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enfants qui se payent de mots, ou, ce qui est de la plus grande évidence pour moi, qu'ils sont eux-mêmes en enfance, et, pour parler leur langage, que, dans un siècle éclairé, le despote légal est nécessité, par l'évidence, de leur accorder des loges. dans les petites-maisons comme aux plus fiers des déraisonneurs de son empire. Ce triste système de despotisme légal dirigé par l'évidence est né de l'exagération de deux lieux communs. On a dit que le gouvernement d'un despote éclairé, actif, vigilant, sage et ferme, était de tous les gouvernements le plus désirable et le plus parfait, et l'on'a dit une vérité; mais il ne fallait pas l'outrer. Moi aussi, j'aime de tels despotes à la passion. Il ne s'agit plus de calculer, suivant le système de probabilités politiques, combien il se trouvera de despotes de cette espèce dans une suite de cinquante, par exemple; si chaque empire en trouve un ou deux dans cette série, je lui conseille de s'en féliciter. Ce sont les despotes endormis sur le trône qui font le malheur des nations. Or si la morale vous dit que le trône est l'endroit le moins propre au sommeil, l'histoire vous apprendra que c'est cependant le lieu où l'on sommeille le plus. Si cela n'était point, les noms des Titus et des Antonins ne seraient pas des noms si chers et si sacrés à l'humanité. L'autre lieu commun sur lequel ces messieurs ont fondé leur système du despotisme légal est que plus le dépôt des lumières générales et publiques est considérable chez une nation, plus son gouvernement sera garanti du danger de tomber dans des erreurs et de faire des fautes; mais exagérer ce lieu commun jusqu'à attribuer à un terme abstrait, au mot évidence, la vertu infaillible de préserver le gouvernement de toute erreur et de toute faute, c'est tomber dans une étrange extravagance. Sur cent opérations que le gouvernement est dans le cas de faire journellement, il n'y en a pas une qui ne soit trop compliquée pour ne pas rester problématique aux yeux de l'homme d'État le plus pénétrant et le plus consommé dans les affaires. Cependant il faut opérer, il ne s'agit pas de rester dans l'inaction; et messieurs du mardi rural auraient beau dépêcher des provisions d'évidence dans tous les cabinets de l'Europe, je doute qu'aucun despote légal ni aucun ministre pût en tirer le moindre soulagement dans ses perplexités. Le fanal de Quesnay et Mirabeau luit d'une lumière si faible, si vacillante, si incertaine,

que je ne conseille à aucun pilote politique de s'y fier. Et puis, quand on aura remédié aux erreurs et aux bévues par l'évidence tout court, les passions ne feront donc plus aucun mal, ne causeront plus aucun désordre public? Ces messieurs ne font pas assez de cas des passions pour les faire entrer dans leurs calculs politiques, ou bien quand ils daignent en faire mention, ils les garrottent et les enchaînent également par l'évidence; il est d'expérience journalière que rien n'arrête la passion comme un argument en bonne forme. J'ai été tenté quelquefois d'envoyer au mardi de M. de Mirabeau le syllogisme suivant, bien sûr que les membres ruraux le signeraient comme infaillible. « Si quelque chose est évident, de toute évidence, de cette évidence déclarée par ces messieurs irrésistible, c'est que le système qui a prévalu en Europe de faire des emprunts publics pour les besoins de l'État, et d'en employer ensuite les revenus à acquitter les intérêts dus à ces emprunts, que ce système, dis-je, est non-seulement ruineux, mais absolument meurtrier, et qu'il expose tôt ou tard le gouvernement qui l'adopte à l'alternative inévitable, ou de ruiner la plus riche portion de ses sujets par une banqueroute générale, ou d'écraser et d'abîmer la plus petite portion de ses sujets par des impôts exorbitants et destructeurs. Donc il est évident que non-seulement les gouvernements de France et d'Angleterre n'emprunteront plus une obole, mais qu'il est même impossible qu'ils aient contracté, depuis un siècle environ, toutes ces dettes immenses dont le détail effraye quelquefois dans les papiers publics. Donc il est constant et certain que l'évidence du mal résultant inévitablement de ces emprunts n'a jamais pu permettre à aucun despote légal de charger la chose publique du fardeau d'une dette nationale... » La plupart des raisonnements politiques de ces messieurs sont exactement de cette force.

Mon dernier grief contre le mardi des laboureurs-économistes, c'est qu'ils sont ennemis des beaux-arts. Tout homme qui n'est pas à la queue d'une charrue est à leurs yeux un citoyen inutile et presque pernicieux, à moins qu'il ne soit du mardi de M. de Mirabeau. Ils oublient à tout moment que le cultivateur serait réduit à un état de pauvreté bien grand s'il n'y avait de consommateurs que des cultivateurs. Cependant si

ces messieurs avaient jamais calculé combien le travail d'un seul homme peut en nourrir d'autres, ils auraient vu que, pour le bien du laboureur, il ne faut pas que tout le monde laboure. S'ils avaient le jugement aussi sain et aussi droit que les intentions, ils auraient conçu que de ce que l'agriculture est écrasée en ce royaume, par une foule de mauvaises lois et de mauvaises pratiques, il ne s'ensuit pas que les arts, ni même un luxe nécessaire dont ils sont les enfants, soient la perte de l'art le plus utile de tous, celui qui nourrit et répand l'abondance parmi tous les enfants de la famille. S'ils avaient enfin un peu de goût, ils auraient senti qu'on peut bien passer à Jean-Jacques Rousseau ses incartades contre les lettres et les arts, parce que ses sophismes sont ingénieux et pleins de nerf et d'éloquence; mais que des gens qui écrivent platement et d'une façon barbare n'ont nulle espèce de droit à notre indulgence par leurs

rêveries.

