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maque avec un égal nombre d'Etoliens s'étoient jettez, celuilà fur le païs des Mefféniens, & celui-ci fur la Theffalie. Sur quoi les Acarnaniens & les Mefféniens envoiérent des Ambaffadeurs au Roi. Les Acarnaniens preffoient Philippe de tomber fur l'Etolie, & de faire fans crainte le dégât dans toute la province, qu'il n'y avoit pas de meilleur moien pour empêcher Dorimaque d'entrer dans la Macédoine. Ceux de Mefféne demandoient du fecours, & repréfentoient au Roi que, pendant que les vents Etéfiens fouffloient, en un jour il pafferoit de Céphallénie à Mefféne, que l'on fondroit fur Lycurgue, qui ne s'attendoit à rien moins, & que ce Préteur ne pourroit éviter fa défaite. Ainfi raifonnoit Gorgus leur Ambaffadeur, & Léontius l'appuioit de toutes fes forces; toujours felon les vûes de la conjuration, & pour arrêter le cours des exploits de Philippe. Car il eft vrai qu'il étoit facile de paffer à Mefféne; mais il n'étoit pas poffible d'en revenir tant que les vents Etéfiens fouffleroient d'où il feroit arrivé qu'en fuivant le confeil de Gorgus, le Roi renfermé dans la Meffénie auroit été hors d'état de rien entreprendre de tout le refte de l'été, pendant que les Etoliens parcourant toute la Theffalie & l'Epire, ravageroient ces deux païs fans aucun obstacle. Tels étoient les pernicieux confeils que Gorgus & Léontius donnoient au Roi. Celui d'Aratus. fut tout oppofé. Il dit qu'il falloit marcher vers l'Etolie, & y porter la guerre ; que les Etoliens étoient en expédition, Dorimaque à leur tête, & que par conféquent Philippe seroit le maître de faire dans leur patrie tels ravages qu'il lui plairoit.

Cet avis prévalut. Léontius avoit perdu toute créance auprès de fon Prince, depuis qu'il s'étoit fi lâchement comporté au dernier fiége, & qu'il lui avoit donné de fi mauvais confeils dans cette occafion. Le Roi écrivit à Epérate de lever des Achéens, & d'aller au fecours des Mefféniens, & partant de Céphallénie, il aborda le fecond jour à Leuçade, pendant la nuit. Après avoir tout difpofé à l'Ifthme de Diorycte, on y fit paffer (a) les vaiffeaux. De là il entra

(a) Après avoir tout difpofé à l'Ifthme de Diorycte, on y fit paffer les vaiffeaux.] La pratique de faire rouler les plus grands vailleaux affez loin fur la terre, n'eft pas nouvelle : cela étoit aflez ordinaire chez

les Anciens. Lorfqu'ils transportoient la guerre au-delà des mers, & qu'ils n'avoient point de port pour fe garantir des mauvais tems, ils tiroient tous leurs vaiffeaux ou leurs galéres à fec fur le ri

dans le golfe d'Ambracie, lequel, comme nous avons déja dit, fortant de la mer de Sicicile, pénétre fort avant dans les terres d'Etolie. Il aborda un peu devant le jour à Lim

