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Cornaro, de Torquato Tasso, du cavalier Bernin, de Castruccio, de Bianca, d'Améric Vespucci. Vous voyez que les biographes ne se sont pas astreints à un ordre chronologique, et ce n'est qu'en cela qu'ils se sont piqués de ressembler à Plutarque. Depuis que l'Encyclopédie a été entreprise par une société de gens de lettres, toutes les entreprises littéraires s'exécutent par des sociétés de gens de lettres; mais il y a gens et gens. Ici les gens du premier volume sont un certain Sanseverino dont jamais personne n'a entendu parler, et M. d'Açarcq, un des écrivains les plus ridicules que nous ayons. Le second volume a été fourni par une autre société de gens de lettres non moins recommandable que la première, à la tête de laquelle on prétend que se trouve le vertueux Palissot, un des plus plats coquins qu'il y ait quand il n'est pas question de faire des méchancetés. M. de Beaufort, qui se qualifie membre de la Société royale de Londres, et que je n'ai pas l'honneur de connaître. d'ailleurs, vient de publier un ouvrage intitulé la République romaine, ou Plan général de l'ancien gouvernement de Rome. Six volumes in-12 assez forts. L'auteur se propose d'y développer les différents ressorts de ce gouvernement, l'influence de la religion, la souveraineté du peuple et son exercice, l'autorité du sénat et des différentes magistratures, les prérogatives du citoyen romain et des différentes conditions des sujets de l'empire romain. Je n'ai pas eu le temps de m'assurer si M. de Beaufort est capable de développer tout cela; mais la lecture de son ouvrage ne peut manquer d'être utile. L'auteur fait moins. l'historien que le critique qui discute les points principaux, et appuie ses opinions sur des autorités qu'il rapporte.

-Servilie à Brutus, après la mort de César. Héroïde qui a remporté le prix de l'Académie de Marseille. C'est une mère qui reproche à son fils d'avoir assassiné son père. Cette mère n'a rien d'une Romaine.

On vient de faire une nouvelle édition des Contes de La Fontaine. Deux volumes petit in-12, avec grand nombre de figures, la plupart indécentes, et toutes mauvaises1.

1. Contrefaçon des planches de l'édition des Fermiers généraux.

DÉCEMBRE.

1er décembre 1767.

On a donné le 20 du mois dernier, sur le théâtre de la ComédieFrançaise, les Deux Sœurs, petite pièce en deux actes et en prose. Voici une petite esquisse de ces Deux Sœurs, dont il est d'autant plus charitable de conserver ici la mémoire que personne ne sera tenté de leur ériger un mausolée.

M. le baron de ... non, M. le baron tout court, vit dans son château situé sur la route de quelque province à Paris. Bien des routes conduisent de la province à Paris. Ainsi placez le pays de M. le baron dans quelque pays agréable et riche, cela vous sera égal, et vous verrez que ce M. le baron est un bon homme. Il est veuf. Il a deux filles de la défunte baronne, ce sont les deux sœurs... Si je continue sur ce ton-là, vous me direz que je suis presque de la force de feu M. de La Garde, en son vivant historiographe des spectacles pour le Mercure de France, qui, quelque part dans l'Éloge du vieux Crébillon, dit: M. de Crébillon le père ne laissa qu'un fils, savoir M. de Crébillon le fils. Quoique je ne me donne pas les airs de me comparer à un aussi grand homme que l'historiographe La Garde, j'observe que l'exactitude et la clarté sont les deux qualités les plus essentielles d'un historien, et que d'ailleurs le ton de l'historien doit atteindre autant qu'il est possible au ton de ses héros... et puis je continue.

Or, mes deux héroïnes s'appellent, l'aînée Zélie, et la cadette Lucile. Zélie est plus belle que Lucile, mais elle est impérieuse, hautaine, capricieuse, charmante quand elle veut, mais inégale. Lucile, en revanche, est d'une égalité de caractère à toute épreuve, d'une douceur angélique, et, sans être ravissante de beauté, d'une figure très-agréable. M. le baron est ce qui s'appelle un bon homme; par conséquent il est bon père; mais il aime de préférence l'aînée de ses filles, qui le gouverne entièrement. Elle est aussi, par une suite de son caractère, presque maîtresse absolue de sa sœur cadette, à laquelle elle commande quelquefois avec beaucoup de dureté.

