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élevé fur fon Tombeau quinze ans après fa mort, comme je le dirai fous l'année 1112, lorsque je parlerai de Richer fon Succeffeur médiat.

CHAPITRE II.

Séparation des Diocefes d'Arras & de Cambrai. Conon fecond Prévôt d'Arrouaife, puis Cardinal Évêque de Prénefte. Lorsqu'Heldémare & Conon vinrent s'établir au Tronc

Bérenger, les Dioceses d'Arras & de Cambrai étoient encore réunis.

Gérard, II du nom, Évêque de Cambrai, mourut en 1092. Le Clergé élut pour lui fuccéder, Gautier ou Gaucher, Chanoine & Archidiacre de Cambrai. Mais le peuple à qui il n'étoit pas agréable, nomma de fon côté Manaffès, Archidiacre de Rheims. Cette double élection ne manqua point de caufer de grands troubles. Cependant Gaucher fut facré par Rainaud Archevêque de Rheims & Métropolitain de Cambrai.

La vacance de ce Siége & les diffentions scandaleuses auxquelles elle donna lieu, parurent favorables aux Arrageois pour faire rétablir un Évêque fur le Siége de leur Ville. Ils envoyerent des Députés au Souverain Pontife Urbain II, & demanderent la permiffion d'en élire un. Ce Pape étoit alors occupé de plufieurs affaires fort épineufes. Divers abus s'étoient introduits dans la Collation des Bénéfices. D'un côté les Évêques donnoient, pour ainfi dire, en fiefs, les Autels ou Eglifes, & exigeoient à chaque mutation une efpece de relief que l'on nommoit Droit de rachat. D'autre part les Prélats élus recevoient du Prince, avant de fe mettre en poffeffion, l'Anneau & la Croffe, ce qui s'appeloit inveftiture eccléfiaftique. Grégoire

Grégoire VII avoit profcrit ce dernier ufage. Il avoit même excommunié Henri IV, Roi de Germanie, qui ne vouloit pas s'en départir. Le Droit de rachat d'Autel ne fut anathématisé qu'en 1095, au Concile de Clermont.

La Ville de Cambrai étoit fous l'obéiffance de Henri, & Gaucher, que le Roi favorifoit, tenoit Roi favorifoit, tenoit par reconnoiffance fon parti. Urbain, qui faifoit gloire de marcher fur les traces de Grégoire VII, écouta volontiers les Députés des Arrageois. Mais ce ne fut qu'après beaucoup de négociations que cette affaire fut terminée. Rainaud, Archevêque de Rheims, au Tribunal de qui le Pape l'avoit renvoyée, y mettoit beaucoup de lenteur, par la crainte que lui infpiroient Henri & fes Partisans. Il convoqua cependant à Rheims un Concile où les deux parties, c'est-à-dire les Habitants de Cambrai & ceux d'Arras, furent fommées de fe rendre pour alléguer les raisons de leurs demandes ou défenses refpectives. Il n'est point de mon fujet d'entrer dans tous les détails de cette affaire. J'observerai seulement que le Concile ne décida rien. Il renvoya les Contendants au Souverain Pontife qui ordonna enfin l'élection d'un Évêque d'Arras. (a

Le Clergé & le Peuple de cette Ville s'affemblerent dans l'Église Cathédrale. Des Députés du Chapitre de Rheims, de celui de St. Pierre de Lille & de quelques autres Eglifes, affifterent à cette élection. Le choix tomba fur Lambert, natif de Guifnes, Chanoine & Chantre de la Collégiale de Lille, Archidiacre de Térouanne. C'étoit en effet le fujet le plus digne qu'ils puffent élire. Outre fon mérite perfonnel, il avoit l'avantage d'être iffu d'une famille diftinguée; car il étoit proche

(4) Les Députés d'Arras, pour prouver l'ancienneté de leur Ville, alléguoient bonnement que Soiffons & Arras avoient été bâtis par Pompée. C

1097.

parent du Comte de Ponthieu. Il alla d'abord fe présenter au Métropolitain, qui refufa de le facrer; puis il fe rendit à Rome où le Pape fit lui-même cette cérémonie le 19 Mars 1094. (b) L'élection de Lambert fut confirmée deux ans après au Concile de Clermont. Gaucher au contraire ayant refufé conftamment d'y confentir, étant d'ailleurs accufé d'avoir acheté l'Évêché de Cambrai, ainfi que d'en avoir été investi en recevant la Croffe & l'Anneau de la main de Henri, fut forcé d'abandonner ce Siége à Manaffés fon Compétiteur. (*) Celui-ci consentit nonseulement au rétablissement d'un Évêque d'Arras; il lia encore

une amitié étroite avec Lambert.

Ces troubles au fujet de la double élection de Cambrai, avoient fans doute empêché Heldémare de donner une forme légale à fon établiffement, fitué d'abord dans l'étendue de ce Diocese, Paroiffe de Roquignies. Mais par le partage qui fe fit enfuite des deux Diocefes de Cambrai & d'Arras, cette Paroiffe fut affignée au dernier.