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vage, qu'ils enfermoient d'un foffe & commodé, jetta l'ancre hors de portée. d'un retranchement. Cela fe voit dans Il étoit réfolu de l'attaquer par mer & Homére au fiége de Troie. Mais fans par terre; mais avant que de prendre remonter fi haut, Céfar en ufa de même ce parti, il voulut s'informer fi l'ennedans fon expédition d'Angleterre. Les mife pouvoit fauver par quelque endroit; Romains comme les Grecs fe fervoient & aiant appris que la chofe n'étoit pas de cette méthode. Les Modernes l'ont pratiquable, il jugea à propos d'envoier très-bien connue, ils ne l'ignorent pas à Naples pour avoir du fecours & des viencore. Lyfandre de Macédoine fit pafler vres, afin d'attaquer les ennemis, qui des vaiffeaux d'un port à l'autre fur des s'étoient fi bien fortifiez, qu'il n'étoit rouleaux. Dion (a) dit que Trajan dans pas poflible de les déloger de ce pofte. fa guerre contre les Parthes, fit tranf- Il falloit être für de fon fait, & les porter fes vaiffeaux par terre fur des bloquer en attendant. Il ne dormoit ni traîneaux de l'Euphrate dans le Tigre. nuit ni jour, car il s'agiffoit de prenDragut, fameux Corfaire, fit plus que dre un Amiral redoutable & toute fa Trajan car fes vaifleaux étoient bien flote. Dragut vit bien que fi le fecours autrement difficiles à tranfporter d'un arrivoit, il feroit emporté infailliblehieu à un autre que ceux des Anciens, ment. Dans ce péril, dit l'Hiftodu moins ceux de Trajan ne devoient,, rien (a), Dragut inventa ce ftratapas être fi grands que ceux dont on fe géme, qu'on n'eût jamais penfé, qui fervoit fur mer, puifqu'ils n'avoient été,, fut d'affembler quantité de Maures de conftruits que pour naviger fur le Tigre,, l'Ile & la chiourme des galéres, & & fur l'Euphrate. Ce Dragut, Amiral,, avec des pics & des hoiaux, il lui fit de la flote Ottomane, avoit en tête An- ,, creufer le canal derrière lui, pour saudré Doria, le plus habile homme de mer ,, ver par-là fes vailleaux; & pour emde fon fiécle. Il y a du plaifir de voir ,, pêcher André Doria de découvrir fon deux rufez Guerriers fe difputer le ter- deflein, il fit jouer continuellement rain. Celui-ci, averti que l'Amiral Turc l'artillerie, & commanda aux Turcs avoit quelque defiein fur la ville d'A-,, qui étoient dans le retranchement de frique, fe mit en devoir de la ravitail- fe découvrir à toute heure. Plus de Ter, dans la crainte du fiége dont elle,, deux mille Maures travaillérent à cet étoit menacée. Chemin failant il apprit,, ouvrage, & firent fi bien qu'en peu que fon ennemi étoit à la Raquette avec,, de tems toute la terre étant baffe de fa flote, & dans le canal d'Alcantara ,, ce côté-là, & fablonneufe, il fe fit dans l'Ile de Gelves. Cette nouvelle lui un canal par où l'on peut traîner les caufa une joie extréme; affûré que s'il vailleaux & les pafler en pleine mer. pouvoit le furprendre en cet endroit,,, Enfin en l'efpace de huit jours qu'il il l'y enfermeroit, fans qu'il pût jamais fut bloqué, l'ouvrage fut fait, & meten fortir, & qu'il l'y brûleroit avec ,, tant enfuite fes galéres fur des routoute fa flote. Il vogue droit aux Gelves, ,, leaux bien graiflez, pour le refte du & trouve qu'on lui avoit dit vrai. Dra-,, chemin qu'il avoit à faire, à l'aide gut furpris d'une avanture fi extraordinaire, & hors d'état de se jetter en pleine mer une partie de fa flote étant defarmée, s'étant remis de fon trouble, eut recours au dernier reméde, qui fut de défendre l'embouchure du canal, d'y faire tranfporter fon canon, de s'y fortifier, & de faire un grand feu fur la flote Chrétienne. Doria s'en voiant in

(a) Dio. p. 784.

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des Maures & de la chiourme, qui les traînoient avec des cables, tandis ,, que d'autres les pouffoient par derriére en grand filence, on les tira à ,, la file l'une après l'autre hors du canal; & les aiant équipées de troupes ,, & d'artillerie, Dragut fortit ainfi par l'autre côté de l'Ifle, & Doria le vit » pris pour dupe..

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(x) Marmol liv. 6. t. 2× 0. 41.

