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ment et publiquement, hommes ou femmes, ou | présentaient pour le cas même où des poursuites

bien se rendre devant la demeure du directeur, le gratifier d'un ignoble charivari, quand il ne leur prenait pas fantaisie de briser avec des pierres les vitres de ses croisées.

Telles étaient les mœurs sauvages de la province en matière théâtrale, et cela il n'y a pas encore si longtemps. Deux exemples pris au hasard, et accompagnés de preuves, suffiront à prouver que tout ceci n'est empreint d'aucune exagération. Voici ce que disait en 1840 un journal spécial, en rendant compte des débuts qui venaient d'avoir lieu à Toulouse : «... L'opposition a été brutale, désordonnée et de fort mauvaise compagnie vis-à-vis de Mme Raymond; non seulement on n'a pas voulu l'écouter, en la sifflant à outrance, mais encore on lui a jeté à la figure des huées et des vociférations; elle a été en butte aux outrages les plus grossiers, outrages que l'on n'entend que dans les mauvais lieux. Si on exprime son jugement de cette manière, où en sont donc la décence et les égards que l'on doit à une femme, quelle qu'elle soit? Les sifflets suffisaient ici, et ceux qui se permettaient l'insulte et l'outrage se souillaient eux-mêmes en s'adressant à une femme sans défense (1). »

Ceci n'est rien, et le même journal va nous renseigner sur d'autres faits qui se produisaient en même temps à Rouen. Le 19 mai, jour de la réouverture du théâtre et du premier début de la nouvelle troupe (en province, chaque artiste était tenu à effectuer trois débuts, dans trois rôles différents), des scènes scandaleuses s'étaient produites, l'intervention de la garde avait été nécessaire, des arrestations avaient été opérées; la population était très surexcitée: aussi s'attendait-on pour le lendemain à un nouveau tumulte; cela ne pouvait manquer :

Les fautes commises dans la soirée de mardi, disait le chroniqueur, ont porté leurs fruits; pendant toute la journée d'hier, il n'avait été question par toute la ville que de la sévérité inouïe déployée contre deux hommes honorables, traînés au violon entre quatre soldats, sans qu'on ait eu égard ni à leur position bien connue, ni aux garanties qu'ils

(1) Moniteur des Theatres du 16 mai 1840.

ultérieures auraient dû avoir lieu : on n'avait parlé que de citations en police municipale données, pour ce matin, à cinq ou six jeunes gens de la ville. Les têtes s'étaient montées, les partis avaient eu le temps de se former, et à l'agitation qui régnait aux environs du théâtre longtemps avant l'heure de la représentation, aux colloques animés qui s'établissaient de toutes parts, il était facile de prévoir une soirée des plus orageuses. Aussi, la police avait-elle pris ses précautions, la garde municipale était au grand complet, les postes renforcés, et le parterre rempli d'agents dont la dextérité à pousser à la porte les spectateurs turbulents est depuis longtemps passée en proverbe.

Au lever du rideau, chacun était à son poste et le tapage a commencé. Les sifflets se sont fait entendre: des voix nombreuses ont appelé le régisseur. Alors le commissaire de police a pris la parole, d'abord pour prévenir que les interrupteurs seraient immédiatement expulsés de la salle, et puis ensuite pour apprendre au public que les règlements ne permettaient pas au régisseur de paraître sur la scène lorsqu'il était demandé par les spectateurs. Donc, le régisseur n'a pas paru, à cet instant du

moins. L'entrée en scène de Mme Hébert a ramené quelque calme; son air a été vivement applaudi, et le premier acte s'est terminé sans autre incident que quelques bordées de sifflets distribuées à un deuxième ténor du nom de Legaigneur, engagé provisoirement pour quelques représentations.

Au commencement du troisième acte, le régisseur, au grand étonnement du public, qui n'a pas trop compris cette élasticité du règlement de police, a paru sur la scène pour annoncer que, Mme Hébert ne sachant pas le duo, ce morceau ne serait pas chanté. Cet incident n'était pas de nature à apaiser l'irritation; les sifflets ont recommencé de plus belle, et c'est au milieu de ce tapage infernal que M. Grosseth a chanté les premières mesures de

sa barcarolle.

Il fallait une victime pour cette soirée, et notre nouveau ténor était condamné à l'avance; tous étaient là, le sifflet aux lèvres, attendant un écart pour consommer le sacrifice. Que voulez-vous que devienne un malheureux chanteur dans cette pénible position? Sa poitrine se resserre, son gosier se dessèche, tous ses calculs, toutes ses combinaisons, tous ses effets sont bouleversés, et le public, qui ne demande qu'un prétexte, trouve bien vite à satisfaire sa mauvaise humeur. Ainsi est-il advenu de M. Grosseth; chuté, sifflé, hué avec un acharnement sans exemple, il a dû faire annoncer que de ce moment il renonçait à son engagement, mais

DÉCADIER.

