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brouillards humides. La Nuit ne penfe plus à quitter fon scèptre; il femble qu'elle marche plus lentement & qu'elle ne fait place qu'à regrèt aut Soleil du matin, qui ne darde plus que des rayons obliques & entrecoupés, à travers les brouillards tendus comme un voile autour de l'hémisphère. Il ne jette plus qu'un regard foible fur les prairies couvèrtes de neige & fur les bois folitaires qui, dépouillés de leurs ornemens, restent toute la journée enfevelis dans des ombres bleuâtres. C'est alors que le gibier, loin de découvrir le falpêtre à l'odorat, vient se présenter à l'affut du chasseur, & que les grives pouffées par la faim, viennent fe précipiter dans les filets, ou tomber dans les piéges qui les attendent. Oh! quel triste spectacle de voir ces animaux malheureux, fufpendus aux mêmes buiffons, où ils étoient venus tant de fois chanter le retour du Dieu du Jour! Le vautour raviffant contemple cette proie & la dévore d'avance mais le crin tranchant l'arrête, il est lui-même mis au rang des morts; & le chaffeur l'attache comme un trophée aux portes du château de fon Seigneur. Dans ces jours, courts, froids & obfcurs, le campagnard oifif dort jusqu'aux ap

proches du Midi; mais fa femme laborieuse allume fa lampe pour allonger labriéveté du jour : puis elle rôde par la maifon, elle appelle fes filles au travail, enfuite elle prépare le déjeûner de fes fils qui fe difpofent avec peine à reprendre le chemin de l'école, épouvantés qu'ils font par l'affreufe quantité de neige qui eft tombée pendant la nuit. La flutte du berger amoureux ne fait plus retentir la vallée; les troupeaux, couchés dans l'herbe, au fein de l'étable fermée, dreffent les oreilles au fracas des Vents mutinés qui foufflent impétueufement fur le toît, & frémiffent autour des portes. Le rapide ruiffeau eft arrêté, l'enfant fans expérience est tout furpris de le voir à fon réveil transformé en un crystal folide; il s'effaye d'un pied gliffant à marcher fur la surface des eaux durcies, jufqu'à ce qu'une chûte rapide lui en ait appris le danger. Dans ces jours fi affreux, la solitaire & prudente fourmi ne quitte pas fa retraite pour fatisfaire aux befoins de fa vie, elle fe nourrit abondamment du fruit de fes travaux & de fes épargnes mais le corbeau qui n'amasse rien, abandonne les champs durcis & couverts de neige, pour venir chercher fa nourriture à l'abri de

la maifon du fermier; quelquefois on le voit errer entre les poules & les pigeons qui, furpris de fa figure, le poursuivent à coups de bec; vaine menace, cet ennemi ne les craint gueres, & ils font fort heureux fi aucun d'eux ne devient la proie d'un tel compagnon. Mais, ô ma Mufe! dois - tu t'arrêter fur des objets fi triftes, tandis que tu peux peindre les charmes de la Matinée du Printems fleuri & de l'Eté doré, fans pour cela quitter les campagnes pittorefques, puifque tout dort encore dans les villes?

J'apperçois, au loin, des fenêtres étincelantes qui brillent au milieu de la prairie, des tours hautes & furmontées de girouettes s'élevent dans l'air, tout m'annonce la demeure du Seigneur du village tranquille. Les jeunes chevaux de fes attelages fortent en bondiffant pour fe répandre dans la verte vallée. Déja même la jeune Dame du château, dans un appareil négligé, paroît fur les balcons elle vient de s'arracher des bras de fon époux pour voir paffer fous fes yeux les nom.. breux troupeaux qu'elle poffede; fa vue anime toute la baffe - cour, & fa préfence encourage au travail les plus, pareffeux, Elle ne regarde pas,

comme indigne d'elle & de fon rang, le foin de veiller aux travaux des femmes de fa maison, de préfider aux provifions de lait, & d'ordonner l'ouvrage du jardin. Elle appelle elle-même, du haut de fes pavillons, les troupes difperfées de fes nombreufes volières; elles fe raffemblent à la voix de leur bienfaitrice qui, d'une main libérale, les arrofe d'une pluie de grains d'or. Ravie du plaisiṛ que lui ont donné ces innocens animaux, elle retourne au lit de fon époux, d'où le Jour n'a pas encore chaffé le Sommeil, elle fe courbe fur fon vifage & refte dans une extafe filentieufe, elle baife légerement fa bouche vermeille où les Songes riants retracent l'expreffion du Plaifir; elle apporte dans fes bras un jeune enfant le premier fruit de leur amour; &, le couchant malicieusement à côté de fon époux qui fommeille, elle se cache derrière le rideau pour jouir de la plus tendre fcène. L'enfant bégayant des mots à demi articulés, entortille fes bras careffants autour du col de fon par des baifers redou

pere, & l'éveille blés, & par fon joli babil.

L'époux cherche à tâ

tons celle qui s'endormit dans fes bras, &, fi c'eft en vain, il trouve près de lui le tendre re

yeux atten

jetton qui fait déja l'espoir de fa famille. Il presse fon jeune fils contre fon fein, & fes dris fe plaisent à découvrir dans ses foibles traits l'image touchante des graces de fa mere. Celle ci ne pouvant plus contenir fa joie, s'élance à travers les rideaux, & enleve fon jeune fils en laiffant couler quelques larmes délicieuses de fon œil amoureux. Cependant l'époux fe leve, &, légerement habillé, va goûter la fraîcheur de la rofée fous des berceaux fleuris où fa tendre épouse ne tarde pas à fe rendre. C'est de-là qu'ils aiment à s'égarer dans un parterre garni de tapis émaillés de fleurs; c'est parmi des entretiens que le spectacle de la Nature affaifonne d'une pure volupté, qu'ils voient le Soleil monter fur l'horifon. L'époux détache une rose de sa branche épineuse, & la présente en souriant à fa jeune épouse auffi que le Matin : elle en décore fon fein palpielle s'appuie avec langueur contre fon bienaimé, & fon filence exprime l'amour & la pudeur. Oh, que fon vifage devient fombre ! lorfque des foins économiques appellent au loin cet époux vigilant pour préfider aux travaux de la campagne. Alors, il monte fur un courfier vi

belle

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