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Ces discussions sont ordinairement difficiles nuga. M. Midy hait aussi bien cordialement l'Encyclopédie. Il a pris son parti de ne la pas lire. Ce serait pourtant le moment d'en relever les fautes à présent qu'elle est achevée. Mais on ne peut plus ni en empêcher la publication, ni en tourmenter les auteurs. Ainsi il n'y a plus de plaisir. N'est-il pas vrai, monsieur Midy?

- La Lorraine compte parmi les hommes illustres le célèbre Callot, graveur, né en 1593, d'une famille noble. Vous connaissez l'esprit, la finesse et le caractère de ses figures. Le P. Husson, cordelier de Lorraine, vient d'écrire l'Éloge historique de cet artiste. En conscience, il n'appartenait pas à un plat cordelier de se mêler de l'éloge d'un artiste aussi spirituel que Jacques Callot.

Un de nos graveurs et marchand d'estampes, appelé Basan, vient de publier un Dictionnaire des graveurs anciens et modernes depuis l'origine de la gravure, avec une notice des principales estampes qu'ils ont gravées, suivi du catalogue des œuvres de Jacques Jordaens et de Corneille Vischer. Deux parties in-12. Il y en a une troisième qui est la suite de ce dictionnaire, et qui renferme le catalogue des estampes gravées d'après Rubens, avec une méthode pour blanchir les estampes les plus rousses, et en ôter les taches d'huile. Les amateurs trouveront cette compilation commode.

Nous devons déjà à Me de Saint-Vaast, compileuse, l'Esprit de Sully, qu'elle n'était pas en état de comprendre. Elle vient de donner l'Esprit des poëtes et orateurs célèbres du règne de Louis XIV, qu'elle a eu la permission de dédier à M. le Dauphin. Les faiseurs d'esprit sont des pirates qui viennent exposer aux marchés leur butin. Ils font ce métier d'autant plus impunément qu'on ne peut pas prendre la revanche sur eux. Mlle de Saint-Vaast ne fournira pas une ligne au faiseur de l'Esprit des auteurs célèbres du règne de Louis XV.

-On a aussi publié l'Esprit des poésies de La Motte-Houdard. Petit volume in-12 de plus de trois cents pages. C'està-dire qu'on a choisi dans ses odes, ses chansons, ses fables et ses poésies diverses. La Motte était un auteur ingénieux, spirituel et faible, sans génie ni goût véritable. Il a écrit dans la querelle de la supériorité des anciens sur les modernes, en faveur des derniers; il était assez ignorant et assez abandonné

de Dieu pour cela. Le goût de la bonne philosophie et de la bonne littérature a repris le dessus en France depuis une vingtaine d'années, et a fait oublier les pauvretés spirituelles de La Motte et consorts. Le recueil de ses œuvres, publié il y a dix ans, n'a fait aucune sensation. Le faiseur d'esprit a mis la vie de l'auteur à la tête de sa compilation.

- On vient de publier une rapsodie intitulée les Délassements champêtres, ou Mélanges d'un philosophe sérieux à Paris et badin à la campagne. Deux volumes in-12 assez forts 1. Si votre loisir vous est cher, ne vous délassez pas avec ce philosophe badin, qui vous a déjà vendu ses platitudes sous différents titres.

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Ne vous délassez pas non plus avec Mme Le Prince de Beaumont, loueuse de magasins pour les jeunes personnes du sexe, et sans contredit une des plus insipides créatures qui existent. Elle vient de publier une Nouvelle Clarisse en deux volumes.

Je marie Mme Le Prince de Beaumont à M. le marquis Caraccioli, auteur de la Conversation avec soi-même, et sans difficulté un des plus plats barbouilleurs de notre temps. Il a publié depuis peu deux volumes de Lettres récréatives et morales sur les mœurs du temps. Il nous menace d'en donner encore deux autres. Mme Le Prince et M. Caraccioli se feront par contrat de mariage un don mutuel de leurs œuvres à la décharge entière du public.

Je crois que c'est à ce Caraccioli que le père P. Louis Viret, cordelier conventuel, a adressé sa Réponse à la Philosophie de l'histoire en forme de lettres. Volume in-12 de près de cinq cents pages. Réponds, réponds, mon ami. Ta masure devient si vieille que les étais que vous assemblez tout autour d'elle, toi, père Viret, et les gens de ton froc, ne serviront qu'à la faire écrouler plus vite. Vous ne savez pas, vous autres, que le raccommodage est ordinairement mortel à la vétusté.

1. Par J.-H. Marchand, avocat.

NOVEMBRE.

1er novembre 1767.

Si je ne puis souffrir les livres élémentaires dans les arts et les métiers qui ne peuvent être appris que par la pratique, si je méprise les théories à perte de vue dans les choses que l'expérience seule peut enseigner, il n'en est pas de même des écrits qui traitent des objets de l'administration publique. Je crois, au contraire, ces écrits fort utiles, et je les regarde comme le moyen le plus sûr et le moins dispendieux que le gouvernement ait entre ses mains pour savoir la vérité. Ce n'est pas qu'on ne bavarde et qu'on ne déraisonne dans la plupart de ces écrits autant que dans les livres élémentaires; mais dans les matières de discussion, il faut avoir passé par tous les déraisonnements possibles avant de pouvoir se vanter de les avoir éclaircies, et toutes les questions d'administration, toutes les opérations du gouvernement, ont besoin d'être discutées longtemps avant leur exécution. La vérité ressemble ici aux fruits dont la maturité ne commence que lorsque la saison est déjà bien avancée. Un ministre qui, en entrant en place, ferait défendre par une loi expresse, sous peine de vie, d'écrire sur les affaires du gouvernement et de l'administration publique commencerait son ministère par une loi aussi ridicule que dure. Il aurait, par ce seul trait, donné la mesure de son esprit et de ses talents; il aurait annoncé le caractère de ses opérations, et pris, pour ainsi dire, d'avance des lettres patentes de son maître à l'effet de faire toutes les sottises impunément, et sans pouvoir être troublé par qui que ce soit dans la pleine jouissance, dans le plein exercice de sa médiocrité. Il y a cette différence essentielle entre l'homme public et l'homme privé que celui-ci, dans la conduite de sa vie, ne peut consulter que ses amis et que l'homme public, dans ses projets, peut et doit consulter tout le monde. C'est du choc des opinions que la vérité sort enfin étincelante de toute sa clarté, et le ministre qui ne veut pas qu'on écrive des sottises sur les opérations qui l'occupent est bien menacé d'en faire. Le cardinal de Richelieu dit quelque

