페이지 이미지
PDF
ePub

inféodées ne doivent que fuppléer à leur défaut, ce qui arrive

très-rarement.

Une erreur non moins commune, même parmi des perfonnes inftruites, c'est de croire que la plupart des biens des Abbayes, leur ont été donnés par des Gentilshommes qui passerent en Palestine dans les différentes Croisades. Je ne puis encore parler à cet égard que de l'Abbaye d'Arrouaife, & j'avoue qu'elle acquit de quelques croifés des biens modiques qu'ils délaifferent en partant pour le voyage d'outremer. Mais elle en paya la valeur, & ceux qui les vendirent ont fpécifié très-exactement dans les actes, qu'ils ne le faifoient que pour fe mettre en état de former leurs équipages & d'exécuter leurs vœux.

Revenons à l'Abbé Gautier. Il n'eft point poffible qu'il ait acheté les dimes dont on vient de parler (& qui furent cédées à l'Abbaye du Mont-Saint-Quentin en 1218) fans avoir aliéné quelque autre portion de bien au moins équivalente. On va voir en quel état déplorable il laiffa le temporel de son Abbaye, après l'avoir gouvernée pendant l'efpace de 13 ans, c'est-àdire jufqu'en 1193, comme nous l'apprend le continuateur de fa préface historique.

1193.

1192.

CHAPITRE X.

Simon. Jean I. Robert I. Radulphe. Robert pour la feconde
fois. Jean III. Barthélémi.
SIMON, natif de Tournai, remplaça Gautier. Il étoit Abbé

d'Hénin, lorfqu'il fut élu Général de l'Ordre. Mais il n'est pas
vrai qu'il ait régi les deux Abbayes en même tems, comme
le difent les Auteurs du Gallia Chrift. Il fut remplacé à Hénin
par un nommé Guillaume.

Le feul acte paffé fous fon adminiftration, que je connoiffe, est daté de l'an 1192, fans défignation de jour ni de mois. Mais comme Gautier fut fait Abbé le 13 Janvier 1180, & qu'il gouverna treize années entieres, cet acte quoique daté de 1192, doit être rapporté à l'année 1193, avant Pâques, fuivant le ftyle actuel. Il concerne l'Abbaye de Chatillon. Malgré la défense faite par les Souverains Pontifes à toute Églife foumise à celle d'Arrouaife d'embraffer une autre regle, ils en accordoient quelquefois eux-mêmes la permiffion. Ainfi Innocent second avoit permis à l'Abbaye de Chéminon de se donner à l'Ordre de Citeaux. Les Abbé & Religieux de Chatillon étoient foupçonnés d'une femblable défertion, ou peut-être craignoit-on qu'ils n'euffent renoncé à la vie commune pour retourner aux prébendes particulieres. Car cette Eglife étoit dans fon origine une Collégiale, qui s'étoit rendue célebre par fes écoles. Le Chapitre général de 1192 députa les Abbés d'Hénin, de Ruiffeauville & de Saint Jean de Valenciennes avec plufieurs autres perfonnes, pour aller prendre des informations fur le lieu même. Giraud, qui en étoit le feptieme Abbé, fut fort étonné de cette ambaffade. Pour diffiper tout foupçon fur sa fidélité, il affembla fon Chapitre, & protefta par ferment, avec fes Religieux, qu'ils n'avoient jamais penfé à quitter l'Ordre d'Arrouaife.« Nous lui fommes attachés de cœur & de fait, >> difent-ils unanimement dans un chirographe; (a) nous pro» mettons de vivre à toujours felon son institut & ses usages, >> tels qu'ils ont été obfervés par nos Prédéceffeurs, Bauduin » qui fut notre Abbé, ensuite Évêque de Noyon, Waldéric, » Nicolas, Nantelme & Daniel; & jamais nous n'élirons ni >> ne recevrons d'Abbé qui ne foit de l'Ordre d'Arrouaife.

(a) N°. XL.

S

» Nous le jurons ainfi & nous le ferons jurer de même au »jour de leur profeffion à tous ceux que nous recevrons » dans la fuite. »

Ce chirographe eft foufcrit des Abbé & Religieux de Chatillon, des Abbés députés par le Chapitre général & des perfonnes de leur fuite. Ces Abbés étoient Guillaume Succeffeur

de Simon à Hénin- Liétard, Wautier Abbé de Ruiffeauville Wérin ou Guérin, de Saint Jean-Baptiste de Valenciennes. 1194. Simon ne fut Général qu'un an. Auffi- tôt après fa mort, c'eft-à-dire au commencement de 1194, on nomma pour le remplacer Jean I, de Beaumez; (& non de Bélinnes comme l'appellent les Auteurs du Gallia Chriftiana.) Il étoit de l'ancienne Maison de Beaumez, l'une des plus illuftres du Royaume par ses richesses & par l'éclat de fes alliances. Le Village de Beaumez, Bellum-manfum, d'où elle tiroit fon nom, est situé à fix quarts de lieue de Bapaume, à l'eft. Cette Maison trèsattachée à l'Abbaye d'Arrouaise lui avoit déjà donné plufieurs sujets, entre autres Henri de Beaumez, Chevalier, qui s'y étoit confacré à la vie canonique fous l'Abbé Évrard. Je trouve encore en 1200 un Simon de Beaumez, Chanoine d'Arrouaise (dont le nécrologe fait auffi mention au 11 Février) & à la même époque, parmi les Chanoines & les Convers, les noms de plufieurs autres bonnes Maisons, telles que de Liégefcourt, Bancourt, Bouchavene, Manancourt &c.

