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velle comédie que M. de Voltaire vient de faire, et dont j'ai eu l'honneur de vous parler.

Voici quelques fragments qu'on nous a envoyés de cette fête.

VERS

RÉCITÉS SUR LE THEATRE DE FERNEY

A LA SUITE DES DEUX COMÉDIES, LE JOUR DE SAINT FRANÇOIS,

PAR M. DE CHABANON.

L'Église dans ce jour fait à tous ses dévots
Célébrer les vertus d'un pénitent austère :
Si l'Église a ses saints, le Pinde a ses héros;
Et nous fêtons ici le grand nom de Voltaire.
Je suis loin d'outrager les saints,
Je les respecte autant qu'un autre;
Mais le patron des capucins
Ne devait guère être le vôtre.
Au fond de ses cloîtres bénis,

On lit peu vos charmants écrits:
C'est le temple de l'ignorance;

Mais près de vous, sous vos regards,
Le dieu du goût et des beaux-arts
Tient une école de science.

De ressembler aux saints, je crois,
Voltaire assez peu se soucie;
Mais le cordon de saint François
Pourrait fort bien lui faire envie :
Ce don, m'a-t-on dit quelquefois,
Ne tient pas au don du génie.
Allez, laissez aux bienheureux
Leurs priviléges glorieux,

Leurs attributs, leur récompense :

S'ils sont immortels dans les cieux,

Votre immortalité sur la terre commence.

Après ce compliment, on chanta les couplets suivants sur le théâtre de Ferney, à l'honneur et en présence de son patron.

Mme DENIS,

FAISANT PRÉSENTER DEUX CORBEILLES DE FLEURS PAR DEUX ENFANTS.

Ces enfants vous offrent nos vœux,

En vous rendant hommage;

Nos cœurs sont ingénus comme eux

Et sentent davantage.

Mme DENIS,

EN QUALITÉ DE Mine DURU DANS la Femme qui a raison.

J'ai d'une charmante maison

Fait le portrait fidèle;
L'auteur qui donne la leçon
Donne aussi le modèle.

Mme DUPUITS,

NIÈCE DU GRAND CORNEILLE.

Saint François nous prête son nom
Pour les jeux qu'on apprête;
Mais il n'est pas dans la maison
Le vrai saint que l'on fête.

Mme DE LA HARPE.

Ferney du plus beau de ses jours
Fête l'anniversaire,

Mais chez les Muses c'est toujours
La fête de Voltaire.

Mme CONSTANT D'HERMENCHE.

Ces vers d'un sentiment flatteur
Sont la plus simple image;
Vous qui parlez si bien au cœur,

Agréez son langage.

On lisait en caractères d'or sur le frontispice de la décoration du feu d'artifice, au nom de l'artiste qui l'avait peinte:

Aux plus nobles talents mes efforts réunis

A vos regards osent paraître.

Tous les beaux-arts vous sont soumis,

Le génie est leur premier maître.

On a donné, le 13 de ce mois, de nouveaux fragments à l'Opéra, car, dans cette boutique, on ne vit que de fragments

et de rogatons. Ce qu'il y a de nouveau dans ce spectacle se réduit à un acte de Théonis, par M. Poinsinet, et un acte d'Amphion, dont les paroles sont de M. Thomas.

Le terrible Poinsinet, qui ne se montre jamais sur nos théâtres que sous le masque du dieu de l'Ennui, fait, par l'acte de Théonis, son entrée dans la salle de l'Opéra. Puisse-t-il s'y tenir toute sa vie, être secondé dans ses productions lyriques par des musiciens de sa force et de son mérite, et ne plus jamais travailler pour les autres théâtres! L'ennui a été de tout temps de l'essence de l'Opéra français. L'acte de Théonis, psalmodié par feu M. Mouret, ou feu M. Boismortier, aurait fait la plus. belle chute du monde; mais, rapiécé en musique par MM. Trial et Berton, il a eu un peu de succès. Il y a surtout à la fin un tambourin qui a enlevé la paille1, et qui est charmant. Ce tambourin fera la fortune de M. Poinsinet. Son berger Dorilas, s'adressant suivant l'usage de l'Opéra, aux oiseaux, commence l'acte ainsi :

Chers habitants de ces riants bocages,
Heureux oiseaux, chantez plus bas;
N'agitez plus les airs de vos ramages:
Théonis ne vous entend pas.

On croirait qu'à cause de cela, il faudrait les prier de chanter plus haut, puisqu'ils ont affaire à une sourde. Tout l'acte est écrit ridiculement, platement et durement.

