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Ah, bonnet! ah, bonnet! contre qui je déteste,
(le foulant aux pieds.)

Que puisses-tu crever quelque jour de la peste,
Et que le malheureux de qui je t'ay receu...
Mais le voicy, le traistre.

CARIZEL continue.

MARIN. CARIZEL. MARIN. CARIZEL.

MARIN.
CARIZEL.

SCÈNE V.

MARIN, CARIZEL.

Ah, Sire! malotru.

Suborneur effronté, fourbe, archifourbissime,
Puissiez-vous quelque jour, dans un affreux abisme,
Rencontrer tous les maux qu'en mon juste courroux
Je pourrois aujourd'huy souhaiter contre vous!
Puissiez-vous devenir un rat, et qu'avec joye
D'un chat bien affamé vous deveniez la proye;
Puissiez-vous devenir hybou pour les oyseaux,
Et brebis pour les loups, pendu pour les corbeaux,
Serpent pour la cygogne, ancre pour un vieux cable,
Mouche pour l'araignée, et sergent pour le diable;
Que le diable luy-mesme avec inimitié

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Par lien conjugal vous prenne pour moitié,

« Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble,

Puisse naistre de vous un fils qui vous ressemble 1!
Que diable avez-vous donc à japper contre moy?
Rien, que deux mille coups sur vostre bonne foy.
Comment done?

Ce bonnet qui rendoit invisible,
Morbleu ! m'a-t-il rendu l'omoplate insensible?
Et sur sa bonne foy me fiant trop à vous,
Ne viens-je pas d'avoir cinquante mille coups?
Diablezot!

Diablezot! la chose est trop certaine :
Quatre hommes tour à tour y reprenoient haleine ;
Chacun d'eux à loisir avec un grand sang-froid

il y en a une qui ressemble à celle-là, sinon en ce que le bonnet est remplacé par un onguent. Poinsinet, se croyant invisible, fut roué de coups comme Carizel.

Reproduction, avec une légère variante, de deux vers de Rodogune (V, sc. 4). Ces burlesques imprécations rappellent, comme une parodie, celles que lance Ovide contre son ennemi, dans l'Ibis.

MARIN.

CARIZEL.

M'assénoit lentement un coup qui portoit droit,
Mais si juste et si fort, avec tant de pratique,
Qu'à les voir on eust dit qu'ils battoient en musique.
Moy, les voyant d'abord dedans ce dessein-là,
Je me suis affublé du bonnet que voilà ;
Et me fiant à vous et sur cette coiffure,
J'ay mis de bonne foy mon dos à l'avanture.
Hé quoy! l'on vous a veu?

J'ay cru que non d'abord;
Mais me sentant frapper et si juste et si fort,
Je me suis bien douté qu'il étoit impossible
Qu'aux yeux de ces frappeurs je devinsse invisible.
Peste! quelque brutal nous aura tout gasté !
(Haut.) Le bonnet, l'aviez-vous tourné du bon costé?
Comment du bon costé? je l'ay mis sur ma teste.
Comment?

MARIN, bas.

CARIZEL.

MARIN.

CARIZEL, remettant le bonnet. Comme cela.

MARIN.

CARIZEL.
MARIN.
CARIZEL.
MARIN.

CARIZEL.

MARIN.
CARIZEL.

Fy, morbleu, pauvre beste!
Je ne m'étonne plus si l'on vous a battu :
Ce costé de bonnet n'eut jamais de vertu.
Vous l'avez justement mis sens devant derrière.
Cependant il n'a plus sa qualité première,
Et vous l'avez souillé par vos emportemens;
Mais nous aurons recours à nos enchantemens,
Par la grande vertu de quelque vers en prose...
Et comment? les costez y font donc quelque chose?
Vous moquez-vous? c'est tout.

Je ne le sçavois pas.
Je m'en vais invoquer des ombres de là-bas ;
Retirez-vous.

O mal! cruelle jalousie!

Jusques à quand veux-tu troubler ma fantaisie?
Après que Marin a fait toutes les postures et gri-
maces magiques, un pupitre paroist porté par
trois figures grotesques, qui préludent par Bondi
Cariselli, et après que le trio a dit une fois
Bondi Cariselli,

Ils vous disent bonjour, répondez donc.

A moy?

Vous avez quelque effroy !

Bonjour done, Messieurs.

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CONTEMP. DE MOLIÈRE.

- 1.

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CARIZEL..
MARIN.

Qu'ils ont, à ma prière,

Remply vostre bonnet de sa vertu première.
Tant mieux.

Et qu'il aura toute sa faculté,

Pourveu que vous l'ayez tousjours de ce costé.
Vous pouvez le reprendre avec pleine asseurance,
Puisqu'il est revestu de toute sa puissance.

Adieu. (Bas.) Quant au bonnet, je m'en vais hasarder
Par sa servante mesme à l'en persuader.

SCÈNE VI.

