페이지 이미지
PDF
ePub

Mais la mort le furprit à Prénefte le 9 Août 1122, & il n'eut point la confolation de voir conclure cette paix fi long-tems défirée & fi néceffaire aux deux partis. Elle ne fut fignée que le 8 Septembre fuivant, dans l'Affemblée de Worms, par Henri & par les Députés de Calixte, qui ratifia le Traité le 23 du même mois. Le Prince renonça enfin aux Inveftitures pour s'en tenir au droit de donner les Régales, & ainfi fut rétablie l'union entre l'Empereur & le Pape.

Tous les Ecrivains du douzieme fiecle qui ont parlé du Cardinal Conon, s'accordent à lui donner les plus grands éloges. J'en excepte le feul Abélard, qui apparemment n'avoit pas à s'en louer. A l'en croire, fon Ouvrage fur la Trinité étoit trèsorthodoxe; l'envie feule a pu y faire trouver des erreurs; la paffion l'a accufé, & l'ignorance a prononcé; enfin Conon fut un homme foible & peu inftruit des vérités de la Religion. Tel eft le langage de l'orgueil humilié. Mais la fuite fit bien voir que ces erreurs n'étoient que trop réellement répandues dans le livre d'Abélard, (g) & fon témoignage doit d'autant moins être préjudiciable à la réputation du Légat, que l'érudition & la force du raifonnement font les deux qualités qui éclatent le plus en lui. (r) Nous l'avons vu fiéger au Concile de Rheims à la tête des Prélats choifis pour difcuter les queftions qui devoient y être propofées; & les différents traits que j'ai rapportés de fa vie, font plus que fuffifants pour attefter la fécondité de fon génie & l'élévation de fon ame. Auffi un Historien contemporain, cité par Baronius, (s) nous le

(9) V. la Lettre 190 de Saint Bernard.

(r) Cono Preneftinus Praful & Bofo Portuenfis, Lambertus Oftienfis, Johannes Cremenfis & Hato Vivarienfis. Hi nimirum præ omnibus aliis quæftiones fubtiliter difcutiebant & mira eruditione imbuti, refponfa ubertim proferebant. Olderic, Vit.

(s) Abbas ufpergenfis apud Baronium, ad an. 1111.

-

dépeint-il comme le Cardinal le plus intrépide du Sacré Collège, fous Pascal II. Ce Légat, dit-il, s'acquit une gloire immortelle dans un tems où l'Eglife Romaine éprouvoit tant de violences, Dieu permettant que ce qui manquoit de force dans le chef, fut compensé dans les membres. Ughelli, (t) dans fon Italia Sacra, dit à l'article des Evêques de Prénefte, que le nom de ce Cardinal devint fi célebre après le Concile de Latran tenu par Pascal en l'an 1116, qu'on le regardoit comme un Ange defcendu tout-à-coup du Ciel pour défendre le Pontife & le Saint Siége.

Mais on ne doit pas fe diffimuler que ce zele ardent toujours armé d'anathêmes, loin de lui attirer des éloges dans notre fiecle, eût été au contraire juftement réprimé. Pour le juger avec impartialité, il faut se transporter aux tems où il vécut. Les ténebres de l'ignorance envelopant tous les Etats, une corruption de mœurs prefque générale, la débauche & le luxe dans le Clergé Régulier, du moins parmi les anciens Moines, & le concubinage commun dans le Clergé Séculier, établi même publiquement en Normandie; la puiffance du Souverain affoiblie en raison de l'agrandiffement des Vaffaux; au lieu d'un Monarque, mille tyrans fouvent en guerre entr'eux, quelquefois même avec le Prince, & toujours écrafant le peuple; tel eft le tableau de la France dans ces tems barbares. L'autorité du Pape étoit donc seule respectée ou plutôt redoutée; auffi nos Rois eux-mêmes y recouroient-ils fouvent pour contenir leurs fujets. Le reste de l'Europe étoit dans une pareille confufion, & les divifions qui regnerent entre les Papes & les Empereurs Henri IV & Henri V, n'avoient pas peu contribué à l'augmenter.

(1) Ferdinandi Ughelli Italia Sacra. T. I. p. 197.

Si au milieu de tant de troubles, l'infatigable Légat rendit aux Souverains Pontifes des fervices fignalés, on peut dire avec le P. Longueval, (u) que l'Église Gallicane en particulier lui a infiniment d'obligations. Auffi l'Auteur de la Chronique de Maurigni, en parlant du célebre Guillaume de Champeaux, fi connu par fes vertus & par fon savoir, n'a pas cru pouvoir mieux faire fon éloge, qu'en difant qu'il fut le zélé coopérateur de Conon.