Vous pensez bien que Zélie, malgré sa beauté, rebute pres que

tous ses adorateurs par ses caprices, et que Lucile fait tout juste autant de conquêtes que sa sœur en perd. Mais Lucile n'en est que plus à plaindre, car son père s'est fait un loi inviolable de ne la point établir avant sa sœur aînée; et si celle-ci ne trouve pas enfin un homme à son gré, et qui puisse à son tour s'accommoder de son humeur altière, Lucile court risque de vivre et mourir vierge, et de ne couronner la constance d'aucun de ses amants.

Deux amis de province, c'est la seule qualité que l'auteur leur donne, viennent de temps en temps passer huitaine en ce château... J'approche autant que je peux des expressions de l'auteur... L'un s'appelle Fernand; c'est un garçon doux, tendre, aimable, que M. le baron aime d'autant plus particulièrement qu'il est le fils d'un ancien ami. L'autre, qui porte le nom de Melcour, est à l'extérieur plus léger et plus petitmaître, mais au fond, un garçon solide. Il est temps de commencer la pièce, ainsi, levons la toile.

Lisette, la femme de chambre des deux sœurs, vient pour ranger le salon où l'on voit des papiers de musique, des tables, des chaises, et surtout un métier. Pendant qu'elle range et qu'elle fait le portrait de ses deux maîtresses, elle entend une voiture entrer dans la cour. Ce sont les deux amis de province qui arrivent. Fernand ne tarde pas à paraître. A son dernier voyage, il a engagé Lisette à mettre à une loterie. Son numéro, c'est 117, a porté; elle a gagné une belle bague de diamants: Fernand la lui apporte, et reprend le billet de loterie. Tournure neuve, de laquelle l'auteur s'est sûrement beaucoup félicité, et que les galants pourront mettre en usage quand ils voudront faire des présents aux chambrières. Lisette, ayant gagné à la loterie, n'en est que plus disposée à servir Fernand. Celui-ci lui découvre sa passion pour Lucile, la cadette des deux sœurs. Lisette trouverait cette passion très à sa place; mais la résolution du baron de ne marier Lucile que lorsque sa sœur sera établie lui paraît un obstacle d'autant plus insurmontable que les adorateurs de Zélie ont tous quitté la partie..

Lucile survient, et Lisette, pour sonder ses dispositions à l'égard de Fernand, lui fait accroire que celui-ci vient pour épouser sa sœur. Cela donne de l'humeur à lajeune personne. Elle en a pour la première fois, preuve certaine que son cœur est touché par

Fernand. Zélie, qui a toujours de l'humeur, paraît, renvoie sa petite sœur étudier son clavecin. La petite se révolte. Cela occasionne une petite querelle entre les deux sœurs d'une insipidité délicieuse. Le papa paraît pour mettre le holà. Il ne veut pas qu'on afflige sa cadette. Il la renvoie en bon homme qu'il est. Il prie ensuite son aînée d'assurer le bonheur de ses vieux jours en choisissant un époux, Zélie prétend que rien ne presse. Cela engage une conversation d'une longueur et d'un piquant qui font bâiller toute la salle à la fois.

Zélie se retire sans rien promettre, Fernand s'avance pour s'ouvrir à M. le baron, et pour lui demander Lucile en mariage. M. le baron aime tendrement ce Fernand, il aime aussi bien Lucile; mais il exhorte Fernand, en se retirant, d'épouser Zélie, afin que Lucile puisse être mariée à son tour.

Les deux amants se découvrent leurs sentiments, qui ne sont que trop d'accord; mais si Fernand se croit le plus heureux des hommes d'avoir touché le cœur de Lucile, il n'en est pas plus avancé; et Lisette, présente à cet entretien et consultée, ne trouve aucun moyen de faire consentir M. le baron à ce mariage.

