THAMIRE. ELEGIE XI. U'UN fonge cette nuit m'a fait verser de larmes ! Qu'à present même encor il me caufe d'allar mes; Cher Epoux ! Que ce foit foibleffe ou non, Hélas! Quand on aime, de quoi ne s'éfraïe-t-on-pas! Je condamne mon trouble & ne puis m'en deffendre, Plains ton Epoufe: Elle eft moins foible encor que tendre. A peine je dormois. D'un combat furieux Le fpectacle fanglant s'eft offert à mes yeux; Cent Tonerres d'airain avec des bruits horribles Vomiffent mille morts de leurs bouches terri bles; La fureur & l'effroi volent de rangs en rangs; Et je ne vois par tout que morts & que mou rans. Le Fer en main toi-même au milieu du Carna ge Tu cours. Je t'aperçois. Où t'emporte ta rage? Arête, cher Epoux, tu vas chercher la mort : Arête, t'ai-je dit, ou du moins...Vain effort; Tu joins les Ennemis, tu les preffes. Tout tombe, Mais fous le nombre enfin ton courage fuccombe, Ce dernier coup m'acable, & mes vives douleurs Me réveillent foudain, les yeux baignés de pleurs. Quel trouble affreux! j'ai peine encor à m'en remettre: Mon Epoux mort! O Ciel, l'aurois - tu pu permettre? Que fai-je ? chaque jour on parle de Combats; Et la valeur ne fait que hâter le trépas. Je tremble à tous momens qu'un récit trop fidelle Ne m'aprene du tien la funefte nouvelle : Et ce fonge aujourd'hui l'objet de ma terreur, ง En eft peut-être hélas ! le trifte avant coureur. Eloignons-en l'idée. Au moins par ton filen çe N'augmente pas les maux que me fait ton abfence; Tes Lettres les pourroient foulager. Cher Epoux, Tes Lettres font l'objet de mes voeux les plus doux. Ce n'eft pas que mon cœur foupçonne ta tendreffe, Les périls que tu cours font tout ce qui me preffe, L'amour du moins, autant que de facrés liens, Me rend tes jours plus chers mille fois que les® miens. Tu t'en fouviens: Long-tems avant notre Né pour moi, tu connus que pour toi j'étois née : Nous nous aimions; Le Ciel daigna ferrer nos nœuds. Et depuis, chaque jour a vû croître nos feux. L'Amour & la Vertu peuvent tout fur nos ames: Tu m'aimois, & j'étois la plus tendre des Fem mes; En toi comment enfin euffai-je moins aimé L'Homme le plus aimable & le plus enflammé? Ce fouvenir m'enchante: & je crois prefque encore Me voir entre les bras d'un Epoux que j'adore, Dois-je dire un Epoux ? En trouvois-je un en Hü toi 3. Bien moins Epoux qu'Amant cu vivois aved moi. Songe qu'au moindre mot que j'avois à te dire, Je te voïois toûjours tendrement me fourire; Mes difcours t'amufoient. Moi, j'admirois les tlens, Et l'amour préfidoit à tous nos entretiens. Quelle union! Combien d'innocentes Careffes, Signaloient chaque jour nos foins & nos ten dreffes! Et toûjours cette paix qui regnoit dans nos cœurs Nous y faifoit trouver de nouvelles douceurs. Nos vœux furent enfin comblés par la naiffance D'un Fils qui fait encor toute notre espérance: me Qui peut nous rendre heureux. Que procure le Crime? Des momens de plaifir courts & tumultueux. Le vrai bonheut eft fait pour les Cœurs ver tueux. L'amour qui joint deux Cœurs également fidelles, Reçoit de la Vertu mille graces nouvelles, Qui nous charment toûjours, ne nous laffent jamais, L'innocence peut feule en conferver la paix, Rien ne l'altére alors. L'Objet que l'on poffede Ne réfroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede: Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs; Mais tant qu'on s'aime on a toûjours mille defirs. Pourquoi de nos amours te retracer l'Hiftoire? Le nôtre étoit trop grand pour être inalterable: Trois ans qui pour tous deux n'ont duré que trois jours. Cette chimére enfin aux Humains fi fatale, La Gloire dans ton cœur me tint lieu deRivale: Je m'en plains à regret, fes rigoureuses Loix |