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'Epoux de Dona Clara ? Non vraiment, répondit-il. Vous ne fçavez donc pas qu'à fon rétour de Barcelone à Alcaraz, il apprit que cette Dame étoit dans un Couvent de Filles de Ninaterra, & qu'elle y avoit pris le voile ; de forte qu'elle eft perdue pour lui, felon toutes les apparences. Hé! dans quelle fituation, repris-je, as-tu laiffé Dona Paula Dans la fituation, répartitil, d'une fille qui auroit été bienaife de fubir avec vous le joug de l'Hymenée, & qui fe croyant dans la neceffité de renoncer à cette efperance, a pris le Mariage en averfion, & ne veut plus en entendre parler.

?

Je voulois avoir un plus long entretien avec Mileno, mais il ne me fut pas poffible de l'arrêter. Il me quitta tout-à-coup en me disant : Adieu, Seigneur Don Cherubinį pardon fi je ne demeure pas plus jong-tems avec vous. Je fuis preflé.

Mon Maître donne à fouper ce foir à cinq ou fix de fes Confreres; je vais chez le Traiteur ordonner un repas digne de leur fenfualité.

Après la retraite de Mileno, je fis bien des réfléxions: Parbleu dis-je en moi-même, il y a des phyfionomies furieusement trompeufes. Qui n'auroit pas crû, comme moi, Narcifa fage & vertueufe Il faut avouer que mon front vient de l'échapper belle! Enfuite venant à Don Manuel & le plaignant d'avoir perdu une Maîtreffe auffi eftimable Dona Clara, je parque tageois fa douleur: Si j'étois, difoisje, à Alcaraz préfentement, je lui ferois d'un grand fecours. Qui m'empêche d'y aller ? La confolation d'un ami, l'interêt de mon repos, tout m'excite à faire ce voyage. Toute indigne que Narcifa eft de ma tendreffe, je me fens retenir par fes charmes, & j'ai besoin pour l'oublier, de revoir Dona Paula. En

fin toutes nos réflexions aboutirent à me déterminer à prendre au plûtôt le chemin d'Alcaraz. Je fortis fecretement deSeville; mais en par→ tant je fis tenir à la fille de Maître Gafpard un billet, par lequel je lui mandois, qu'étant obligé de m'écarter d'elle pour quelque tems, j'avois chargé un jeune Chanoine de la Cathédrale, du foin de la confoler pendant mon absence.

CHAPITRE IX.

Il se rend à Alcaraz. Dans quel état il y retrouva Don Manuel fa Sœur. De l'accueil qu'ils

lui firent.

A

Près avoir été mal nourri, mal couché fur la route, & m'être fort ennuyé pendant fix jours j'arrivai à Alcaraz. J'allai defcendre

A

chezPedrilla,qui crut voir un Phantôme lorfque je parus devant lui. Eft-ce une illufion, s'écria-t'il › Estce Don Cherubin de la Ronda que je vois ?

Oui, lui répondis - je, mon ami, c'eft lui-même. C'est moi que vous avez laiffé à Barcelone, fous un habit que ma foible vertu ne m'a pas permis de porter jufqu'au bout. En même tems, je lui contai de quelle façon ma ferveur s'étant rallentie, je n'avois pû achever mon Noviciat. Et les Moines, me dit-il, vous ont-ils du moins rendu une partie de l'argent que vous leur aviez donné en prenant le froc? Non, lui répartis-je, c'eft de quoi il n'a pas été queftion. Mais je ferois content d'eux, s'ils n'euffent pas refufé de me prêter cinquante pistoles que je leur demandai quelques jours après ma fortie. A ces mots, Don Manuel hauffa les épaules d'une maniere qui valoit la plus vive déclama

tion contre les Moines: Souffrez, reprit-il enfuite, que mon amitié vous reproche de ne m'avoir pas mandé l'état où vous étiez. Ne fçavez-vous pas qu'entre Efpagnols, c'eft offenfer un ami, que de ne pas recourir à lui quand on a befoin de fa bourse ou de fon épée ?

Pour réparer votre faute, continua-t-il, vous demeurerez toujours avec moi, & partagerez de ma fortune. Tout ce que j'exige de votre reconnoiffance, c'eft d'être perfuadé que votre mauvaise situation ne laffera jamais mon amitié. Je dirai plus, je vous ai promis ma Sœur & je vous renouvelle cette promeffe. Elle conferve encore les fentimens qu'elle avoit pour vous avant votre départ pour Barcelone; car ne vous imaginez pas que pour l'avoir quittée, vous ayez perdu la place que vous occupiez dans fon cœur. Elle a pleuré votre inconftance, fans se plaindre de vous.

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