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veiller fur l'innocence, charge une légion d'Anges fecourables de veiller fur cette jeune Beauté. L'homme pieux voit fouvent briller fur la cîme d'une montagne, les chariots d'or de cette armée angélique. Il voit l'air couvert de boucliers & d'armes éclatantes qui font la fureté des âmes innocentes. Ces Anges confervateurs s'avancent par légions: la Terreur effrayante marche d'un pas rapide à la tête de leur avantgarde. Elle frappe l'impie de terreur, fon cœur frémit & il fuit avec trouble; tandis que le jufte marche courageusement à travers les ténèbres fous la protection de la garde angélique. Il tâche d'abréger la longueur de fon chemin par des chants confolants: il arrive enfin fort heufement au lieu de fa demeure, où fa femme, qui l'attendoit avec impatience, l'embrasse tendrement, ainsi que fes jeunes enfants qui fautent en bégayant autour de lui.

Jamais la Nuit ne gouverne avec un fcèptre plus dur que lorfqu'elle eft affociée à l'Hiver nébuleux. C'est dans cette partie de l'année qu'elle étend fon règne fur les deux tiers de la journée; c'est pendant ces nuits ténébreuses

que les verfent leur urne fur la terre. Des les orages brouillards impénétrables à la vue s'élèvent jufqu'au Ciel. Les étoiles tremblantes difparoiffent aux yeux, même au verre observateur qui les cherche, & les rayons lumineux que jettent les cornes de la Lune ne peuvent percer à tra vers les exhalaifons humides. Les eaux devienneut de moment en moment plus abondantes & plus rapides; bientôt, tout eft couvert d'eau, dont les flots écumants roulent & fe précipitent avec fracas du haut des monts escarpés, puis s'écoulent dans les plaines qui font couvertes de neige. Elles font, en tombant, un bruit encore plus terrible que celui des vagues de la mer. Les fapins arrachés à leurs racines, roulent avec les flots écumants, & les neiges entraînées viennent auffi groffir les torrents rapides qui enlèvent fouvent avec eux des quartiers de rocs. Les collines, les fentiers, les ponts, tout eft englouti par les ravines violentes; l'horreur & le danger habitent près de cette onde rebelle. Un friffon fubit s'empare du Voyageur qui entend avec effroi le torrent enflé qui court devant lui; il fent fon cheval

épouvanté

épouvanté qui recule. Frappé d'un noir preffentiment, & averti par fon Ange gardien, il retient fon cheval qui eft tout hors d'haleine; il prête, pendant quelques inftants, une oreille attentive à l'orage féditieux qui le mouille & le pénètré, puis armant fon cœur de couragé & fe fiant à la connoiffance qu'il a des che mins, il fe jette aveuglément dans le précipice les flots l'ont bientôt englouti....... Ils entrainent le Cavalier & le cheval qui s'efforce en vain de fauver fon maître; ils font tous deux confondus avec tout ce que le torrent entraîne: L'Ange, dont les efforts ont été vains & inutiles, fe retire en foupirant, & le corps du Voyageur eft jetté au loin fur des bords étran gers. Sa femme paffe toute la nuit à l'attendre & à gémir. L'obscurité & l'orage ne peuvent l'empêcher de fixer les yeux fur le chemin lequel il doit revenir; mais c'eft bien inutilement plufieurs jours triftes s'écoulent avant quelle reçoive le cruel avis de la fin de cet époux qu'elle regardoit comme fon unique ap pui & fa confolation.

:

par

La Nuit eft moins terrible, quand les forêts,

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les ruiffeaux & les chemins s'endurciffent fous la gelée, & quand mille petites étoiles & autant de paillettes brillent pendant un beau clair de Lune. C'eft alors que les Aftres fufpendus au milieu du Ciel le plus pur, éclairent le Voyageur; la neige retentit fous fes pas, vent piquant du Nord favorise fa marche & le pouffe vers le lieu de fa destination. Les ruiffeaux fe la roue du moulin tourne

prennent,

enchaînée

par

le

la

plus lentement jusqu'à fon dernier tour, après lequel elle refte immobile, glace; des faisceaux d'aiguilles de crystal sont fufpendus à ses rayons; la pouffière nîtrée s'attache auffi aux arbres de la forêt, leurs branches s'ornent d'une parure brillante; & tout eft décoré le matin d'un blanc éblouiffant.

Mais, ma Mufe, pourrois-tu oublier les Nuits agréables que le Printems & l'Eté nous donnent? Lorsque la Nature toute en fleurs préfente un paradis délicieux, le plus chétif buiffon exhale auffi fon odeur; on respire un air rafraîchissant, & parfumé des plus balfamiodeurs. Le roffignol, par les fons les plus tendres, porte dans nos âmes des raviffe

ques

ments qu'elle n'éprouve jamais ailleurs. Un beau Ciel, parfemé de rubis & d'Astres brillants, nous éclaire pour jouir de toutes ces voluptés. Peut-on, pendant de fi belles Nuits s'abandonner au fommeil? Ne defire-t-on pas au contraire que les heures qui s'envolent fi rapidement, retardent leur courfe pour prolonger nos plaifirs? Le Voyageur qui jouit de ce fpectacle, ådmire la Terre devenue alors un jardin délicieux; il préfère de bon cœur, la douce ob⚫ fcurité de ces Nuits à la brûlante & fatigante chaleur du Jour. Combien eft heureux celui qui, dans fa propre maison ornée de jardins étendus, profite autant qu'il lui plaît de ces agréables Nuits! Il fe promène dans fes allées touffues ou derrière une charmille épaiffe, tandis que les Aftres éclairent fes parteres fleuris. Des feux céleftes s'allument rapidement fur la tête, & menacent de s'élancer jusqu'à terre; mais ils s'éteignent bientôt, & dans leur chûte, ils imitent le jeu des feux d'artifice. L'âme ranimée par le fpectacle de la Nature pleine de charmes, n'en devient que plus propre à se livrer aux méditations profondes & aux fati

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