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lettre de l'Évêque d'Arras. Non- feulement il obtint un mandat qui mit son établissement à l'abri des perfécutions dont il avoit à fe plaindre, ainfi qu'une Bulle confirmative du Décret de Lambert & des différentes donations qu'on lui avoit faites, (e) il se rendit encore fi agréable à Pascal par fes talents & par sa vertu, que ce Pape ne le laiffa retourner à Arrouaise, qu'en lui ordonnant de le rejoindre au plutôt.

Ce ne fut point fans peine que Conon confentit à quitter l'ombre du cloître. Il avoit, pour la chercher, abandonné lz Cour de Londres. L'ambition n'étoit point fa paffion. Il le ti bien voir lorsque dans la fuite il refusa la Thiare. Cependant il falloit obéir. Il revint donc à Arrouaife, fit valoir les droits de l'amitié & employa des lettres du Pape, pour obliger Richer à renoncer à la Maifon de Licques. Il l'installa en fa place dans celle d'Arrouaife, & après avoir pris les arragements nécessaires pour en affermir la Fondation, il partit pour Rome où il fut auffi-tôt facré Évêque de Prénefte, par le Souverain Pontife. Ce Siége a le privilége de décorer fon Prélat de la Pourpre Romaine. (f) Je pourois continuer ici la vie de Conon, devenu Cardinal & illuftrant fon nom par fes légations de Palestine, de France & d'Allemagne ; mais comme elle paroîtroit peut-être déplacée, j'ai renvoyé à la feconde partie ce qui me refte à dire de cet homme célebre.

(e) Elle est datée de Troyes, 21 Mai 1107. Pafcalis Epifcopus fervus fervorum Dei Cononi Prepofito, &c. C'est par erreur que les Auteurs du Gallia Chrift. Tom. 3. Col. 433. ont tranfporté cette Bulle à l'année 1117.

(f) Ughelli Italia S. T. I. P. 191.

CHAPITRE III.

Richer, troifieme Prévôt.

LE E Décret de Lambert portoit que fi l'Églife d'Arrouaise étoit un jour dotée avec affez d'avantage, & deffervie par un affez grand nombre de Religieux pour qu'il convînt de mettre à leur tête un Abbé, ils en feroient eux-mêmes l'élection en toute liberté. Il n'eft pas douteux que Richer n'ait remplacé Conon du gré de tous les Religieux d'Arrouaife; auffi lui donnerentils le nom d'Abbé : mais quoique les conditions requifes pour obtenir ce titre fuffent remplies, il ne voulut point se faire bénir. On le trouve qualifié dans les Chartes tantôt de Prieur, tantôt de Prélat & plus fouvent d'Abbé. Cet homme respectable gouvernoit, comme nous l'avons déjà dit, la Maifon de Licques, lorfqu'il fut appelé à celle d'Arrouaife. Il avoit probablement embraffé l'Institut des Chanoines Réguliers à Watte, Abbaye ou Prévôté, fituée entre Bourbourg & St. Omer, aujourd'hui réunie au Séminaire & à l'Évêché de cette derniere Ville. Licques, dans les environs de Boulogne, n'étoit d'abord qu'une Collégiale, fondée pour un Prévôt & quatre Chanoines fur la fin du onzieme fiecle. Mais un nommé Bauduin, Prévôt, fucceffeur du Fondateur, étant paffé en Palestine fous les Drapeaux de Godefroi de Bouillon, fils d'Euftache Comte de Boulogne, avoit emmené avec lui les quatre autres prébendés, qui étoient fes enfants, après avoir résigné fon Eglise aux Chanoines de Watte. Ceux-ci venoient d'embraffer la regle de St. Auguftin. Cependant Licques fut peu de tems en leur poffeffion : ils céderent cette Maifon aux Prémontrés, que Milon Évêque de Térouanne, auparavant Abbé de Dompmartin, leur

fubftitua en 1132. Elle devint célebre dans la fuite, & de même que l'Abbaye d'Arrouaife vit profpérer fon Inftitut dans les îles Britanniques, celle de Licques y fit connoître l'Ordre de Prémontré.

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Richer s'appliqua à remplir la bonne opinion que l'on avoit conçue de fon talent & à fe rendre digne de remplacer les deux hommes diftingués auxquels il fuccédoit. Il méritoit de partager leurs travaux & leur gloire. Le Cardinal avant fa légation de Palestine, lui avoit envoyé plufieurs Reliques, entr'autres la main de St. Sabin, Évêque & Martyr. (C'étoit un présent du St. Pere.) Mais ayant été nommé Légat en France en l'an 1112, il lui en apporta encore d'autres, comme témoignage de fon souvenir & de fa bienveillance. (g) Il dut être bien doux pour Richer & fes Confreres de le revoir parmi eux dans tout l'éclat de fa dignité, eftimé & recherché des perfonnes de fon fiecle les plus illuftres & les plus puiffantes. Le Légat ne dut pas être moins sensible au plaisir de fe retrouver au sein d'une retraite qui lui devoit en partie fon existence, & fur - tout de pouvoir rendre à la mémoire d'Heldémare un hommage d'autant plus jufte, qu'outre l'éclat des miracles opérés par ce Saint Homme avant & après fa mort, il avoit mieux qu'un autre connu tout fon mérite.

