» Pierre, à la Mi-Août & à la Touffaint; & tout cela fans égard à mille circonftances qu'on auroit dû prévoir ou que » ces bonnes filles auroient dû représenter. » Cette réflexion seroit jufte, fi la faignée eût été abfolument ordonnée; mais elle n'étoit que de confeil. Ponce Évêque d'Arras, fur l'abdication faite de toute propriété par les nobles Demoiselles d'Étrum, leur donna par un Décret de Février 1221, plufieurs Règlements touchant la vie commune. Il statue qu'il fera affigné dix livres parifis (v) pour les quatre faignées générales, & vingt pour deux lasts de Harangs &c. Il veut auffi qu'elles fe baignent tous les quinze jours.

A quoi bon ces faignées, m'a-t-on demandé fouvent. Plufieurs opinent qu'on les croyoit capables d'aider à remplir le vœu le plus délicat de la Religion. Cette opinion n'est point fondée. Mais écoutons St. Bernard: « deux chofes, dit-il, (w) » engagent à faigner; quelquefois c'eft la qualité, quelquefois

Pro duabus leciis allecium
Quindenis fingulis

(v) Pro quatuor generalibus minutionibus decem libre. & centum ligaturis alarum fingulis annis vigenti libre parienfium. abluantur. AƐlum anno &c. Cart. de l'Évêché d'Arras, N°. 75, fol. 91. Le last étoit de dix mille, le mille de dix cents, le cent dè fix vingts. De Locre parle d'une donation de 5000 Harangs à prendre chaque année à Boulogne, faite par Mathilde Reine d'Angleterre & Comteffe de Boulogne, à l'Abbaye de St. Éloi. (Fol. 289.) Plufieurs Abbayes des Pays-Bas jouiffoient de pareilles Fondations. Pro centum ligaturis alarum; après avoir eherché en vain le fens de ce dernier mot dans tous les Dictionnaires du vieux langage, j'ai trouvé dans un diplome de Philippe d'Alface de 1178, qu'il signifie Anguilles. « Pro penfa alarum. ab eo quicumque Broborc tenuerit, viginti folidos... Annuatim.... Dari decrevi. Marguerite Comteffe de Flandre, confirmant le don de ce Prince en 1275, traduit penfa alarum par une poife d'Anguilles. C'eft dans ce fens qu'il faut entendre le penfa alarum dont parle Ducange, V. Ala, & qu'il prend pour une mesure de Bierre.

Il ajoute

(w) Sermone 108 de spirituali minutione fanguinis. Ed. Mab. Parif. 1667. un peu plus bas : In fanguine corporis invenire eft, ubi excreverit nimis, non jam nutrimentum afferre corpori, fed detrimentum,

» c'est la quantité du fang. L'abondance immodérée n'en eft » pas moins nuisible que la corruption. Il ne s'agit là que de fanté. Je crois que ces fréquentes faignées & les bains avoient le même but. «< I'ufage des étuves, dit M. de St. Foix, (¿) » étoit anciennement auffi commun en France, même parmi le » peuple, qu'il l'eft & l'a toujours été dans la Grece & dans » l'Afie. On y alloit prefque tous les jours. St. Rigobert fit » bâtir des bains pour les Chanoines de fon Eglise & leur » fourniffoit le bois pour chauffer l'eau. Grégoire de Tours parle de Religieufes qui avoient quitté leur Couvent parce » qu'on s'y comportoit dans le bain avec peu de modeftie. » Adrien I recommandoit au Clergé de chaque Paroiffe d'aller »fe baigner proceffionnellement tous les Jeudis en chantant des pfeaumes. >>

»

« Les anciens, écrit M. Rollin dans fon Traité des Études, » (&) n'ufoient point de lin pour les chemises qui contribuent » beaucoup pourtant à la propreté & à la fanté, & c'est une >> aes raisons qui rendoient chez eux le bain absolument nécef» faire. » Auffi St. Auguftin qui étoit né en Afrique, fit-il dans sa regle un article particulier touchant le bain.

