pentant forme des couronnes qui pendent fur fa tête. C'est là que, le crayon à la main, il deffine les tableaux variés, que la Nature étale fucceffivement à fes yeux; c'eft de-là que fon imagination s'élance fur les montagnes dont la cîme eft perdue dans les nuages, ou qu'elle descend dans les cavernes les plus profondes de la terre, où la Nature forme les précieux cryftaux & les pierres marbrées ; c'est de-là que fon cœur s'émeut & s'attendrit aux plaintes de la tourterelle & au chant du roffignol; & que, réfléchiffant fur l'ancien état de fon âme, il verfe des larmes de joie, en goûtant le bonheur de fa félicité préfente. O vous! qui fleurissez encore au matin de la vie; vous, dont les Graces riantes de l'efprit ne font les fombres nuages pas encore éteintes par de l'Ambition & de l'Avarice; vous, chez qui le cortège des Soucis & des Projets n'a pas encore chaffé l'aimable fociété des Mufes, ne laiffez fuir des heures trop rapides fans orner votre efprit des tréfors de la Sagesse & votre mémoire des images gracieufes que les Poëtes, infpirés par les Mufes, vous ont libéralement laiffées; que pas votre âme embellie par l'étude de la Nature & l'hiftoire des belles actions, fe rempliffe chaque jour de fentiments héroïques & du célefte enthousiasme de la Vertu, afin que vous puissiez un jour réfifter aux féductions de l'exemple, aux revers de la Fortune & au déchaînement de la méchanceté. Avec ce tréfor, vous ferez riche, quoique privé des dons de la Fortune; &, fans les reffources du Génie & du Sentiment, vous ferez pauvre au milieu des tréfors immenfes, & feul au milieu du grand monde. Daignez auffi, Beautés oifives, daignez au moins partager les heures de la Matinée entre la toilette & la lecture; gravez de bonne heure dans vos tendres cœurs, les chants immortels où l'on célèbre le triomphe de la Vertu. Souffrez que l'Hiftoire officieuse vous préfente à la fois, & le tableau du cœur humain, & les annales des tems. Que le roman infipide foit banni loin de vous, ainfi que ces livres qui enfeignent le rafinement d'un amour ou plutôt d'une débauche déshonorante; votre cœur est trop délicat pour fe plaire dans le vice. Mais, fi le goût des Mufes eft né dans votre âme, gardez-vous qu'un orgueil pé dantefque les aviliffe aux yeux de vos compagnes; fachez unir le crayon à l'éguille, employez votre efprit à le cacher; & laiffez croire à vos rivales. qu'elles en ont plus que vous, fi vous voulez vous en faire des amies. Parlez le langage du fentiment & de la tendreffe, comme fi vous n'aviez jamais lû les Poëtes Surtout, laiffez aux hommes courir la périlleuse carrière des Auteurs, l'Envie eft affez irritée de vos charmes & de vos graces. N'aiguifez pas la fatyre contre vos talents; car l'efprit ne fait pas moins de jaloux que la beauté, & la rivalité des écrivains n'eft pas moins dangereufe que celle des femmes. Craignez auffi que la coquetterie ne s'empare de votre cœur : vous feriez perdues alors; ce monftre eft le plus dangereux ennemi de l'innocence; il trahit cruellement les Belles qui le reçoivent, & la Vanité, qui le fuit, fait qu'elles dédaignent fecrettement leurs plus fages Amants. Mais, ô revers funeste! .... Un Soupirant obstiné triomphe enfin des rigueurs de la belle Coquette, & chante quelques inftants le bonheur qu'il croit trouver dans fa poffeffion. Tous deux enivrés, ils fe croient heureux, cependant le charme fe diffipe, le fonge dif paroît, & l'Amour fe vange. Il rappelle à l'Amant, la vanité, l'inconftance, & la diffimulation de fa Belle; il la quitte, & livre fon cœur au remord & au défefpoir que lui donne l'accablante idée d'être pour toujours abandonnée. Prévenue de ces écueils dangereux, & trop fage pour céder aux preftiges de la Vanité faites donc que votre émulation se dispofe à faire le bonheur de l'Epoux que le Ciel vous deftine, & à conduire vos enfants dans le chemin de la Sageffe & de la Vertu. Alors les graces de votre figure, les charmes. de vos beaux yeux & les boucles flottantes de vos cheveux brunis, ne feront pas les feules chaînes. qui l'attacheront à vous. Les ornements de votre efprit augmenteront dans fon cœur l'empire de la fympathie; l'agrément de vos entretiens arrachera fon âme à la féduction des livres, & la compagnie d'un ami ne pourra le dédommager des plaisirs de votre commerce, & du charme de votre fociété. Puiffe une fi douce félicité Cüj |