Ce Cardinal eft connu dans l'Hiftoire fous différents noms. La plupart des Écrivains le nomment Conon. Mais plusieurs l'appellent Currad ou Cunrad, & quelques - uns Oddon. Son vrai nom eft Conon, comme on le voit dans les manufcrits & dans quelques chartes de l'Abbaye d'Arrouaise. Ughelli fait fuccéder à Bérarde, Évêque de Préneste, un Cunrad, créé, dit-il, en 1107, par Pascal II. Il ajoute que Cunrad fut présent au Concile de Guaftalle, Ville de Lombardie, fur les bords du Pô. Mais ce Cunrad qui affifta au Concile de Guaftalle, ne peut être le même que Conon. Il fut sacré par le Pape, Archevêque de Saltzbourg, & non Évêque de Prénefte. (v) D'ailleurs ce Concile, fuivant le P. Labbe, a été tenu en 1106, & Conon ne fut élevé à l'Épiscopat que l'année fuivante. Ces deux Prélats étoient Allemands, & tous deux fe diftinguerent dans la caufe de Pafcal contre l'Empereur. Je trouve auffi dans un Écrivain contemporain (w) que Cunrad ayant fondé un Monaftere, ce fut le Cardinal Évêque de Prénefte qui en fit la confécration. C'étoient donc deux

(u) Hift. de l'Égl. Gallic. T. VIII. p. 417.

(v) Labbe, T. X. p. 750.

(w) Apud Labbe fup. p. 781.

perfonnes

perfonnes très-différentes, & ce fut Conon, & non Cunrad, qui fuccéda à Bérarde Évêque de Prénefte.

Il est plus étonnant encore que ce Cardinal foit quelquefois nommé Oddon. Baronius lui-même, (& plufieurs après lui,) le nomme ainfi (x) lorfqu'il dit que Gélafe dans les derniers moments de fa vie, exhorta les Cardinaux de fa fuite à lui donner pour Succeffeur le Cardinal Oddon, Évêque de Prénefte. Mais ce qui n'eft en lui qu'une fimple inadvertance, (puifque partout ailleurs il le nomme Conon,) n'est point pardonnable en ceux qui ont copié fervilement cette erreur.

Pour ce qui eft du Concile de Soiffons, j'ai déjà dit qu'il fut affemblé vers le milieu de l'année 1121. Voici ce qui m'oblige à y revenir.

La caufe d'Abélard, au fujet de fon livre fur la Trinité, fut traitée dans deux différents Conciles. Il n'y a aucun doute fur celui de Sens, ouvert le 2 Juin 1140 par l'Archevêque Henri Sanglier, en préfence du Roi Louis le Jeune. Mais on a difputé beaucoup fur l'époque de celui de Soiffons. Les uns veulent qu'il ait été tenu en 1136, d'autres en 1116, & le plus grand nombre en 1121.

Baile a fuivi ce dernier fentiment à l'article Abélard, & cite à ce fujet le P. Alexandre qui en effet prouve très-bien contre Jean Picard, Chanoine de Saint Victor, & contre Binius, que l'année 1121 eft la date qui convient le mieux à ce Concile. Le fentiment de Binius qui lui affigne l'année 1136, est dénué de tout fondement.

Ceux qui avec Jean Picard le placent à l'année 1116, confondent fans doute un premier Concile de Soiffons tenu par Conon en 1115, avec celui où il jugea Abélard. Ils s'appuyent

(x) Ad annum 1119. T. XII. p. 133.

Fff

d'ailleurs fur le témoignage de Gautier, & citent mal-à-propos un paffage de fon Hiftoire d'Arrouaife où l'on voit, selon eux, que le Cardinal Conon mourut le 9 Août 1117. Or il est certain que le Concile de Soiffons où fut condamné Abélard, étoit préfidé par ce Légat, donc on doit, difent-ils, en fixer l'époque au plus tard à l'an 1116.

Je ne fais comment une copie informe de ce manuscrit a paffé dans le public. J'ai obfervé ailleurs que De Locre en a imprimé un extrait infidele fous l'année 1190 de fes Annales: mais ce qui eft plus étonnant, c'eft que les Bollandistes ont cru le donner tout entier au 13 Janvier, & le rapportent comme une preuve authentique de la fainteté d'Heldémare. J'avertis que cette piece telle qu'ils l'ont publiée, est trèsdifférente de l'original, dont l'on trouvera une copie exacte parmi les pieces juftificatives.

C'est cependant ce témoignage de Gautier qui a occafionné des difputes férieuses au fujet de la date du Concile de Soiffons dont il s'agit ici. Quelle doit être la furprise des amateurs de l'hiftoire, d'apprendre qu'il n'existe point dans l'original! On y trouve, il eft vrai, le jour & le mois, V. idus Augufti, (y) mais non l'année de la mort du Légat Conon. L'Auteur fe contente de dire que cet homme illuftre mourut à Préneste le 9 Août, du tems de l'Abbé Gervais, lequel remplaça Richer, troifieme & dernier Prévôt d'Arrouaife, décédé le 8 Mai 1121. On voit que ce texte annonce précisément le contraire du prétendu paffage.

Les preuves que le P. Alexandre apporte en faveur de fon

(y) L'ancien Nécrologe d'Arrouaife n'en dit pas davantage. V. idus Augufti, O. D. Cono Preneslinenfis Epifcopus Cardinalis, hujus loci inflitutor; pro quo novem Lectiones fiunt.

« 이전계속 »