DÉCENTRALISATION ARTISTIQUE.

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que pourtant il consentait encore à terminer cette | leure cause. «En Allemagne, disent-ils, en représentation.

Ce qui s'est passé ensuite est un grand sujet de honte pour les spectateurs; ils ont oublié toutes les convenances, et cet artiste, qui ne jouait plus que par complaisance, et dont ils avaient déjà

brisé l'avenir, ils l'ont abreuvé d'humiliations et maltraité sans mesure et sans pitié. Devant de semblables manifestations, M. Grosseth n'avait plus qu'à se retirer, il a quitté la scène et le rideau est tombé. Bientôt après, la force armée a pénétré dans le parterre et la salle a été évacuée. Alors de nombreux rassemblements se sont formés dans les rues adjacentes au théâtre; les cris: chez Nicolo! se sont bientôt fait entendre, et deux cents personnes environ se sont portées vers la demeure du directeur (1). Il s'agissait d'un charivari. A part bon nombre de curieux et d'oisifs, cette troupe

hurlante nous a paru fort misérablement composée; nous n'y avons guère trouvé que de ces figures qui courent après toutes les occasions de trouble et de désordre. La force publique, accourue en toute hâte sur les lieux, a promptement fait évacuer la place (2).

:

Italie, il n'existe point un centre artistique égoïste et omnipotent comme Paris, les auteurs, les compositeurs trouvent le moyen de faire représenter leurs œuvres dans des villes autres que la capitale, et cela leur donne plus de facilité pour se présenter au public. >> Mais en France il y a deux raisons pour que ce fait ne puisse se produire avec quelque chance de succès d'une part, c'est que Paris est une ville immense, qui attire à elle tout ce que la province possède d'esprits ambitieux, bien doués au point de vue de l'art, désireux de parvenir, qui savent que c'est là seulement qu'on acquiert la notoriété, la réputation, la célébrité; Paris attire forcément à lui toutes les forces vives du pays, il n'est point aux mains des seuls Parisiens, mais de tous ceux qui ont assez de courage pour combattre, assez de persévérance pour lutter, assez de génie pour vaincre; est-ce que tous nos grands hommes de théâtre, soit écrivains, soit musiciens, sont Parisiens de naissance? Point. Corneille, Racine, Crébillon, Le Sage, Piron, Étienne, Andrieux, Casimir Delavigne, Ponsard, Campra, Rameau, PhiliFélicien David, étaient de simples provinciaux, dor, Monsigny, Dalayrac, Boieldieu, Berlioz, tout comme MM. Émile Augier, Victor Hugo, Ambroise Thomas, Reyer, Massenet, Delibes, et bien d'autres. Donc, Paris ne tue pas la province; elle l'accapare, voilà tout, au profit

de la nation entière.

En lisant les récits de pareilles scènes, on ne sait trop ce qu'il faut le plus admirer, de l'imbecillité, de la grossièreté ou de la lâcheté de ceux qui en étaient les auteurs. Eh bien, cela ceux qui en étaient les auteurs. Eh bien, cela se renouvelait tous les ans, dans la plupart de nos villes de province, en France, au dix-neuvième siècle, chez le peuple qui se dit avec quelque raison le plus doux et le plus policé de la terre!... Tout cela n'est plus, fort heureusement, et, à part quelques exceptions qui se font de plus en plus rares, Une autre raison, qui rend la décentralisation il n'en reste que le souvenir. En province, comme à Paris, les je ne dirai pas impossible (car elle existe jusdébuts s'effectuent généralement aujourd'hui qu'à un certain point), mais inefficace en de la façon la plus paisible, et il semble que tements, au profit desquelles elle pourrait s'oFrance, c'est que les grandes villes des déparle sifflet lui-même ait complètement disparutements, au profit desquelles elle pourrait s'odes coutumes naguère si bruyantes de nos sce- pérer, n'acceptent, tout en jalousant Paris, nes départementales. que ce qui a vu le jour à Paris. Que, par impossible, une grande œuvre se produise à Lyon, il lui sera bien difficile de s'établir à Marseille; qu'elle voie le jour à Bordeaux, elle aura grand'peine à réussir à Rouen; et cela parce que nos centres provinciaux, envieux les uns des autres, s'ils subissent en frémissant la suprématie de Paris, l'acceptent néanmoins, tandis qu'ils n'admettent jamais la supériorité de l'un d'entre eux sur les autres. Voilà pourquoi nous pensons que la décentralisation artistique restera tou

DÉCADIER.

Voy. SEMAINIER.