Conon, Succeffeur d'Heldémare, s'adreffa à l'Évêque Lambert & le pria de confirmer la fondation d'Arrouaise; ce qui fut fait folemnellement dans un Synode tenu à 'Arras le 21 O&obre 1097. Lambert y fit expédier un Décret dans le préambule duquel il rappelle également les anciens Brigands & ceux qui infestoient encore alors les environs du Tronc - Bérenger. II félicite Conon d'avoir changé une retraite de Voleurs en un lieu de piété, (c) où les Voyageurs trouveroient un refuge

(b) Gautier. Gallia Chrift. Je ne fais pourquoi De Locre place l'élection de Lambert & tous les Actes qui la concernent à l'année 1095. Le Décret de ce Prélat, daté de 1097, dont je vais parler, finit par ces propres termes : Anno autem Pontificatus Domini Lamberti Atrebatenfis Epifcopi, quarto.

(*) Gall. Chrift. T. III. Col. 23.

(c) Qui (locus) ficut aliquando fugiendus velut fpelunca latronum fuit, nunc per De

affuré. En général, les routes étoient alors fi peu fures, que lui-même, à caufe des dangers qui les environnoient, s'excusa l'année fuivante d'affifter au facre de Baudry, élu Évêque de Noyon.

A la fuite du préambule, Lambert confirme la fondation d'Arrouaife fous la regle de Saint Augustin, accorde à Conon & à fa Communauté le privilége de ne dépendre que de TÉvêque feul & immédiatement, & lui fait don en mêmetemps de l'Autel de Roquignies, avec le pouvoir pour lui & ses Succeffeurs, de réconcilier l'Eglife de ce lieu, dans les cas portés par les Canons, &c.

Conon ne tarda point à recevoir des Sujets, en petit nombre, il est vrai, mais choifis. Entr'autres donations qu'on lui fit pour leur entretien, il reçut du Châtelain & de la Commune de Péronne plufieurs terres fituées dans la Paroiffe de Roquignies, & Clémence, fille de Guillaume de Bourgogne & épouse de Robert II, Comte de Flandre, lui donna la Terre du Transloi, voifine de l'Abbaye d'Arrouaife. Odon, Seigneur de Ham, lui fit don également d'une Métairie appelée Margelles, entre Péronne & Ham, avec les eaux & prairies adjacentes. Cette derniere donation étoit d'une grande importance. Auffi Conon envoya-t-il dans l'endroit quelques Religieux pour en mettre les fonds en valeur. Il obtint enfuite de Baudry la permiffion d'y bâtir un Oratoire à leur usage, & Margelles devint ainsi un Prieuré de l'Abbaye d'Arrouaife, qui fut cédé dans la suite à celle de Corbie.

L'Oratoire élevé par Heldémare, édifice fimple, conftruit en bois & couvert de ramée, fut démoli. Conon fit bâtir une Eglife en pierres de taille. Son mérite l'avoit rendu cher à l'Évêque

vifitationem, &c. P. juft. N. 1. Omnes etiam tranfeuntes fua fide & innocentia, fed & corporali prefentia fecuros inter infidias reddunt. Gautier,

Lambert. Il en obtint aifément la permiffion de faire confacrer cette nouvelle Églife par deux Évêques renommés pour leur fainteté, Godefroi d'Amiens, & Jean de Térouanne. Cette cérémonie fe fit le 23 Septembre 1106, avec une pompe qui mérite d'être remarquée. En effet, il s'y trouva jufqu'à cent cinquante Chevaliers, fans compter les Écuyers & leur fuite ; & de même que dix ans auparavant, au tournois d'Anchin, B. Calderuns ou Caudron avoit fait à cette Abbaye le don de tout ce qu'il poffédoit au Village d'Inchi, ainfi en présence de toute la nobleffe du pays, affemblée pour la confécration de l'Eglife d'Arrouaife, Odon Seigneur de Ham confirma la donation faite par fon pere, des Terres & Prairies de Margelles. (d)

Cependant Conon étoit molesté par les Religieux du MontSaint-Quentin, tant au fujet de la liberté de fon Cimetiere, qu'à cause de certaines poffeffions indivises entre les deux Maifons. La liberté des Cimetieres étoit alors de quelque conféquence. Plufieurs monuments qui nous reftent de ce fiecle, fuffifent pour attefter la dépravation des mœurs du peuple & des grands. Mais on croyoit pourvoir fuffifamment à son falut en choififfant fa fépulture dans quelque Monaftere renommé. Conon ne pouvant obtenir juftice des vexations qu'il éprouvoit, crut devoir profiter de l'arrivée du Pape en France. C'étoit Pafcal II. Ce Pontife convoqua en l'année 1107, à Troyes en Champagne, un Concile dans lequel la liberté des élections fut confirmée & les inveftitures profcrites. Conon avant de partir pour Troyes, fit venir à Arrouaise un homme fûr & qui lui étoit fingulierement attaché, Richer, natif de Térouanne, Chanoine Régulier & Prieur de Licques. Il lui remit le gouvernement de fa Maison & alla joindre le Souverain Pontife, muni d'une

(d) V. Carpentier, T. 2. Pieces juftif. P. 14 & 81.

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