L'Abbé Jean de Beaumez trouva tous les biens de fon Abbaye dans l'état le plus affligeant; mais attaché à un Corps qui l'honoroit de fa confiance, il lutta quelque-tems contre des obstacles prefque infurmontables. Pour bien juger de fa pofition, il faut favoir que le nombre des Converses dans la Maison mere & dans fes habitations, loin de diminuer, alloit toujours augmentant, & que cependant l'on ne comptoit gueres de

terres,

fondations faites en leur faveur. On verra dans la fuite, lorfque je parlerai plus fpécialement de cette forte de Religieuses, combien les grands gênoient les Abbés en protégeant des perfonnes du fexe du plus haut rang, à qui il prenoit envie d'entrer parmi elles. Pendant la paix, les freres & les fœurs de chaque habitation, fûrs de récolter les dépouilles de leurs trouvoient aisément de quoi fournir à leur fubfistance. Mais les moindres querelles politiques leur étoient funestes. Les guerres furtout que le Comte de Flandre foutint contre le Roi Philippe, faillirent de détruire pour toujours l'Abbaye d'Arrouaise elle-même. Il avoit époufé, comme je l'ai déjà dit, Élisabeth, fille de Raoul Comte de Vermandois. Il n'en eut point d'enfant mais elle lui donna le Comté de Vermandois, qu'il prétendoit garder. Le Roi, à qui Aliénore, fœur d'Élisabeth, avoit abandonné fes droits fur ce Comté, foutenoit au contraire qu'il devoit être réuni à la Couronne. Les armées des deux Princes ruinerent tour-à-tour les bords de la Somme, où l'Abbaye d'Arrouaise avoit la plupart de fes biens. Une autre caufe des malheurs de cette Maison fituée fur les confins de Picardie & d'Artois, fut le mariage du Roi avec Elisabeth fille de Bauduin Comte de Haynaut & niece de Philippe d'Alface. Philippe dans la vue de faciliter cette alliance, avoit donné pour dot à sa niece tout le Pays fitué depuis la Motte-Bérenger jusques vers la Lis, ce qui compofe à peu-près la Province d'Artois. Il paffa, comme l'on fait, en Palestine, & mourut au Siége d'Acre le premier Juin 1191. Dès que le Régent de France fut inftruit de fa mort, il fit faifir les Villes & Territoires de Béthune, d'Arras, Bapaume, Aire, Saint-Omer, Hédin, Lens, au profit du Prince Louis, fils ainé du Roi, conf rmément au contrat de mariage de la Reine fa mere. La Flandre passa à Marguerite d'Alface, époufe de Bauduin Comte de

Haynaut, laquelle mourut le 15 Novembre 1194, & Bauduin fon fils revendiqua auffi-tôt tous les biens qui avoient été détachés de la Flandre pour composer la dot d'Elizabeth ou Ifabelle de Haynaut. Delà une guerre cruelle entre les deux Princes. Enfin par un Traité qu'ils conclurent à Péronne en l'année 1199, le Comte abandonna au Roi pour Louis fon fils ainé, presque tout ce qui avoit été stipulé dans le contrat de mariage de la Princeffe Elizabeth. (b)

Cependant le fer & la flamme avoient ravagé l'Abbaye d'Arrouaife & fes habitations. Pour réparer tant de maux, l'Abbé Jean de Beaumez eut recours à un remede qui ne fit que les empirer. Il emprunta à gros intérêt & devint la victime de la plus infame ufure. Épouvanté lui-même des fuites qu'il en prévit, il donna fa démiffion après avoir gouverné pendant près de trois ans. Il laiffa les affaires tellement embrouillées, que l'on eut de la peine à trouver quelqu'un qui voulût se mettre à leur tête. On élut enfin un nommé Pierre, Prieur de Sémur. (c) Celui-ci accepta & fe fit inftruire de l'état où en étoient les choses. Mais après avoir fait quelques efforts pour y remédier, il défefpéra de réuffir, & renonça à son

[ocr errors]

(b) Le Tronc - Bérenger a toujours été la limite de l'Artois & de la France depuis l'an 1180, époque de ce mariage. Par acte paffé à Bapaume au mois de Novembre 1222, Béatrice Comteffe de Guines & Bauduin fon fils, permettent aux arbitres qu'ils avoient nommés pour terminer leurs différents, de faire enquête dans toute l'étendue de la terre du Prince Louis depuis le Tronc-Bérenger jusqu'à la mer vers la Flandre, per totam terram Domini Ludovici quantum durat à Trunco-Berengarii ufque ad mare per verfus Flandriam. Preuves du Livre V de l'Hiftoire de la Maison de Guifnes, par Duchefne. Le même Écrivain cite dans les preuves du Livre III de l'Histoire de la Maison de Béthune, un autre acte daté de Saint Germain - en - Laye 1223, par lequel Daniel avoué d'Arras, Seigneur de Béthune, reconnoît que la haute Justice appartient au Roi depuis le Tronc-Bérenger jusqu'à la Lis.

(c) Sémur en Auxois. C'eft un Prieuré dépendant de Saint Maurice d'Agaune.

« 이전계속 »