Obfervons que le défaut de linge & l'obligation prefqu'univerfelle parmi les personnes religieufes de fe coucher avec fes habits, d'un autre côté le maigre continuel, fur-tout le poiffon falé, devoient beaucoup échauffer & altérer le fang. En falloitil davantage pour donner lieu au fyftême des Instituteurs Monaftiques touchant la faignée? Son ufage d'ailleurs étoit en général plus fréquent alors qu'il ne l'eft aujourd'hui, comme dans les mêmes fiecles la lepre étoit une maladie très-commune. On peut juger combien elle infectoit de perfonnes, par le

(1) Effais Hift. fur Paris, art. Rue des Vieilles Étuves. (&) Tom. IV. P. 292.

grand

grand nombre d'Hôpitaux établis autrefois dans toute l'Europe pour les recueillir.

Je reviens au Livre de l'Ordre. Chap. 189. Si un Frere profès veut, pour quelque caufe que ce foit, quitter fa Maison & paffer dans une autre, son Abbé ne pourra lui en donner la permiffion fans le confentement du Chapitre.

Chap. 190. Que nul Chanoine d'une autre Congrégation défirant demeurer dans nos Maisons, n'y foit reçu, à moins qu'il ne veuille s'y fixer pour toujours. Que nul Clerc ne porte une chape blanche, excepté par pauvreté, mais jamais au dehors. Que nul Clerc ou lai ne porte une chauffure de toile, à moins qu'il n'en ait une permiffion expreffe.

J'ai parlé des chapitres 191, 192, 193, 194, 196, qui concernent l'Assemblée des Chapitres généraux, les filiations & autres matieres, & que j'ai comparés avec la Charte de charité de l'Ordre de Citeaux.

Chap. 197. Que perfonne ne féduife un fujet qui fe présente pour être Convers, & ne cherche à l'attirer dans fa Maison, lorfqu'il défire s'attacher à une autre.

Chap. 198. Si quelque Chanoine ou Convers quitte sa Maison furtivement & fuit dans une autre, qu'on l'engage à retourner: s'il refufe de le faire, qu'on ne lui donne l'hofpitalité que pour une nuit, & s'il porte encore l'habit canonique, qu'on le lui ôte, à moins qu'il n'ait été Chanoine avant d'entrer parmi

nous.

Chap. 199. Depuis les ides de Septembre jusqu'à Pâques, nous jeûnons tous les jours, fauf les Dimanches. Nous gardons dans l'Avent la même abftinence que dans le Carême, excepté aux Fêtes de neuf leçons.

Chap. 200. L'Abbé aura foin de pourvoir à l'habillement des Freres felon que l'ordonne la religion & que l'exige la profeffion

K

de pauvreté, enforte qu'ils ne murmurent ni de la couleur ni de la qualité de leurs habits. Il fuffira qu'ils aient trois tuniques, (aa) une péliffe on robe de peau, un furplis, une aumuffe, une chape, des hauts-de-chauffe, des brodequins, des chauffons, & à caufe du travail, un fcapulaire. Pour ce qui eft du lit, ils auront un matelas de laine, un traverfin & un linceul ou drap.

On fera étonné fans doute de rencontrer ici le fcapulaire & pas le rochet. J'en dirai la raifon lorfque je rendrai compte du Chapitre général de 1233.

Chap. 201. Tous les jours de jeûne où l'on peut travailler, nous le faisons une fois le jour, c'est-à-dire depuis le Chapitre qui se tient après tierce jufqu'à none. Lorsque nous ne jeûnons pas, nous travaillons deux fois le jour, depuis le Chapitre qui fuit l'heure de prime jufqu'à tierce, & depuis none jufqu'à vêpres.

