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pour

des

chofe près, fe trouverent confor mes à l'intention de la Comtesse, & Damiana me fit une propofition: Je fuis laffe, me dit-elle, d'avoir des maîtreffes. Je veux jouer à mon tour dans le monde le rôle d'une Dame. Faites comme moi, ma mignone; ne nous féparons point. Uniffons nos fortunes. Allons nous établir dans quelque grande Ville d'Espa& là nous donnant gne: perfonnes de qualité, nous ferons de bonnes connoiffances,& vivrons fort gracieusement. Si j'euffe eu plus d'expérience je me ferois révoltée contre une pareille propofition 3 J'aurois pénétré les vûës de Damia& je l'aurois quittée comme une friponne qui avoit envie de me perdre. Mais ne voyant rien que d'innocent dans ce qu'elle me propofoit, je liai volontiers mon fort au fien. Nous tinmes conseil fur ce que nous avions à faire, & voici quel en fut le réfultat.

na,

CHAPITRE III.

Dans quelle Ville Francifca &

Damiana réfolurent d'aller s'é

tablir, & des avantures qui leur y arriverent.

N

Ous choifimes Seville pour le lieu de notre réfidence, Damiana m'ayant assuré que l'Andaloufie étoit l'endroit le plus agréable de toute l'Espagne. Nous réfolûmes de nous y rendre par mer auffitôt que nous aurions touché nos legs.

Effectivement lorsqu'on nous les eut délivrés, nous allâmes nous embarquer à Cartagene fur un Vaiffeau de Malaga qui s'en retournoit. Nous fumes un peu incommodées de la

mer; mais comme nous eûmes toujours le vent favorable nous arrivâ

mes bientôt à Malaga où nous nous arrêtâmes quelques jours, au bout defquels nous étant déterminées à achever notre voyage par terre,

nous partîmes pour Seville par la voye des Muletiers, & nous fûmes affez heureuses pour y arriver fans éprouver le moindre des malheurs que nous avions à craindre.

Nous loüâmes d'abord une maifon auprès du Change, autrement appellé la Bourse; nous la fimes meubler proprement, & nous prîmes à notre fervice une Cuifiniere & un Laquais, lefquels ne nous connoiffant pas, ne pouvoient apprendre à perfonne qui nous étions. Ma Tante, dis-je à Damiana, car nous étions convenues que je pafferois pour fa Niece, il me femble que nous le prenons fur un ton trop haut. Pourrons - nous foutenir toujours la figure que vous voulez que nous faffions? Taifez-vous ma Niece, me répondit - elle; dequoi

vous inquietez-vous ? Laiffez-moi le foin de toute la dépenfe, & vous verrez que nous ne ferons jamais à la peine de réformer notre domestique. Nous pourrons bien plutôt l'augmenter dans la fuite.

Ma bonne Tante, en parlant de cette maniere, avoit des vûës qu'elle fe promettoit de remplir fans me les communiquer. Elle fe flattoit que nous ferions d'utiles connoiffances dans une Ville où abordent les Flottes & les Galions des Indes Occidentales chargées de Pistoles d'Efpagne, de lames d'or & de barres d'argent; elle comptoit que j'enflammerois quelque riche Négociant, & que nous ne manquerions pas de nous enrichir de fes dépoüilles. C'étoit fur une fi belle efpérance qu'elle fondoit la durée de notre brillante fituation.

Damiana, comme vous voyez, faifoit grand fond fur ma gentille fle & fur ma docilité. La fuite fit con

noître qu'elle n'avoit pas tort. Un Mexiquain étant un jour dans l'Eglife de S. Sauveur, où j'allois tous les matins entendre la Meffe, fut frappé de la richeffe de ma taille, & encore plus de deux grands yeux noirs que je tournois vers lui de tems en tems comme par hazard. Il m'appric par fes œillades, que je l'avois charmé. Quand je ne m'en ferois point apperçuë, cela ne feroit point échappé à ma Tante qui étoit au gué làdeffus, & qui remarquoit tout. Nous fimes donc toutes deux cette observation, & nous jugeâmes que ce galant du nouveau Monde chercheroit bientôt à s'introduire dans notre maison.

Notre conjecture ne fut pas fauffe. Il écrivit à ma Tante pour la prier de lui permettre de l'entretenir. Elle lui en accorda la permiffion. Il vint au logis, & ils eurent ensemble une longue converfation, dans laquelle après avoir déclaré

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