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née, & auffitôt il donna ordre aux foldats de repaître, de se décharger de la plus grande partie de leurs équipages, & de fe tenir prêts à marcher. Pendant ce tems-là il chercha des guides, & s'instruisit à fond de la carte du païs.

Aristophante, Préteur des Acarnaniens, le vint là trouver avec toutes les forces de fa province. Ces peuples avoient autrefois eu beaucoup à fouffrir des Etoliens, & ne refpiroient que la vengeance. L'arrivée des Macédoniens leur parut une occafion favorable. Tous prirent les armes, & non feulement ceux à qui les loix l'ordonnent, mais encore quelques vieillards. Les Epirotes n'étoient pas moins irritez contre les Etoliens, & ils avoient les mêmes raisons de l'être ; mais comme le païs eft grand, & que Philippe étoit arrivé tout à coup, ils n'eurent le loifir d'affembler leurs troupes à propos. De la part des Etoliens Dorimaque n'avoit pris que la moitié des troupes, il croioit que ç'en feroit affez pour défendre les villes & le plat païs de toute infulte.

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Le foir, Philippe aiant laiffé les équipages fous bonne garde, partit de Limnée, & au bout d'environ foixante ftades il fit halte, pour donner à fon armée le tems de repaître & de fe repofer; puis il marcha toute la nuit, & arriva au point du jour au fleuve Acheloüs, entre Conope & Strate, dans la vûe de fe jetter fubitement & à l'improvifte dans Therme. Léontius vit bien que Philippe viendroit à bout de fon dessein, & que les Etoliens auroient du deffous. Sa conjectute étoit fondée premiérement fur l'arrivée fubite & non attendue de Philippe dans l'Etolie ; & en fecond lieu fur ce que les Etoliens, n'aiant pû foupçonner que Philippe hazardât d'attaquer une place auffi forte que Therme, ils n'avoient ni prévû cette attaque, ni fait les préparatifs néceffaires pour s'en défendre. Ces confidérations jointes à la parole qu'il avoit donnée aux conjurez, lui firent confeiller au Roi de s'arrêter à l'Acheloüs, & d'y donner à fon armée, qui avoit marché toute la nuit, quelque tems pour refpirer : confeil dont le but étoit de procurer aux Etoliens le loifir de fe difposer à la défense. Aratus au contraire, qui fçavoit que l'occafion paffe & s'échape rapidement, & que l'avis de Léontius étoit une trahifon manifeste, conjura Philippe de faifir le moment favorable, & de partir fans délai.

Le Roi déja piqué contre Léontius, fur le champ fe met en marche, paffe l'Acheloüs, va droit à Therme, & fait le dégât

par tout où il paffe. Dans fa route il laiffa à gauche Strate, Aggrinie, Theftie; & à droite Conope, Lyfimachie, Trichonie & Phoetée. Arrivé à Métape, ville fituée à l'entrée du lac de Trichonie, & à près de foixante stades de Therme, il fit entrer cinq cens hommes dans cette place, que les Etoliens avoient abandonnée, & s'en rendit le maître. C'étoit un pofte fort avantageux pour couvrir tout ce qui entroit ou fortoit du détroit qui conduit au lac, parce que les bords de ce lac ne font qu'une chaîne de montagnes efcarpées & couvertes de grands bois, au travers defquels on ne paffe que par un défilé fort étroit. Son armée traversa le défilé, les étrangers à l'avantgarde, enfuite les Illyriens, après eux l'infanterie à rondaches & la phalange, les Crétois faifoient l'arriéregarde ; fur la droite & hors du chemin marchoient les Crétois foutenus des armez à la légére. La gauche étoit couverte du lac pendant près de trente ftades. Au fortir du défilé, il rencontra un bourg appellé Pamphie, où aiant auffi jetté quelque monde, il s'avança vers Therme par un chemin très-âpre & très-difficile, creufé entre des rochers fort efcarpez, de forte qu'on ne peut paffer en quelques endroits fans courir rifque d'y périr. Cependant il y a près de trente ftades à monter. Les Macédoniens franchirent ces précipices en fi peu de tems, qu'il étoit encore grand jour lorfqu'ils arrivérent à Therme. Philippe mit là fon camp, & envoia auffitôt fes troupes piller les villages voifins & la plaine de Therme ; on pilla de même les maifons de la ville, où l'on trouva non feulement du bled & d'autres provifions de bouche, mais encore quantité de meubles précieux. Car comme c'étoit là que les Etoliens chaque année faifoient leurs marchez & leurs affemblées folemnelles, tant pour le culte des Dieux que pour l'élection des Magiftrats, on y apportoit tout ce que l'on avoit de plus riche pour nourrir & recevoir ceux qui y abordoient. Üne autre raison pourquoi il y avoit là tant de richeffles, c'est les Etoliens ne croioient pas pouvoir les mettre en lieu plus fùr. Jamais ennemi n'avoit ofé en approcher, & fa fituation rendoit cette ville fi forte, qu'elle palloit pour la citadelle de toute l'Etolie. La paix profonde, dont on jouiffoit là depuis un tems immémorial, n'avoit pas peu de part à cette grande abondance de biens, dont regorgeoient les maifons bâties proche du Temple & les lieux circonvoisins.