En général, le mardi rural dans sa constitution actuelle me paraît être dans cet état mitoyen de pauvreté d'esprit, d'idées brouillées, de lueurs, d'abandon, de présomption, de confiance, où étaient les apôtres en attendant le Paraclet après l'ascension de leur patron. Pénétré de cet état de viduité, je m'humilie devant le souverain distributeur de toute lumière, et le prie, avec ferveur, de répandre son esprit d'entendement sur ces bons laboureurs, et de leur ôter l'esprit d'exagération et l'abondance des mots vides de sens, afin qu'ils apprennent à parler et à écrire intelligiblement, à savoir ce qu'ils disent, à fuir l'emphase ténébreuse servant de passeport aux lieux communs, à labourer, bêcher, piocher, défricher, fumer, engraisser, dégraisser, dessécher, arroser, améliorer, féconder, fertiliser tous les champs de la terre dans toute sa circonférence, de l'extrémité d'un pôle à l'autre, avec un peu plus de profit pour l'utilité commune et un peu plus d'avantage pour leur propre récolte. Amen.

Les fêtes magnifiques et brillantes que M. le prince de Condé a données cet été à Chantilly ont fait pendant quelque temps l'entretien de tout Paris. Ces fêtes se sont succédé pendant trois semaines avec une variété charmante. Les attentions du prince pour tous ceux qui étaient venus y prendre part les ont encore rendues plus agréables. Tous les villages à deux

lieues à la ronde ont assisté à un bal champêtre qui fut donné de nuit sur la grande esplanade qui se trouve devant les superbes écuries de Chantilly. Cette esplanade était magnifiquement illuminée; on y avait dressé un grand nombre de tentes. Les paysans et paysannes avaient tous reçu des habits de bazin blanc ornés de rubans. Le prince dansait indistinctement avec les dames et les paysannes. Voici des couplets adressés à M. de Pont-de-Vesle, qu'un nain de douze ans, habillé en Amour et renfermé dans un ananas, a chanté pendant le dessert du souper qui a terminé ces fêtes.

Sur l'air: Lisette est faite pour Colin.

Sous différents traits tour à tour
J'ai paru pour vous plaire;

Mais à vos regards en ce jour
Je m'offre sans mystère :
Reconnaissez en moi l'Amour
Qui cherche ici sa mère.

Mais dans mon cœur en ce moment
Je sens un trouble naître;
Ici chaque objet est charmant;

Ah! que le tour est traître!
Maman! Maman! Maman! Maman!
Comment vous reconnaître?

Vous refusez de m'éclaircir,

De me tracer mes routes;
Chacun aime à me voir souffrir,
Vous riez de mes doutes!

Eh bien! je vais vous en punir,
En vous adoptant toutes.

VERS

A METTRE AU BAS DU PORTRAIT DE Mlle D'OLIGNY

PAR M. DORAT.

Par les talents unis à la décence

Tu te fais respecter et chérir tour à tour;

Si tu souris comme l'Amour,

Tu parles comme l'innocence.

Malgré les bombes qu'on a fait pleuvoir sur la vieille masure de la Sorbonne, et qui auraient dù aiguillonner le zèle et le courage de ses défenseurs, il devient aujourd'hui très-problématique que cette illustre carcasse veuille publier la censure de Bélisaire, et il se pourrait très-bien que le travail du R. P. Bonhomme, cordelier de la grande manche, et le feu soutenu du syndic Riballier, fussent perdus pour l'édification publique. La plupart des graves docteurs rient sous cape des étrivières que la discipline de Ferney a si nerveusement appliquées sur les épaules du brave Riballier: tant le zèle dévorant de la maison du Seigneur diminue parmi nous, dans ces jours de tiédeur et d'indifférence! Des personnes instruites prétendent que la Sorbonne sollicite actuellement un ordre de la cour, ou à son défaut un ordre de son proviseur, M. l'archevêque de Paris, qui lui défende de publier sa censure; mais ni le proviseur ni le gouvernement ne se soucient de gêner la sacrée Faculté par un ordre exprès dans l'exercice du droit incontestable qui lui est acquis de temps immémorial de se rendre ridicule et méprisable. On dit seulement que M. l'archevêque de Paris a jeté au feu le mandement qu'il avait préparé contre Bélisaire.

Dans le fait, le bonhomme Bélisaire a de grandes obligations à la Sorbonne d'avoir bien voulu se couvrir de ridicule à son égard. Sans cette circonstance, son succès à Paris n'aurait pas été fort solide, et il serait actuellement oublié. Mais les pamphlets et les coups d'étrivières partis de Ferney ont tenu les yeux du public ouverts sur cette production, qu'il avait d'abord assez froidement accueillie; et le suffrage dont divers princes et têtes couronnées l'ont honoré. a rendu ce livre agréable à la nation. On a lu avec admiration les lettres de l'Impératrice de Russie et du roi de Pologne, ainsi que la lettre charmante du prince royal de Suède. La reine de Suède a accompagné la sienne du don d'une boîte superbe dans les cartouches de laquelle on voit les principaux tableaux de Bélisaire exécutés en émail. C'est joindre la plus ingénieuse galanterie à la magnificence royale.

Mais si M. Marmontel est quitte du mandement de l'archevèque et de la censure de la Sorbonne, il n'a pas été assez heureux pour esquiver le coup de dent du vieux Piron. Ce poëte octogénaire, tout aveugle et dévot qu'il est, n'a pas oublié l'art

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