Fernand reste seul dans cette perplexité, que son ami Melcour vient augmenter encore. Melcour veut repartir sur-le-champ; il a déjà envoyé chercher des chevaux. Il avoue à Fernand que cette prompte résolution est l'effet du dépit; qu'il a pour Zélie la passion la plus décidée dont il ne lui a cependant jamais parlé, mais qu'elle vient encore de le traiter avec tant de hauteur et de dureté qu'il est déterminé à ne jamais revenir en ce château. Fernand lui fait sentir qu'il ne faut pas se désespérer si vite; que les inégalités de Zélie ne viennent que d'une mauvaise éducation, qu'il s'en rendra le maître, et que sa victoire servira à faire deux heureux, puisque le mariage de Fernand avec Lucile en dépend entièrement. Sur cela, il vient une idée à Melcour dont l'exécution se verra au second acte, et dont le succès pourrait dompter l'humeur altière de Zélie. Il va la concerter avec M. le baron, et il nous laisse, ainsi que Fernand, le bec dans l'eau.

Pendant l'entr'acte, on dîne. Après le dîner, Melcour revient au salon. Son projet consiste, en deux mots, à jouer avec Zélie le rôle du plus étourdi et du plus fieffe petit-maître qu'il y ait en France, et à lui dire le plus crûment possible les plus dures

vérités. Étrange manière de se faire aimer d'une femme hautaine et orgueilleuse! Il est un peu embarrassé du début; mais ayant porté sans dessein sa main sur le métier, Lisette fait un cri d'effroi, et l'avertit que Zélie ne peut pas souffrir qu'on touche à son métier. Melcour est enchanté de cette découverte, et le voilà qui se place au métier, et qui se met à y travailler lorsque Zélie entre.

Zélie lui reproche l'audace de toucher à son métier; Melcour s'en moque. Zélie se met en colère; Melcour la raille. Elle veut prendre sa place pour travailler; Melcour dit qu'elle n'a qu'à se mettre vis-à-vis de lui. Elle réussit enfin à escamoter à Melcour la place qu'il occupe; alors Melcour prend l'autre vis-à-vis d'elle. Zélie repousse le métier. Melcour consent de n'y plus travailler, et se met à genoux pour lui dire des galanteries. Zélie reprend le métier, se fàche. Plus elle devient furieuse, plus l'autre devient insolent. Il lui fait l'énumération de tous ses défauts, il l'assure que malgré sa beauté elle restera fille toute sa vie; et après lui avoir dit son fait, il se retire et la laisse stupéfaite.

Cette scène, qui est la plus impertinente platitude que j'aie jamais vue, Molé l'a cependant fait, non réussir, mais applaudir par la vivacité et la gentillesse avec laquelle il l'a jouée. Ce pauvre Molé est condamné au métier par les poëtes modernes. L'auteur des Deux Sœurs a visiblement pillé ici la petite comédie du Cercle; on est bien pauvre quand on est réduit à voler ses haillons dans la boutique du fripier Poinsinet.

Zélie étant ainsi tombée subitement amoureuse de Melcour, et à peine encore remise de toutes ses politesses, entend le bruit des chevaux dans la cour. On ne lui cache pas que c'est Melcour qui s'apprête à quitter le château sur-le-champ. Alors la crainte de perdre Melcour pour toujours donne à sa passion naissante une nuance d'humeur et de maussaderie que le parterre n'a pas trouvée aussi piquante que l'auteur l'aurait désiré. Elle prétend que ce départ précipité est choquant, que Melcour manque à son père. Elle court dans le cabinet de son père pour lui faire sentir qu'il ne doit pas souffrir ce départ, et qu'il faut qu'il s'y oppose de toutes ses forces; mais M. le baron, qui est dans le secret de Melcour, s'est enfermé malicieusement dans son cabinet. Il a défendu que personne n'entre chez lui; il fait sans

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