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paillaffe & d'un matelas fort mince, & qui pourtant tous durs qu'ils étoient, pouvoient paffer pour des lits molets, en comparaison de ceux des Religieux de ce Couvent: Seigneurs Cavaliers, nous dit ce faint Superieur, ne vous attendez point à trouver dans cet asyle toutes les commodités, que vous auriez dans le monde. Outre que vous ferez ici fort mal couchés, on ne vous y fervira que notre pitance, qui n'eft propre qu'à ôter la faim fans piquer la fenfualité. Mais, ajoûta-t-il en souriant, je crois que vous voudrez bien fouffrir cette petite mortification pour appaifer le Ciel, que vous avez irrité contre vous par votre combat. Nous nous foûmimes volontiers à cette legere pénitence. Je dirai même qu'en peu de jours, nous nous accoûtumâmes à la dureté de nos lits, & à la frugale portion des Moines, comme fi nous n'euf

fions jamais été couchés plus mol

lement ni mieux nourris.

CHAPITRE IV.

De quelle façon tourna l'affaire de Don Cherubin & de Don Nianuel par l'entreprise du Pere Theodore. De la refolution que prit fubitement le premier, quelle maniere il l'exécuta.

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ne

de

E Pere Theodore ne négligea point notre affaire ; pour l'accommoder, il eut recours au crédit du Gouverneur de la Principauté de Barcelone, fon Pénitent, qui voyant que fa Révérence y prenoit beuucoup de part, n'épargna rien pour la terminer à l'amiable. Ce Seigneur écrivit de la maniere du monde la plus forte aux Parens

de

de Don Ambroise de Lorca, & entr'autres au Gouverneur d'Alcaraz dont,par bonheur pour nous, il étoit intime ami.

Comme Don Ambroise avoit été l'agreffeur, fes parens n'étoient pas fi animés contre nous, qu'ils l'auroiént été s'il eût eu raifon. Ils facrifierent fans peine leur reffentiment à Don Guttiere, & aux démarches que la famille de Don Manuel fit pour les appaifer. Ils cefferent de nous pourfuivre, & cette affaire fut entierement finie au bout de fix mois. Je ne doute point que le Lecteur ne s'imagine qu'après cela nous retournames gayement à Alcaraz, mon ami & moi, pour y épouser nos Maîtresses i mais il fe trompe. Je demeurai à Barcelone, où il m'arriva ce que je vais raconter.

Pendant qu'on travailloit à notre accommodement, j'avois fouvent des entretiens avec le Pere TheoTome I.

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dore; & plus je le voyois, plus j'étois charmé de lui. Il avoit un air de fatisfaction que j'admirois; je le lui difois fouvent, & il me répondoit toujours que fi je voulois l'avoir auffi, je n'avois qu'à paffer ma vie dans ce Monaftere. Confiderez bien nos Religieux, me dit-il un jour, vous lirez für leur visage la tranquillité qui regne dans leurs confciences. Vous êtes, ajoûta-t'il, fi occupé de vos affaires, que vous n'avez pas encore pris garde à cela, quoique ce foit une chofe qui mérite d'être remarquée.

J'y fis attention : & véritablement j'en fus édifié. J'étois étonné de voir des hommes fi fatisfaits d'un genre de vie fi auftere. Je com→ mencai à rechercher leur conver fation par curiofité. Je les engageois à parler pour fçavoir s'ils jouiffoient effectivement d'une paix intérieure, qu'aucun chagrin ne troubloit. Je trouvai leur difcours d'ac

cord avec leurs vifages ; & j'eus lieu de penfer qu'ils étoient auffi contens qu'ils le paroiffoient. Cela me fit faire des réfléxions qui m'agiterent terriblement: Comment donc, dis-je en moi-même, il y a des mortels affez détachés des biens & des plaifirs du monde, pour leur préferer la folitude des Cloîtres ? Que leur bonheur eft digne d'envie !

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Entre ces vénérables Religieux, y en avoit un qui fe diftinguoit par un talent auffi rare qu'utile. Il Tembloit n'avoir qu'une fonction; & cette fonction confiftoit à confeffer les malades, & à les exhorter à la mort. On le venoit chercher à toutes les heures du jour & de la nuit pour aller difpofer des mourans à faire une fin Chrétienne, Ayant entendu dire qu'il s'acquittoit à ravir d'un fi triste emploi, il me prit envie d'accompagner ce Pere une nuit. Il s'agiffoit d'engager

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