La canonifation des Saints n'a point toujours été réservée au Pape. On croit communément qu'Alexandre III est l'Auteur de cette réserve. Il est vrai que dès le dixieme fiecle les Sou

torum,

(g) On lifoit dans l'ancien Martyrologe manufcrit d'Arrouaife: Nonis Maii allata funt Reliquia Beatorum Martyrum Sebaftiani, Hippolyti fociorumque ejus, quatuor coronaFeliciffimi, Agapiti, Cecilia Virginis & Julitta, Sepulchri Domini & præfepii, in Arida - Gamantia, manu Domini Pafchalis Papæ fecundi, & Domni Cononis Epifcopi Præneftina Civitatis, anno Chrifti millefimo, centefimo, duodecimo. Voyez auffi Rayff. Hierogazoph. Belg.

verains Pontifes avoient commencé à s'attribuer un droit exclufif de faire cette cérémonie. Mais on trouve de tems en tems des canonifations faites par des Légats, Primats & Archevêques, jufqu'à celle de St. Gautier Abbé de Pontoise, qui eut lieu en l'année 1153. La maniere d'y procéder n'étoit pas uniforme. Une des plus ufitées dans les dixieme & onzieme fiecles, étoit d'élever un Autel fur le corps du Saint. C'eft ce que firent les Camaldules, avec la permiffion du Pape, à la gloire de St. Romuald, mort en 1027. Telle fut auffi la maniere employée par le Légat dans la Canonifation d'Heldémare. Il érigea fur fon Tombeau un Oratoire ou Chapelle, qu'il confacra sous le titre de Sainte Marie-Madeleine, l'enrichiffant d'ornements précieux & de tout ce qui eft néceffaire au Saint Sacrifice. Mais quoi que l'on puiffe dire que par cette cérémonie le bienheureux Fondateur fut placé dans les facrés diptyques, & quoiqu'il foit rappelé avec éloge dans les Martyrologes & les Légendes, je ne vois pas qu'on lui ait jamais rendu un culte public. Le projet de le faire a été fouvent repris, fpécialement en 1716, lorfqu'on leva de terre fes Reliques. L'Office même fut alors compofé avec des Hymnes propres; mais on en eft demeuré-là. I a Canonifation de St. Heldémare n'eft pas la feule que le Cardinal Conon at faite en France. On peut voir dans Mr. de Fleury ou dans le P. Longueval, comment fe fit celle de St. Arnoux, Évêque de Soiffons, au Concile de Beauvais ouvert par ce Légat le 18 Octobre 1120.

J'ai dit que dans fon Décret de l'année 1097, Lambert avoit appelé l'Abbaye d'Arrouaife un refuge contre les Voleurs; on a vu comment Heldémare fut immolé à la vengeance & à l'avarice d'un monftre la Flandre étoit toujours remplie de Brigands; l'impunité les multiplioit chaque jour. L'absence du Comte Robert pendant la Croisade, avoit fans doute contribué

à

à les rendre plus entreprenants. Ce Prince ayant fuivi, en l'année 1111, Louis le Gros dans une expédition contre Thibaud Comte de Brie, perdit la vie, foulé fous les piés des chevaux. Son Corps fut tranfporté à l'Abbaye de St. Vaaft, & le Roi accompagna le Convoi. Son fils, Bauduin VII, qu'il avoit eu de Clémence de Bourgogne, fut proclamé Comte de Flandre, dans l'affemblée des états préfidée par le Roi en perfonne. Il s'appliqua d'abord à purger le Pays des voleurs & des affaffins qui l'infeftoient, & convoqua l'année fuivante à Ipres une autre affemblée de la nation, où il fit dreffer contre eux une Ordonnance févere. Mais il mourut trop tôt pour voir l'accompliffement de fon projet. Son fucceffeur, Charles furnommé le Bon, également exact à rendre la Justice, fut lui-même affaffiné par des fcélérats dans l'Eglife de Saint Donatien de Bruges. Pour ce qui eft des Bois & de l'Abbaye d'Arrouaife, depuis fa Fondation, je ne fais qu'Heldémare & Roger qui y aient péri par un meurtre.

Richer avoit obtenu de Baudry Évêque de Noyon, la permiffion de joindre un Cimetiere à l'Oratoire de Margelles. Lambert fucceffeur de Baudry, ajouta à cette grace le privilége de recevoir immédiatement de l'Évêque l'huile des infirmes pour l'ufage de cette Celle, par un acte daté de 1114. Richer y eft repris avec le titre d'Abbé. Cet homme fage & modefte cherchoit moins à augmenter les biens temporels de fon Monastere qu'à le peupler de bons fujets. C'est l'éloge que l'on trouve de lui dans l'Ouvrage de Gautier. Mais entre ceux qu'il admit à vivre fous fa difcipline, on doit diftinguer Gervais ( (Secrétaire (h) d'Eustache le Jeune, Comte de Boulogne,) qui fut

(h) C'est du moins la qualité que je crois devoir lui donner d'après la Charte accordée par le Comte: In Nomine, &c Ego Euflachius Dei providente clementia, D

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