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bruit léger vienne la tirer de fon égarement, & inviter l'Homme à ouvrir les yeux aux doux tayons de la lumière naiffante.

Le Crépuscule chaffe devant lui les ténebres qui couvroient le payfage; les côteaux garnis de bois élevent leur tête au - deffus de l'horifon; le dos bleuâtre des montagnes fe détache & s'aggrandit aux yeux du voyageur matineux. Les fleuves brillants dans l'obfcurité roulent des flots luifants à travers des prairies fumantes; quelquefois, lorfque la terre courroucée refuse d'ouvrir fon fein aux perles de la rofée, tout eft couleur d'argent : & le voyageur arrivé sur la pente de la montagne, s'arrête un inftant, en voyant des prairies immenses confondues avec le fleuve qu'il fait paffer au milieu d'elles. Mais bientôt cette couleur argentée difparoît, & fait place à la verdure ordinaire des campagnes. On voit les tours & les clochers de la ville encore endormie, à demi cachés par les nuages fumants qui les enveloppent, & l'humble cabane fe dégager infenfiblement de l'ombre des ormeaux qui l'entourent. L'allouette part du fillon humide, & fe promene dans les airs : elle est la première qui annonce les

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approches du jour par un chant d'allégreffe & de triomphe. Auffitôt le peuple des oiseaux s'éveille en gazouillant, fecoue fes aîles, & fautille plein de joie fur des rameaux chancelants. Un doux prélude, ou plutôt un filence attentif, prépare au concert univerfel qui va partir des bois, au premier regard du Soleil. Il fe cache encore, mais on voit qu'il approche. L'Aurore preffe fes che vaux dociles; elle éteint avec fon aîle couleur de rofe les plus vifs flambeaux du ciel, & peint les nuages de jaune, de verd & de pourpre. Déja, l'aigle impatient s'élance d'un vol rapide dans la haute région de l'air : il veut offrir au Soleil le premier hommage des habitans de la terre. Le vautour & le milan quittent leur retraite obfcure & le fuivent de loin, tandis que l'épais bataillon des chouettes & des hiboux, agitant fes aîles autour des rochers entr'ouverts, fuit, en jettanţ des cris lugubres,l'éclat du jour qui le blesse. L'hirondelle recommence à tracer des cercles dans les airs, elle fe plaît à dorer fes aîles bleuâtres aux premiers rayons du Soleil. Le cerf fe retire dentement à travers la prairie, pour se rendre dans le bois il craint l'éclat du jour & la pré

fence importune du laboureur qu'il croit déja entendre de loin; toutefois ce n'eft qu'à regrèt qu'il fe retire, car il fe retourne fouvent pour regarder les champs enfemencés qu'il vient de dépouiller. Le liévre timide fe retire auffi dans la remife, & le corbeau d'un vol pefant quitte la cîme touffue des vieux chênes, pour regagner les champs voifins.

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Le berger foupirant ouvre les barrières de la claie le bélier fort le premier à la tête du troupeau qui le fuit en bêlant; & le chien fidele marchant à côté de fon maître, ferme l'arrièregarde. Cependant une partie du village dort encore dans fes cabanes couvertes de mouffe & de chaume; le coq, perché au plus haut de l'échelle, annonce pour la dernière fois l'heure du travail. Le laboureur fe leve en fecouant les vots du fommeil, puis il attele à fa charrue, préparée de la veille, le couple ruminant qui offre tranquillement fon large front au joug; il marche lentement à fon arpent, & reprend les fillons qu'il a déja commencés. Il va renouvelJer un rude travail, mais auffi il va jouir de toutes les fcènes ravissantes du jour : deja même

pa

il est amusé par le chant de l'allouette qui voltige autour de lui, & femble l'inviter à commencer fon travail.

Le Soleil s'avance, les rideaux de pourpre de fon trône d'or s'écartent de part & d'autre. Le Roi du Jour paroît enfin, & fes regards s'étendent fur toute la'nature.... Que l'imagination vole dans ce moment d'une aîle hardie, jufques fur les bords du tranquille Océan, ou qu'elle s'éleve fur la cîme du promontoire pour contempler l'efpace immenfe de cette plaine liquide éclairée par le Soleil du Matin, Les chevaux du Soleil s'élancent du fein des flors azurés, ils fecouent leurs crins humides, ils brûlent de courir leur carrière enflammée; une vapeur célefte s'exhale des boucles parfumées du Dieu du Jour, & fe change en perles précieuses dans le fein des conques d'émail qui s'ouvrent pour les recevoir. Les habitants de l'onde élevent la tête au deffus de la furface des flots, & viennent faluer le Pere de la Nature. Tout eft ciel & eau; mais la lumière anime ces plaines & ces voûtes immenfes, la majefté & la joie regnent au milieu du calme & du filence; spectacle unique qui jette l'âme

dans une admiration tranquille & délicieuse. Dans le lointain d'un horizon fans borne, paroît une citadelle flottante que l'œil peut à peine diftinguer; elle s'aggrandit en avançant, fes voiles s'enflent dans le verre obfervateur : déja, on reconnoît le pavillon & les banderolles qui voltigent au haut du mât chancelant; le vaiffeau redoutable paroît dans toute fa grandeur aux yeux étonnés; il approche encore, il falue le Fort qui lui répond coup pour coup; & le bruit de fes foudres, qui annoncent également ou la paix ou

la

guerre, va se répéter avec fracas dans les cavernes des îles lointaines.

Cependant que les derniers replis du rideau font relevés, la vaste scène du monde brille d'une clarté qui en fait fortir toutes les beautés à la fois; tout nage dans un torrent de lumière, & l'œil enchanté fe repofe fucceffivement fur mille décorations animées; chaque plante éleve fa tête ornée de rubis éclatans, & femble s'étendre vers le Soleil; tout ce qui a une voix célèbre le retour du Soleil, toute la Nature forme un concert de louanges, & le parfum des fleurs monte comme un encens facré que la terre offre au Ciel.

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