part qu'il n'a jamais manqué, dans les occasions importantes, de consulter les hommes les plus bornés, ceux qui avaient une réputation bien méritée de n'avoir ni esprit, ni discernement, ni tête. Ils m'ont, ajoute-t-il, presque toujours suggéré des idées auxquelles un homme d'esprit n'aurait de sa vie pensé. Ce seul mot prouve mieux le génie de Richelieu que tous les éloges qu'on en a faits, et qu'on en fera aux réceptions de l'Académie française; mais il ne faut pas être sot quand on veut tirer parti de l'esprit des sots, sans quoi il y aurait toujours un sot de trop dans le conseil.

Deux petits écrits qui viennent de paraître ont donné lieu à ces réflexions. Ils ont tous les deux pour objet des questions qui intéressent la police publique. On a toléré l'un, et je crois que l'autre a été même protégé.

Le premier, qui traite de l'Administration des chemins, est de M. Dupont, membre de plusieurs sociétés royales d'agriculture, et l'un des piliers du mardi de M. le marquis de Mirabeau. On dit, monsieur Dupont, que vous êtes un jeune homme plein de mérite, plein de zèle pour le bien public, que vous avez de l'esprit et des connaissances; ainsi je vais vous parler avec une entière franchise sur votre brochure.

Vous avez des vues fort justes. Il est barbare et contraire à tout principe de gouvernement de faire les grands chemins par corvée, en contraignant le laboureur de s'y transporter avec ses chevaux et ses outils à ses frais, et d'y travailler à la sueur de son corps et sans salaire. Il est clair que le mal qui résulte de cette tyrannie odieuse, établie dans la plupart de nos provinces, tombe directement sur la classe de citoyens la plus utile, et anéantit dans leur source les richesses de la nation. Vous avez très-bien fait sentir la différence essentielle qu'il y a entre les corvées féodales et ces corvées meurtrières, instituées depuis à l'imitation des premières. Mais pourquoi chercher midi à quatorze heures? Pourquoi insister sur l'utilité des grands chemins, dont personne ne doute? Pourquoi nous prouver laborieusement que les propriétaires sont le plus intéressés à l'établissement des grands chemins et de leur entretien? Cela saute aux yeux. Les consommateurs le sont aussi certainement; car si un seul cheval suffit dans une belle route, lorsqu'il en faudrait trois dans une mauvaise pour le transport de la même

quantité de denrées, il est évident que le consommateur sera obligé de payer le surcroît de dépense qu'exige le mauvais chemin, et qu'il profitera de la diminution que lui procurera le bon. Dans ces matières, monsieur Dupont, il faut aller au fait et être de la plus grande clarté et de la plus grande concision possibles. Si vous n'étiez pas entiché du langage apocalyptique des économistes ruraux, vous vaudriez beaucoup mieux. Mais vous voulez manifester aux propriétaires l'évidence de leur propre intérêt; vous me mettez à tout moment les épithètes sacramentelles de votre secte en italique, de peur que je n'y prenne pas assez garde, et vous m'ennuyez. Laissez ces manipulations de termes et de formules à vos hommes creux du mardi. Que M. de La Rivière nous parle de biens disponibles et non disponibles; que le prémontré Baudeau partage aussi les hommes en disponibles et non disponibles : ils peuvent compter que s'il n'y a que moi qui en dispose, ils ne deviendront de leur vie disponibles. Mais vous, revenez au naturel, puisque vous paraissez y avoir de la pente. Dites tout simplement qu'on doit payer ceux qu'on emploie à la construction des chemins, et qu'il faut y employer les troupes en temps de paix, parce que c'est vrai, et que c'était l'usage des Romains, dont la discipline militaire valait bien la nôtre; et quand vous avez proposé vos idées sur quelque objet, n'y ajoutez plus les lieux communs de vos rêve-creux du mardi rural.

Le second écrit qui a paru, et qu'on dit favorisé par le gouvernement, est intitulé Considérations sur les compagnies, sociétés et maîtrises, et forme une brochure in-12 de cent quatre-vingts pages, dont l'auteur ne s'est point fait connaître. Cet auteur n'est pas un homme lumineux, c'est un homme de bon sens tout court. Il s'élève contre les priviléges, les communautés, les maîtrises, comme contre autant d'entraves qui gênent l'industrie. Il prétend que les règlements sans fin qu'on a fait sur tous les objets du commerce, et les inspecteurs sans nombre qu'on a créés pour présider à leur exécution, n'ont servi qu'à ruiner notre commerce, et j'en suis convaincu. Pas trop gouverner est une des plus précieuses maximes de tout gouvernement sensé. Vous voulez que le commerce fleurisse dans vos États? Faites des routes, rendez vos rivières navigables, ouvrez des canaux, facilitez les communications par tous les

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