DECENTRALISATION ARTISTIQUE. C'est, en France, un mot un peu vide de sens, auquel certains esprits généreux s'attachent avec une obstination digne d'une meil

(1) Nicolo Isouard, frère du compositeur célèbre. (2) Moniteur des Théâtres du 27 mai 1840.

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DÉCLAMATION.

DÉCOR, DÉCORATION.

jours en France à l'état de chimère généreuse; | avec emphase; donc, l'art de la déclamation est de

parler comme on ne parle pas. D'ailleurs, il me paraît bizarre d'employer, pour désigner un art, un la critique. Je serais fort embarrassé d'y substiterme dont on se sert en même temps pour en faire la critique. Je serais fort embarrassé d'y substi

ce qui n'empêchera pas que chaque années comme cela se voit depuis cinquante ou soixante ans, il ne se produise régulièrement en province trente ou quarante ouvrages dramatiques plus ou moins importants, d'une valeur géné-gédie donne plutôt l'idée d'un amusement que d'un ralement médiocre, et qui tombent dans l'oubli aussitôt qu'ils ont vu le jour.

pre

tuer une expression plus convenable. Jouer la traart; dire la tragédie me paraît une locution froide, et me semble n'exprimer que le simple débit sans action. Les Anglais se servent de plusieurs termes qui rendent mieux l'idée : to perform tragedy, exécuter la tragédie; to act a part, agir un rôle. Nous avons bien le substantif acteur, mais nous n'avons

pas le verbe qui devrait rendre l'idée de mettre en action, agir.

DÉCLAMATION MUSICALE.

Ce

Au point de vue historique, l'exemple le plus intéressant de décentralisation artistique que l'on puisse signaler en France est assurément celui qui se rapporte à l'Étourdi, la mière comédie de Molière digne de ce nom, que le grand homme fit représenter à Lyon en 1653, et au Dépit amoureux, qu'il donna à Montpellier l'année suivante, avant de les produire à Paris, où il ne revint qu'en 1658. Quelques années plus tard, Corneille donnait aussi en province, au Neubourg, en Normandie, une de ses grandes pièces à machines, la Toison d'or; mais ceci ne saurait passer absolument pour de la décentralisation; car la Toison d'or était représentée non sur un théâtre public, mais chez un particulier, un grand seigneur opulent, le marquis de Sourdéac, qui don-trante selon qu'il s'agit de peindre la passion nait ce régal à ses nombreux amis.

DÉCLAMATION.- La déclamation, dont le principe se rattache au débit scénique de la tragédie, présente à l'esprit une idée d'emphase et d'exagération, de pompe et de boursouflure, qui fait immédiatement naître la critique de ce procédé de récitation. Aussi, fort en honneur dans un temps, la déclamation, qui ne représente guère autre chose qu'une espèce de chant parlé et scandé d'une façon excessive, est-elle remplacée aujourd'hui par un débit beaucoup plus naturel et plus vrai. Voici ce qu'on lit, au sujet de la déclamation, dans les Mémoires de Talma :

C'est peut-être ici le lieu de relever l'impropriété du mot déclamation, dont on se sert pour exprimer l'art du comédien. Ce terme, qui semble désigner autre chose que le débit naturel, qui porte avec lui l'idée d'une certaine énonciation de convention, et dont l'emploi remonte probablement à l'époque où la tragédie était en effet chantée, a souvent donné une fausse direction aux études des jeunes acteurs. En effet, déclamer, c'est parler

qu'on appelle déclamation musicale s'applique non à la façon de chanter un air, mais au débit et à l'articulation du récitatif. Une bonne déclamation musicale exige la réunion des qualités du comédien à celles du chanteur proprement dit : une articulation nette et précise, un débit naturel et aisé, un grand sentiment scénique et dramatique, une expression ardente ou péné

ou la tendresse, le don de l'émotion communicative, enfin la fusion de ces diverses qualités dans un grand sentiment musical qui en décuple la force et la porte à son extrême puissance. Parmi ceux des artistes français qui se sont fait remarquer par l'excellence de leur déclamation musicale, il faut citer surtout Sophie Arnould, Mile Levasseur, Mme Saint-Huberty, Mme Scio, Mme Branchu, Mile Falcon, Lays, Adolphe Nourrit, et plus récemment M. Duprez, Mme Viardot, Me Krauss.

Bien que

DÉCOR, DÉCORATION. tous deux se tiennent de fort près, on ne doit pas confondre d'une façon absolue le décor et la décoration. Tout ce qui est ferme, châssis, rideau, toile flottante ou appliquée, tout ce qui présente une surface peinte, appartient en propre au décor proprement dit. La décoration comprend un ensemble plus vaste encore, car elle s'étend jusqu'au mobilier et aux accessoires; une table, un lustre, une panoplie, un tableau, ne forment point des parties de décor, et concourent pourtant à la décoration. On voit

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