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Excès que commirent les foldats de Philippe dans Therme. Réflexions de Polybe fur ce trifte événement.

A

Près avoir fait pendant cette nuit un butin immense, les Macédoniens tendirent les tentes. Le matin on réfolut d'emporter tout ce qui s'y trouveroit d'un plus grand prix. On amaffa le refte par monceaux à la tête du camp & on y mit le feu. On prit de même les armes qui étoient fufpendues aux galeries du Temple, on mit de côté les meilleures pour s'en fervir au befoin, on en changea quelquesunes, & le refte qui montoit à plus de quinze mille fut réduit en cendres. Jufques-là il n'y avoit rien que de jufte, rien qui ne fût felon les loix de la guerre; mais ce qui fe fit enfuite je ne fçai comment le qualifier. Transportez de fureur par le fouvenir des ravages qu'avoient faits les Etoliens à Die & à Dodone, ils mirent le feu aux galeries, briférent (a) tous les voux qui y étoient appendus, & entre lefquels il y en avoit d'une beauté & d'un prix extraordinaire. On ne se contenta pas de brûler les toîts, on rasa le Temple, les ftatues, dont il y avoit au moins deux mille, furent renversées. On en mit en piéces un grand nombre, on n'épargna que celles qui avoient des infcriptions, ou qui repréfentoient les Dieux. Et on écrivit fur les murailles ce vers célébre, un des premiers fruits de la poëfie de Samus fils de Chryfogone, & qui avoit été élevé avec le Roi.

Voi Dios, c'eft de là que le coup eft parti.

de détruire les Temples, les portiques', les ftatues, & mille autres chofes femblables, puifque leur deftruction ne produit rien, & n'eft pas capable d'affoiblir l'ennemi? Ciceron loue Marcellus dans Grotius (4) de ce,, qu'il épargna tous les édifices de Syracufe, les chofes publiques & particuliéres, les facrées & les profanes, avec autant de foin ,, que s'il fût allé là avec fon armée " pour les défendre, & non pas pour

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(a) Ils mirent le feu aux galeries, briférent tous les vœux qui y étoient appendus. ] Ces confidérations font trèsfages & dignes de mon Auteur. Grotius en a très-bien profité. Rien ne me paroît moins digne d'un courage vraiment grand & magnanime que de faire la guerre de la forte, à moins qu'on ne puille parvenir à la paix que par des,, moiens fi extrémes, & certainement ce ne font pas ceux-là qui peuvent nous y conduire; mais bien plutôt ceux qui nous en éloignent. N'eft-ce pas faire la guerre en furieux & en enragé, que

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(a) Droit de la guer. & de la paix, l. 3. c. 12.

L'horreur

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