CARIZEL seul. Enfin donc te voilà, bonnet en qui j'espère,
Cher bonnet, à mes vœux tantost si peu prospère,
Répare le défaut d'invisibilité,

Et dans l'occasion mets-toy du bon costé;
Fais-moy voir si j'ay tort de soupçonner ma femme,
Détourne, cher bonnet, ces chagrins de mon ame;
Mais s'ils sont bien fondés, fais-les moy voir aussi,
Et qu'avec vérité je puisse estre éclaircy.

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Mais voicy quelqu'un bon, c'est Lucette elle-mesme.

Ce morceau, dont la musique figure dans l'édition originale, porte pour titre : Trio italien burlesque, composé par le sieur Cambert, maistre de la musique de la feuë reyne-mère.- Robert Cambert (1628-77) fut le premier musicien français qui composa un opéra, du moins à Paris, (la Pastorale d'Issy, paroles de l'abbé Perrin, 1659). Il quitta la France en 1673, victime des intrigues de Lully, et mourut en Angleterre, maitre de chapelle de Charles II. On a souvent attribué la musique de ce trio Lully.

SCÈNE VII.

CARIZEL, LUCETTE.

LUCETTE, bas. Achevons, s'il se peut, un si beau stratagème.
Puisque c'est elle, il faut essayer du bonnet,

CARIZEL.

LUCETTE.

Pour en estre plus seur, et la force et l'effet.
Monsieur, on vous attend pour souper, et la nappe...
(Carizel met le bonnet, et Lucette feint de ne le plus
voir.)

Hé bien, ce loup-garou, voyez comme il s'échappe ! Depuis un certain temps il devient si bourru... CARIZEL, bas. Ah! morbleu! je vois bien que je ne suis point veu : L'air dont elle a parlé me le fait trop connoistre.

LUCETTE.

CARIZEL.

LUCETTE.
CARIZEL.

LUCETTE.

CARIZEL.

(Il oste le bonnet.)

La peste soit!... Ah, ah ! l'on vous attend, mon maistre.
Où diantre étiez-vous donc ? vous vouliez vous cacher,
Car vous prenez plaisir à vous faire chercher.
Madame attend, vous dis-je.

Il est fort inutile '.

Dis-luy que pour ce soir je vais souper en ville;
Adieu, rentre.

Mais quoy?...

Mais rentre, dis-je, allons. Vous le diray-je encor? montrez-moy les talons. Passez viste, qu'on soupe; allez donc, la lorgneuse. Eh bien, j'y vais, Monsieur.

Comme elle va, la gueuse!

LUCETTE, à part. La fourbe réussit, mais allons advertir
Sa femme et le marquis qu'il est temps de sortir.

SCENE VIII.

CARIZEL, seul. J'ay des émotions que je ne puis comprendre,
Et je crains de sçavoir ce que je veux apprendre.

Je prends cette leçon dans le texte donné par le Théatre françois, ou Recueil des meilleures pièces de théatre, in-12, 1738, t. VIII. L'édition originale (N. Pépingué, 1666, in-12) ne donne ici qu'un vers incomplet :

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Mais les voicy tous deux; voyons si le bonnet
Tourné du bon costé fera bien son effet.
Écoutons leurs discours.

SCÈNE IX ET DERNIÈRE'.

LE MARQUIS, ISABELLE, CARIZEL.

LE MARQUIS, bas à Isabelle. Bon, l'heure est opportune.

(Haut.) Quel obstacle, Madame, à ma bonne fortune! . Carizel est jaloux! Carizel craint de moy

Que je vous sollicite à luy manquer de foy!

Moy, qui jamais pour vous n'eus qu'une estime pure,
Je me vois soupçonné vers luy de cette injure,
Et les civilitez que j'ay pu mettre au jour,

Une amitié sincère a passé pour amour!

CARIZEL, bas. Bon, bon, le compagnon est dessus mon chapitre.
LE MARQUIS. Mais, Madame, entre nous je vous en fais l'arbitre :
Vous ay-je témoigné par mille et mille vœux

Que mon cœur fut sensible à l'éclat de vos yeux ?
Avez-vous quelquesfois remarqué dans mon ame
Les ardens mouvemens d'une secrète flamme?

Je sçais que vostre sexe a de la vanité,

Mais répondez, Madame, avec sincérité :

Si Carizel jaloux s'emporte à quelque ombrage,

Je veux justifier un soupçon qui l'outrage,

Et bannir le chagrin qui l'a préoccupé.

CARIZEL pendant ce temps-là passe et repasse devant le marquis et sa femme, croyant n'estre point veu, tandis qu'ils feignent aussi de ne le pas voir.

L'honneste homme! morbleu, je m'étois bien trompé !

LE MARQUIS. Madame, parlez donc, et me rendez justice.

ISABELLE.

Ne faut-il pas donner quelque chose au caprice?

Il est vray que le bruit couroit légèrement
Que vous me voviez moins en amy qu'en amant,
Et l'affectation que vous faites parestre

A nous suivre par tout l'a confirmé peut-estre.

CARIZEL bas. Elle s'explique bien.

C'est la 6 seulement, dans l'édition originale.

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