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élection. Il n'est pas repris dans le Catalogue des Abbés d'Arrouaife, apparemment parce qu'il ne fut point bénit. C'eft fans doute par la même raison qu'on n'y a pas infcrit non plus un certain Oger, mort le 25 Novembre, je ne fais en quelle année, & à qui notre nécrologe donne le titre d'Abbé, quondam Abbas nofter, mais qui ne paroît dans aucun acte.

Un Anglois nommé Robert, Chanoine de l'Abbaye même d'Arrouaise, fut élu à la place du Prieur de Sémur, dans les premiers jours de l'an 1197. Je ne doute pas qu'il ne foit l'auteur du supplément à la préface de Gautier. Dans cet écrit fimple & informe, il parle quelquefois de lui-même à la troifieme perfonne, quelquefois à la premiere, ce qui pouroit faire naître quelque doute. Mais il dit que le premier jour de fon administration, les Créanciers de l'Abbaye d'Arrouaise exigerent de lui le paiement de huit cents livres. Il ajoute enfuite qu'il s'eft fait donner par fon Chapitre un acte approbatif de fa conduite touchant les aliénations auxquelles il fut obligé d'avoir recours & ces deux traits ne peuvent convenir qu'à Robert. Son petit ouvrage contient ce qui s'eft paffé depuis 1179 jusqu'à la fin du fiecle. Quoique rédigé dans un stylé barbare, il est très-curieux, même par rapport aux événements publics. Ceux qui voudront le voir en entier, le trouveront dans la feconde partie. Je vais en donner un extrait dans lequel je m'attacherai plus au fens qu'à la lettre. Après avoir deploré l'embaras où il se trouvoit par les dettes immenfes de fa Maison, il dit: » Les Protecteurs de notre Églife, l'Archevêque de Rheims >> Guillaume, Pierre Évêque d'Arras, Étienne de Noyon, & » Thiébaud d'Amiens, & tous les Abbés de l'Ordre, touchés » de nos malheurs, nous confeillerent d'un commun accord de » prendre l'unique & dernier moyen d'échaper à une ruine » totale, c'est-à-dire d'aliéner une bonne partie de nos fonds.

» Ce fut auffi parmi nous l'avis des perfonnes de l'un & de » l'autre fexe, des jeunes & des vieux, qui tous voyoient >> bien que nous ne pouvions nous fauver que par le facrifice » de plufieurs de nos poffeffions. Il n'étoit point poffible de le » diffimuler, nous étions dans une néceffité extrême; car l'in» térêt des fommes qu'on avoit d'abord empruntées, croiffoit » de jour en jour, intérêt non de dix marcs ou de cent, mais >> malheureux que nous étions, nous devions jufqu'à cinq mille » livres parisis, & presque tout à intérêt! (d) ô douleur ! » nous avons éprouvé ce qui a été dit comme de nous, » fcrutetur fenerator omnem fubftantiam eorum &c. Ce n'eft pas » tout. Nous avions remis entre les mains des Prêteurs, en » présence de témoins & à titre de vente, huit de nos habita» tions, fous les conditions les plus onéreuses. En voici quel» ques-unes: fi une tempête ou un incendie général, fi la guerre » ou quelque expédition militaire vient à détruire les moiffons » des métairies ou les métairies elles-mêmes, l'Abbé sera obligé

(d) Le marc d'argent, au tems de Philippe Augufte, valoit cinquante sous: il vaut aujourd'hui cinquante livres. Ainfi les 5000 livres parifis dont parle l'Abbé Robert font 125000 livres tournois de notre monoie actuelle. Cette fomme au premier coup d'œil, ne paroît pas exceffive. Mais pour bien l'apprécier, on doit fe fouvenir que l'argent étoit alors très-rare & les denrées à très-bas prix. Il ne faut donc pas comparer ici l'argent à l'argent, mais l'argent aux objets de commerce. Par exemple le même Écrivain parle d'une famine horrible telle qu'on n'en avoit jamais vu de pareille depuis la création du monde, & le mencaud ou rafiere de bled (Il faut entendre mesure d'Arras) ne valut que 16 à 17 fous, ce qui feroit aujourd'hui 16 à 17 livres. On en a payé prefque le même prix pendant deux mois de cette année (1784), & il n'y eut point de famine. Il s'en faut donc beaucoup que la livre actuelle réponde au fou du tems de Philippe Augufte, par rapport au prix des denrées. Autre réflexion : la feule habitation de Beaulieu ou Beauvoir vendue à l'Abbaye de Cercamp, rend aujourd'hui plus de 20000 livres. Cette aliénation valut par conféquent à l'Abbé Robert au moins un demi million de notre monoie de principal, & cependant il fut forcé de vendre plufieurs autres biens pour acquitter les dettes de fa Maison. Elles étoient donc vraiment énormes.

