qu'il a des choses de la dernière importance à lui confier. Mirzanès résiste longtemps. Il n'est pas sans défiance et il craint quelque trahison de la part d'un chrétien aussi tiède que Phalessar. Enfin il consent d'éloigner les compagnons de ses desseins, mais à peine sont-ils retirés, à peine Phalessar ouvre-t-il la bouche pour apprendre à Mirzanès ce qui lui importe tant de

savoir, que les gardes de Cosroès arrivent pour s'assurer de la personne de Mirzanès. Il est arrêté, et Phalessar sent qu'il faut prendre d'autres mesures.

ACTE TROISIÈME. Cosroès, entouré de ses gardes, paraît, suivi de Phalessar, qui lui demande pour toute grâce de l'entendre. Cosroès n'y est guère disposé. La conspiration est découverte. On a des preuves que Mirzanès est un des principaux chefs. Ils sont tous pris. On sait encore que ce Memnon qui a dénoncé Mirzanès est lui-même un traître. C'est le seul qui se soit dérobé par la fuite. Enfin, à force d'insister, Phalessar obtient de Cosroès un instant d'audience. Les gardes sont éloignés, et le vieillard reste seul avec le roi.

Alors le vieux chrétien découvre à son prince avec beaucoup de componction la fourberie dont il s'est rendu coupable par l'escamotage de l'héritier de l'empire qu'il a fait passer pour mort, afin de pouvoir en faire un bon chrétien; et ce bon chrétien se trouve actuellement dans les fers pour avoir voulu assassiner son père sans le connaître, et son roi en le connaissant très-bien. Et admirez la bonhomie de ce Cosroès qui passe pour si sévère, et qui ne fait pas le moindre reproche sur ce petit crime d'État à son sujet coupable! Je suppose que le comte de Saxe eût trouvé moyen d'enlever M. le Dauphin en 1730; de le faire passer pour mort, de l'envoyer à l'Université de Leipsick, et de le mettre en pension chez M. le docteur Klausing, ou chez M. le surintendant Deyling, deux flambeaux théologiques éclairant alors la Saxe orthodoxe. Je suppose qu'après la paix de 1748 le comte de Saxe, plein de gloire, ayant gagné plus de batailles au roi que ce pauvre diable de Phalessar n'en a vues en sa vie, eût fait venir son petit pensionnaire en France sous le nom d'un de ses neveux ou d'un enfant trouvé. Je suppose que cet enfant, devenu, moyennant la grâce de Dieu et les soins du célèbre docteur Klausing, bon et zélé protestant, eût trouvé fort mauvais la révocation de l'édit de Nantes et quelques autres arrangements pris en ce royaume contre la religion protestante. Je suppose que l'enfant trouvé, pour inspirer au roi de meilleurs sentiments à cet égard, eût formé avec quelques bandits le dessein de l'assassiner. Je suppose que ce complot eût été découvert, et qu'on eût mis l'enfant trouvé à la Conciergerie pour être exécuté en place de

« 이전계속 »