Quant à l'acte d'Amphion, c'est autre chose. Il est de M. Thomas, qui écrit un peu autrement que M. Poinsinet. Vous lirez la déclaration d'amour du sauvage avec plaisir : c'est un beau morceau de poésie erse. Il est vrai qu'il n'y a d'ailleurs ni imagination, ni invention dans cet acte, et que ce sauvage cède à la fin bien ridiculement sa maîtresse à Amphion, mais cela vient de ce que M. Thomas a eu trop de confiance en son musicien, et qu'il a espéré qu'il rendrait ce miracle vraisemblable par la force et la magie de son harmonie. Ce musicien est M. de La Borde, premier valet de chambre du roi. Son Amphion n'adoucit et ne dompte personne. C'est une musique d'amateur,

1. Se dit d'une chose excellente, singulière, décisive, par allusion à l'ambre, qui a la vertu d'attirer la paille. (LITTRÉ.)

plus froide que la neige des montagnes à laquelle le sauvage compare le teint de sa maîtresse. Cet acte n'est pas réussi. La décoration de la ville, qui s'élève aux sons et à la voix d'Amphion, a paru pitoyable. Nos mauvais plaisants ont conseillé au sauvage, après la cession de sa maîtresse et sa conversion à la vie civile, d'acheter une charge de grand maître des eaux et forêts, parce que, dans le commencement de l'acte, il parle sans cesse de forêts, d'eaux et de montagnes.

On a gravé, d'après le dessin de M. de Carmontelle, le portrait de Me Allard et celui de M. Dauberval, dansant, dans l'opéra de Sylvie qu'on a joué l'hiver dernier, un pas de deux qui eut un grand succès. Me Allard y représentait une nymphe de la suite de la chaste déesse, et par conséquent insensible à l'hommage du berger Dauberval. Ce berger triomphe enfin des rigueurs de la nymphe de Diane, mais M. de Carmontelle a pris le moment où son hommage est rejeté avec dédain. Cette nymphe et ce berger sont deux sujets charmants et de la première force du théâtre de l'Opéra. L'espérance de les voir danser fait supporter jusqu'à deux scènes de psalmodie braillée, qu'on appelle chant à ce théâtre. On vend cette estampe au profit de Mile Allard. Dans deux mille ans, ce sera un monument bien curieux, et qui donnera à la postérité une étrange idée de ce que nous appellions grâce au théâtre et en danse.

M. Duni, auteur de plusieurs opéras-comiques du nouveau genre, ayant fait un voyage en Italie, sa patrie, quelquesuns de ses amis ont choisi son absence pour faire graver une de ses pièces intitulée le Rendez-vous. Ce compositeur, de retour depuis environ un mois, a trouvé chez lui les planches de cet ouvrage; ainsi il pourra le vendre tout entier à son profit. Ses amis le lui ont dédié à lui-même par une épître qu'on trouve après le frontispice. Le Rendez-vous n'a eu que quatre représentations. La pièce, qui est de M. Légier, est froide et maussade. La musique en est agréable; mais elle n'a pu faire supporter l'insipidité du poëte. L'air en rondeau: Quand on est bonne ménagère eut un succès prodigieux, et a conservé sa vogue malgré la chute de la pièce. Les éditeurs de cette pièce auraient dû donner la préférence à la Plaideuse de M. Duni sur ce Rendez-vous. Cette Plaideuse, dont M. Favart avait fait le poëme, n'eut point de succès non plus, Mme Favart s'y fit huer;

mais la musique était charmante. C'est sans contredit l'ouvrage le plus fort de M. Duni.

M. Midy, secrétaire du roi et académicien de Rouen, vient d'adresser une lettre à M. Panckoucke, libraire à Paris et imprimeur du Grand Vocabulaire français. Cette lettre contient une critique fort amère du premier volume de ce Vocabulaire, le seul qui ait paru jusqu'à présent. M. Midy a beaucoup d'humeur; il reprend aigrement les auteurs sur un grand nombre de bévues commises dans ce premier volume, surtout dans les articles de mythologie, d'histoire et de géographie ancienne. J'observerai à M. Midy qu'on pourrait relever toutes ces fautes sans tant d'âcreté bilieuse, et que s'il n'y prend garde, les vocabulistes français, comme il les appelle, lui donneront la jaunisse; car ils m'ont bien l'air de lui laisser bien des fautes à relever dans leur compilation. A en juger par l'échantillon de leur premier volume, on ne peut se cacher que cette compilation est faite avec une précipitation très-répréhensible, et que les auteurs manquent également, et de capacité, et de bonne volonté. Dans le fait, ils n'ont fait que de copier sans soin et sans discernement Moréri, et les autres dictionnaires, quoiqu'ils aient le front de faire l'éloge de leur dictionnaire aux dépens de tous les autres. Cette espèce de brigandage littéraire, si fort à la mode aujourd'hui, est contraire aux premiers principes de probité; et M. Capperonnier aura à se reprocher d'avoir honoré le Vocabulaire français d'éloges si magnifiques et si peu mérités. Je suis bien plus choqué que M. Midy de certaines négligences. Celle avec laquelle la plupart des définitions sont faites est inexcusable; mais M. Midy n'en veut qu'aux fautes d'érudition. Il tracasse aussi les auteurs sur leurs observations prosodiques; mais il n'est pas toujours de bonne foi, ou du moins il n'a pas toujours raison. Ils disent par exemple dans le mot accabler les deux premières syllabes sont brèves. A cela M. Midy leur oppose l'autorité de M. l'abbé d'Olivet, qui dit : able est long dans quelques verbes, comme il m'accable; mais de ce que la seconde syllabe d'accable est longue, il ne s'ensuit nullement que cette seconde syllabe le soit aussi dans accabler. Au reste, si je ne craignais d'échauffer la bile de M. Midy je lui confierais que je me moque beaucoup de ces vétilles de prosodie dans une langue qui n'en observe aucune dans sa versification.

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