Chap. 202. Tous les Freres clercs ou lais garderont un filence continuel dans toute l'étendue de la Maifon, à moins qu'il ne faille crier au feu ou au voleur. (bb) Quelles que foient les

(aa) Sufficiant... Unicuique tres tunice, pellicia una, fuperpellicium, pallium-opertorium, cappa, femoralia, calige, pedules, & propter laborem, scapulare. Leftualia verò hujufmodi fufficiant: culcitra de floccis lanea, capitale, linteolum. Dans un exemplaire des Us & Coutumes d'Arrouaife confervé à Hénin- Liétard, on lit: Pedules, & ubi laboratur, fcapulare. In lectis verò, per ordinem, habcant culcitram de lana vel borra, capitale, linteamen, auriculare.

(bb) Le filence des Cloîtres étoit alors fi rigoureux qu'on y avoit abfolument fubftitué à la parole le langage des fignes. Wautier ayant quitté l'Abbaye de St. Nicaise de Rheims pour gouverner celle de St. Amand, fut fort molefté par fes nouveaux Moines. Parmi les reproches qu'ils lui faifoient, ils fe plaignoient de ce qu'il étoit fi peu inftruit dans la difcipline religieufe, qu'il ne favoit pas exprimer par le moyen des doigts, une feve, der fromage ou des œufs. Steph. Torn. Ep. 211. Cette pratique a quelquefois paru aux Évêques digne de leur attention. Elle eft recommandée par le 24. Canon du Concile de Chateau-Gontier. V. Labbe. T. XI. P. 438.

perfonnes qui arrivent au Monaftere, parents ou étrangers, ils ne demanderont point la permiffion de leur parler.

Ce chapitre étoit, comme je l'ai dit, le dernier du Livre de l'Ordre. Les trente - fept qui fuivent font des Statuts qui ont été faits fucceffivement & felon le befoin. Plufieurs concernent la discipline particuliere des Convers. J'en renvoie à la marge (cc) quelques-uns qui ne peuvent intéreffer que peu de mes Lecteurs: on trouvera plus bas ceux qui regardent la réception & l'épreuve des novices & je donnerai ici tout entier le chapitre 236. qui contient différentes Conftitutions rédigées par des Chapitres généraux.

« Il a été statué que nul Clerc ou lai fugitif de notre » Ordre ne pourra rentrer dans l'Abbaye ou dans l'Habitation » d'où il fera forti, que par l'exprès commandement de fon » Abbé, après qu'il aura long-tems & avec humilité demandé

(cc) Cap. 214. Nullus extrà refectorium bibere prefumat, nifi propter Epifcopos & ejufdem

ordinis Abbates.

Cap. 217. Nullus clericus aut laicus habeat pileum Turcarum. La mode des Bonnets de Turc étoit venue apparemment des Croisades.

Cap. 222. Si.... contigerit quod poft mortem alicujus aliqua proprietas circà ipfum vel apud alium ab ipfo commendata, fuerit inventa, quam ante obitum non refignaverit, chriftianorum careat fepultura.

Cap. 227. Celui-ci ne peut avoir été porté dans le temps où duroit encore la premiere ferveur des Arroafiens: Si qui Canonici vel Converfi abfque Abbatis vel Prioris affenfu, more fecularium, vinum aut carnes vel pifces, invicem emere prefumpferint, indè convicti, quadraginta dies à vino & carnibus cum pifcibus omnino abftineant, & in eorumdem dierum feriis fextis panis & aque jejunio fubjaceant. Abbas etiam, fi de hoc convidos huic penitentie non fubdiderit, ipfe fimili Sententie dupliciter fubjacebit.

Cap. 238. Si quis ebrietatis reus fuerit, & hoc ex confuetudine habuerit, ab ebrietatis comperte die ufque ad capitulum annuale vinum nullatenùs bibat. Ajoutez d'après l'exemplaire d'Hénin-Liétard cité ci-dessus : Qui verò, & fi non ex confuetudine, manifeste tamen inebriatur, per tres dies accipiat in capitulo difciplinam, & una die in conventu jejunet in pane & aqua