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perdre Diu, ce que peut faire la basse jalousie & l'intérêt perfonnel, & il avait présagé dèslors tous les malheurs qui arriverent bientôt aux Portugais. Nommé Commandant d'Ormuz avec mille ducats d'appointemens, il accepta la penfion, parce qu'il était pauvre, & refufa le Commandement parce qu'il ne s'en croyait pas digne. Pour le devenir, il fe livra tout entier à l'étude, & tâcha d'acquérir les connoiffances mathématiques & géographiques, néceffaires dans les voyages de long cours & dans les commande. mens maritimes. En 1540, il fuivit Etienne de Gama, frere du fameux Vafco, qui voulant venger le Portugal de l'invafion des Turcs dans l'Ile de Diu, entra dans la mer Rouge avec le deffein d'aller brûler leur flotte à Suez. Gama fut répouffé à Suez; mais il enrichit tous fes foldats du pillage de Suaquen, l'une des places les plus importantes de la côte. Caftro qui cherchait, une autre efpèce de butin, fit un Journal exact de la navigation de Gama depuis Goa jusqu'à Suez, & fa relation (a) pleine d'obfervations

(a) Elle ne fut jamais publiée en Portugais. Le Manufcrit fut trouvé dans un vaiffeau de cette Nation pris par les Anglais. Le célèbre Walter Ralheig l'acheta fix livres fterlings le fit traduire & y mit des Notes marginales, Purchaff l'inféra depuis dans fon Recueil,

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nautiques fur les diftances & les latitudes des Ports, des Caps & des Ifles de la mer Rouge, fur les marées, les courans, les écueils & les bancs de fable, eft le monument le plus utile & le plus curieux qui ait aidé les Géographes à tracer la carte de cette mer, qui depuis a été d'autant plus difficilement connue, que les vaiffeaux d'Europe qui viennent par l'Océan ne vont guères plus loin que Moka.

Caftro, Viceroi des Indes, demanda en mourant qu'on l'affiftât de quelque partie des deniers royaux, afin qu'on ne pût pas dire qu'il était mort de faim. En effet, on trouva dans fes coffres trois réaux pour toutes richesses; il jura au lit de la mort qu'il n'avait jamais touché ni aux revenus du Roi, ni à l'argent d'autrui, ferment qu'après lui aucun Gouverneur ne fut tenté de faire. Son corps fut porté à Lisbonne; mais ses exemples & fa renommée n'y arriverent que pour être un dernier monument des vertus qu'on ne devait plus revoir.

Ce fut fous le règne de Sébastien, que l'Inde fit un effort général pour chaffer les tyrans étrangers qui l'opprimaient. Le Samorin & le Roi de Cambaye attaquerent toutes les poffeffions du Malabar. Le Roi d'Achem mit le fiège devant Malaca. Goa foutint un fiège de dix mois contre Idalcan, celui-là même fur qui les Portugais.

l'avaient pris. L'intérêt & la vengeance l'excitaient également à fe reffaifir de fon bien; mais la belle défense d'Atayde le força de lever le fiége. Ce Viceroi, le dernier des héros du Portugal, ne vit pas plutôt l'ennemi retiré, qu'il courut à Chaul, combattre une armée de cent mille hommes, commandée par le Roi de Cambaye. Ce Prince & le Samorin de Calicut furent vaincus tous les deux, & l'Inde fur pacifiée. Mais ce triomphe fut le dernier éclat d'une gloireexpirante. Des ennemis plus habiles & plus opiniâtres que les Indiens, dépouillerent les déprédateurs de ces belles contrées, & s'emparerent de leurs établiffemens & de leur commerce. Les Anglais réunis avec le grand Schaabas, Roi de Perfe, affiégerent Ormuz, en 1622, & dans la fuite le ruinerent de fond en comble. Les Hollandais s'emparerent des Moluques & de Ceylan. Ils prirent Malaca. Ils fonderent Batavia dans l'Ile de Bantam, que les Portugais furent forcés d'abandonner. Ils s'emparerent de Cochin, de Cananor, de Cranganor, de Coulan, fur la côte de Malabar, & de Négapatan fur celle de Coromandel. Enfin vers le milieu du fiécle dernier, c'est-à-dire environ cent-vingt ans après les premieres conquêtes des Portugais, il ne leur reftait dans les Indes que Goa, & Méliapour, nommé par les Européens Saint-Thomé, & le

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comptoir de Macao, fur la riviere de Kanton.

Le détail de ces révolutions & de ces conquêtes appartient à l'Hiftoire, & n'entre point dans notre plan. Nous avons jeté un coup d'œil rapide fur les exploits des Portugais dans l'Inde, parce qu'ils font néceflairement liés à leurs découvertes maritimes, & qu'il femble que le même courage ait animé ces peuples, lorfqu'ils bravaient tous les dangers d'une mer inconnue, & lorfqu'ils défiaient des multitudes d'Indiens. Le goût des aventures & des entreprises extraordinaires, refte de ces mœurs de chevalerie qui avaient longtemps régné dans l'Europe, parait s'être joint alors à la foif de l'or, qui toute puiflante qu'elle eft, n'aurait pas fuffi peut-être pour engager & foutenir ces intrépides Navigateurs dans ces courses immenfes qui font fans contredit le plus bel effort de l'audace & de la patience humaine. Elles font moins étonnantes aujourd'hui que l'expérience a diminué les dangers en augmentant les lumieres, & que les établiffemens multipliés dans ces mers offrent des relâches & des fecours que n'avaient point les premiers vaiffeaux qui ont couru fans guides dans ces efpaces inconnus. C'eft ici fur-tout que les premiers pas font véritablement admirables & *méritent une gloire unique. L'antiquité n'a rien connu de fi grand; mais elle a eu le talent

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de relever de petites chofes, & Valco de Gama méritait mieux qu'Uliffe d'être le Héros d'une Odiffée. Camoëns n'était pas fans génie ; mais il fallait, pour fon fujet, d'autres pinceaux que les fiens. Il fallait ce ton de grandeur & d'élévation naturel à Homere ; & le mérite de Camoëns eft d'avoir égalé, dans *quelques Episodes, l'imagination & l'intérêt qui animent le style de Virgile. Le fujet de Camoëns eft encore à traiter, & le Poëte qui le remplirait ferait auffi fupérieur aux Chantres de la Grèce & de Rome, que le paffage du Cap des Tempêtes & la conquête des Indes, font au-deffus des Voyages d'Uliffe & ďÉnée.

Après avoir confidéré l'époque mémorable où le Portugal ouvrit aux Nations d'Europe cette vaste route autour de l'Afrique, pour pénétrer dans les mers de l'Afie, où l'on ne defcendait auparavant que par la mer Rouge, l'ordre que nous nous fommes prescrit dans cet Ouvrage nous arrête d'abord fur cette même Afrique, dont les Européens avaient dejà fréquenté les côtes, avant l'expédition de Gama; mais dont toute l'étendue, depuis la hauteur des Canaries jufqu'au Cap de Guardafou, à l'entrée du Golfe Aràbique, n'a été bien connue que depuis le pas fage du Cap de Bonne - Efpérance.

Fin du premier Livre.

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