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qu'il réuniffe tous les talens ; qu'il poffede toutes les fciences divines & humaines, depuis le Catéchisme jufqu'à la Théologie mystique, & depuis le Blafon jufqu'à l'Algebre. Tel eft le Maître que je veux; & comme il eft jufte de faire un fort agréable à une perfonne de ce mérite, je lui donnerai ma table avec cinquante piftoles d'appointemens. Ce n'eft pas tout, ajoûta-t-il, je pourrai bien, l'éducation finie, lui faire avoir par mon crédit un Bénefice, ou bien le gratifier d'une petite pension viagere.

J'admirai la générofité de ce Magiftrat; & demeurant d'accord avec moi-même que je n'étois point ce Pédagogue dont il s'étoit formé une fi parfaite idée, je me levai de deffus la fellette, en difant au Juge: Adieu, Seigneur, puiffiez-vous rencontrer l'homme que vous cherchez; mais franchement, je ne le crois pas plus facile à trouver que l'Orateur de Ciceron.

CHAPITRE IV.

Le Religieux de la Merci place le Bachelier, chez le Marquis de Buendia.

E rendis

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compte de cette converfation au Pere Thomas; nous rîmes un peu tous deux aux dépens du Confeiller qui nous parut un original: Je ne ferai pas content, me dit enfuite le Religieux, que je ne vous aye bien placé ; plus je vous vois, plus je vous aime. Je vais me donner pour vous de nouveaux mouvemens: Il y aura bien du malheur, fi je ne vous mets pas à la fin dans quelqu'une de ces bonnes maisons où les Précepteurs font la pluye & le beau tems.

Véritablement peu de jours après, s'imaginant avoir fait ma

fortune, il vint à mon Hôtel garni, & me dit avec une émotion qui relevoit le prix du fervice: Enfin, mon cher Bachelier, j'ai un pofte excellent à vous offrir. Le Marquis de Buendia, l'un des principaux Seigneurs de la Cour, veut vous confier l'éducation de fon fils fur le portrait que je lui ai fait de vous. Venez me prendre demain au matin; je vous menerai chez lui. Vous verrez un Seigneur des plus polis. Vous ferez charmé de la reception qu'il vous fera; & je ne doute nullement que Vous ne foyez parfaitement bien chez ce Courtisan.

Le lendemain le Pere Thomas me conduifit au levé du Marquis, & ce Seigneur me reçut d'un air gracieux,en me difant qu'il étoit perlua dé que j'avois du mérite, puifque le Reverend Pere, qui étoit fon ami, 'm'avoit choisi pour me mettre auprès du jeune Marquis fon fils. Je vous reçois, poursuivit-il, aveuglé

ment de la main de fa Réverence. A l'égard de vos honoraires, je vous donnerai cent pistoles tous les ans, & vous ne fortirez de chez moi qu'avec une récompenfe digne de vos foins, & mefurée à ma reconnoiffance.

Je fis porter dès le même jour mon coffre à l'Hôtel du Marquis, où je trouvai une chambre meublée exprès pour moi. Je vis mon difciple. C'étoit un enfant de sept ans, beau comme le jour,& d'une grande douceur. Il étoit encore entre les mains des femmes ; mais il me fut livré fur le champ, & l'on nous donna un Valet-de-chambre & un Laquais pour nous fervir. Comme les enfans naiffent ordinairement avec quelques inclinations qui ont befoin d'être corrigées, je m'attachai à étudier les fiennes. Je ne lui en remarquai point de mauvaises, tant les femmes qui avoient élevé fa premiere enfance avoient eu foin de

ne

ne souffrir en lui aucun penchant vicieux. Elles lui avoient même apris à lire & à écrire; de façon qu'if ne fçavoit pas mal déja former fes

lettres.

Je lui achetai un Rudiment, & jè commençai à lui enfeigner les premiers principes de la Langue Latine. Je mêlois à mes leçons de petites fables propres à lui ouvrir l'efprit en le divertiffant. Il les retenoit avec une facilité furprenante; & lorfqu'il les débitoit à fon pere, il s'en acquittoit de fi bonne grace que le Marquis en pleuroit de joye. Il eft conftant que ce jeune Seigneur promettoit beaucoup. J'étois ravi de fes heureuses difpofitions, & fier par avance de l'honneur que fon éducation me devoit faire.

J'étois fi content de mon état, que je ne pus m'empêcher d'aller voir le Religieux de la Merci pour le lui témoigner: Mon Reverend Pere, lui dis-je d'un air de fatisfaTome I. C

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