» de réparer ces dommages dans l'efpace de deux ans ; s'il ne » le fait pas, il payera, après les deux ans écoulés, un denier » d'intérêt pour chaque marc de la fomme à laquelle le dom» mage aura été eftimé. Item, fi quelqu'un exige de ces habi»tations des choses injuftes, ou en enleve de force ce qui » leur appartient fans qu'il y ait de la faute du Bourgeois ( e ) » ou des fiens, l'Abbé devra dans l'efpace d'un mois payer les >> dommages foufferts: s'il laiffe paffer ce terme fans avoir » satisfait, on comptera alors chaque femaine deux deniers d'in» térêt au marc & l'Abbé sera tenu de les acquitter dans l'année » avec le capital auquel les dommages auront été eftimés. En » conféquence de pareilles claufes, ces infignes voleurs, ces » boureaux de leurs ames, font venus, le premier jour de mon » administration, me redemander avec de vives inftances huit » cents livres qu'ils difoient avoir perdues fur les dépouilles de » Beaucamp. Ils exigeoient également cinquante marcs pour de

l'orge enlevée à la Maison de Beaulieu. D'un autre côté » nous devions quarante livres d'intérêt, favoir trente au Comte » de Saint-Pol & dix à une autre perfonne, & ces fommes >> alloient toujours croiffant. O infame foif de l'or! fatale ma>> niere de s'enrichir, qui perd les ames! A ces miferes déjà infupportables, s'en joignit une autre non moins fâcheufe. » La grêle ravagea tellement le labour de douze charues, qu'il » nous resta à peine, pour vivre toute une année, (ƒ) quatre

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(e) C'étoit apparemment dans les Villes qu'habitoient ces ufuriers.

(f) C'est-à-dire de 1196 à 1197. Meyer rapporte quelques mauvais vers où l'on fait durer jufqu'à cinq ans la famine occafionnée par l'intempérie de l'air en 1196.

Turbine ventorum fit magna ruina domorum:
Fabrica multarum confringitur Ecclefiarum.
Decidit & cuncti generis radicitùs arbor:

Clade famis dira plures cæpere perire,

» ou cinq muids de blé. Je paffe fous filence l'incendie de » trois de nos habitations: je ne parle point de la guerre qui » divifoit alors le Roi de France Philippe & le Comte de » Flandre, guerre cruelle & fatale à nos poffeffions; je ne » dis rien des ravages de la famine, qui fut telle que depuis » la création du monde il ne s'en étoit pas vu de pareille. » Apprenez que l'on paya pendant deux années de fuite le » mencaud de blé feize à dix-sept fous. Mais à quoi serviroit » d'en dire davantage? Abbatus par tant de malheurs, nous » fuivimes le confeil que nous donnerent non des

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gens du » peuple, mais, comme nous l'avons dit, des personnes illu» ftres, les premieres, par l'éminence de leurs places, dans l'Eglise & dans le fiecle. Nous vendimes donc la Maison de » Beaulieu & d'autres biens qu'il eft inutile de nommer ici, » ces chofes étant connues de chacun ; & des fommes produites » par ces ventes, avec l'argent que nous pumes amaffer d'ail» leurs, nous avons payé dans le logement des infirmes, à » l'Abbaye d'Arrouaife, le dernier jour d'Avril 1199, quatre » mille huit cents livres, monoie publique, & quarante - fix » muids de froment mefure d'Arras &c. »

Ce fut en 1197 que l'Abbaye d'Arrouaise aliéna cette Maison de Beaulieu avec fes dépendances Bercelflos, Bouges - maison &c. C'étoit une belle habitation qui ne devoit fa prospérité qu'au travail des freres, comme j'ai eu occafion de le dire plufieurs fois. Située fous les murs des Religieux de Cercamp. elle étoit à leur bienféance. Après qu'elle eut été exposée en

Savit in miferos nimium quæ quinque per annos ;
Sexdenis folidis emptus tritici corus unus.

Il faut qu'en effet toute la nature ait été alors bouleversée, puisque Philippe Auguste qui étoit venu en Flandre, pour y faire le dégât, avec une armée formidable, fut forcé par les mauvais tems de retourner fur les pas.

vente pendant quarante jours, ils en offrirent le plus & elle leur fut cédée. C'est aujourd'hui une de leurs plus riches poffefsions. Il est probable qu'ils ne l'ont pas payée bien cher, & c'est sans doute en cette confidération que Hugues, alors Abbé de cette Maison, remit pour toujours à l'Abbaye d'Arrouaife, par acte de la même année 1197, un cens annuel de huit setiers de blé. Pierre Évêque d'Arras, qui prenoit le plus vif intérêt à la trifte fituation de l'Abbé Robert, déclara l'année fuivante en Février, par un acte rédigé exprès, qu'il n'y avoit eu aucune léfion dans la vente de Beaulieu, & que la plus urgente détresse l'avoit néceffitée. Cette aliénation & la propriété des Fermes de Beaucamp reftée à l'Abbaye d'Arrouaife, font voir que les conventions par lefquelles ces biens étoient paffés auparavant dans les mains des ufuriers, avoient été anéanties. Mais il en coûta le facrifice de beaucoup d'autres. C'est à cette époque qu'il faut rapporter l'aliénation de ceux de Caumont, Salency &c, qui avoient appartenu à la Prévôté de Saint-Omer avant d'être cédés à l'Abbaye d'Arrouaise, & dont je crois que l'Abbaye de Saint Bertin poffede encore aujourd'hui la contre-partie. Celle de Marcul acheta tout ce que Robert vendit à Gonai près de Béthune. Mais cet Abbé eût pu voir lui-même rentrer en fa poffeffion une bonne partie des fonds qu'il avoit aliénés, fi plufieurs de ceux qui s'en étoient accommodés, euffent imité un nommé Thiéry de Frégicourt & Floride fa femme. Ceux-ci avoient acquis le Sart de Hardecourt, Terre défrichée par les Freres d'Arrouaife. Ils fe donnerent tous deux à cette Eglise en présence de Pierre Évêque d'Arras, en 1199, en ftipulant qu'après leur mort, le Sart retourneroit aux Chanoines en toute propriété.

Les actes qui nous reftent du tems de l'Abbé Robert font autant de témoignages de fa prudence & de fa fermeté. Mais

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