un fil qui pût les conduire dans les fentiers tortueux & innombrables, dans les landes arides de ce vafte labyrinthe, où il s'était enfoncé avec eux.

En effet, que l'on confulte ceux qui ont feuilleté cette énorme Compilation, dont le fonds était fi riche, & qui pouvait réunir tant d'agrément à tant d'inftruction, ils vous diront tous que le Livre leur eft tombé cent fois des mains, & ceux qui ont mis le plus de conftance à le lire, le regardent comme un Livre plus fait pour être confulté que pour être iu de fuite. Et cependant, quel Ouvrage plus fusceptible d'une lecture fuivie & agréable, qu'une Relatic de Voyages?

D'où vient donc que cette Compilation de l'Abbé Prévôt, fi intéreffante & fi curieuse dans quelques parties, eft en total fi faftidieuse & fi pénible à lire ? Il s'en offre bien des raifons.

1.° Il n'y a nul choix, nulle fobriété dans l'emploi des matériaux: tout y eft indiftin&tement mis en œuvre ; & pour un

Voyage vraiment digne d'attention par une découverte importante, par des connaiffances exactes, par des détails attachans, il y en a dix qui ne contiennent que des aventures communes, des vues fuperficielles, des descriptions rebattues. On a fur- tout entaffé, les uns fur les autres, de fimples Journaux de Navigation, qui n'ont d'autre objet que de nous dire qu'un tel jour on partit de tel lieu très-connu, pour arriver à tel autre qui ne l'eft pas moins, qu'on prit hauteur à tel degré, qu'on jeta la fonde à tant de braffes, qu'on apperçut des poiffons volans, qu'on eut tel vent, &c. Cette profufion de circonftances purement nautiques, accumulées & répétées dans le Livre de l'Abbé Prévôt jusqu'à l'extrême fatiété, eft bonne à inférer dans un dépôt de connaiffances maritimes, où l'on voudrait apprendre le Pilotage; mais, comme la plupart des Lecteurs n'ont ni le befoin ni la curiofité de ces détails de marine, ils ne fervent qu'à groffir inutilement des volumes déjà trop remplis d'autres inuti

lités, & augmentent le dégoût & l'ennui. 2.° Cette Compilation manque abfolument d'ordre & de méthode. Après la distribution générale de l'Afrique, de l'Asie & de l'Amérique, on n'a eu d'autre foin que d'entaffer pêle-mêle tous les Voyageurs qui ont parlé des mêmes Pays, de maniere que le Lecteur eft ramené vingt fois aux mêmes lieux, fans apprendre rien de nouveau, & fans qu'on ait fongé, ni à lui épargner les répétitions qui le fatiguent, ni à concilier les contradictions qui l'embarraffent, ni à marquer la fucceffion des dates & des événemens. Il en résulte une confufion générale des faits, des époques & des perfonnages.

3. Quoique la profe de l'Abbé Prévôt ait en général du nombre, de la facilité & du naturel, le ftyle de l'Ouvrage.manque absolument d'intérêt & de variété : les plus grandes chofes y font racontées du même ton que les plus communes; & les Auteurs ou le Traducteur ne s'élevant jamais avec le fujet, & ne converfant point avec le

Lecteur, femblent s'être défendu de penser & de fentir. On ne trouve parmi tant de narrations, ni une réflexion fine ou profonde, ni une peinture énergique, ni un mouvement de fenfibilité. L'Éloquence & la Philofophie semblent bannies de ce long Ouvrage.

Voici maintenant ce qu'on a cru pouvoir faire pour le préfenter au Public, fous une forme plus agréable.

L'Ouvrage de l'Abbé Prévôt eft de seize volumes in-4°, en y comprenant un volume de Supplément qui eft le quinzieme, & la Table générale des matieres, qui fait le feizieme. Depuis fa mort, on a imprimé. une fuite de trois nouveaux volumes, compofés par MM. Querlon & de Leyre, & on doit publier inceffamment deux nouveaux volumes, ce qui formera en tout vingt-un tomes. On peut juger de la réduction qu'on a cru néceffaire, & du nombre des fuperfluités qui ont paru devoir être élaguées, puisque, dans cette nouvelle édition, les vingt-un Lomes in-4° font réduits à vingt-un volumes

in-8°, dans lesquels même on a compris tous les Voyages autour du Monde entrepris & exécutés depuis la mort de l'Abbé Prévôt; ceux de M. de Bougainville, à qui nous devons les premiers détails imprimés fur la Nation finguliere d'Otahiti; ceux qu'on a tentés de nos jours dans la mer du Sud, pour la découverte des Terres Auftrales, & dans la mer du Nord, pour chercher un paffage dans l'Océan Oriental, prodiges d'audace & de conftance, qui femblent le dernier effort des lumieres & des forces de l'homme, & qui doivent immortaliser les noms des Cook, des Bank, des Solander, des Wallis, des Byron, des Phipps, &c.

On voit que, dans cette derniere Partie, on n'a point travaillé d'après M. l'Abbé Prévôt. Mais on a cru néceffaire de la traiter, pour compléter l'Abrégé de l'Hif toire générale des Voyages, & conduire le Lecteur au même terme où font parvenues, en ce genre, les entreprises & les connaiffances de notre fiécle.

Il reste à expofer la méthode qu'on a