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la barbarie, comme fi cette heureuse ignorance

des arts de destruction, n'était pas le plus doux Canariesattribut de l'humanité.

Ils avaient cependant quelque idée d'un état futur; car chaque communauté avait toujours deux Souverains, un vivant & l'autre mort. Lorfqu'ils perdaient leur Chef, ils lavaient fon corps avec beaucoup de foin, & le plaçant debout dans une caverne, ils lui mettaient à la main une forte de fceptre, avec deux cruches à fes côtés, l'une de lait, l'autre de vin, comme une provision pourfon voyage.

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Leurs armes étaient des pierres, avec une forte de dards endurcis au feu, qui les rend auffi dangereux que le fer. Pour cottes de maille, ils s'oignaient le corps du jus de certaines plantes mêlées de fuif. Cette onction qu'ils renouvellaient fouvent, leur rendait la peau fi épaiffe, qu'elle fervait encore à les défendre contre le froid.

Il parait que chaque canton avait fes ufages & fon culte de Religion particuliers. Dans l'Ile de Ténérife, on ne comptait pas moins de neuf sortes d'idolâtrie; les uns adoraient le foleil, d'autres la lune, les planettes, &c. La polygamie était un usage général; mais le Seigneur avait les premiers droits fur la virginité de toutes les femmes, qui le croyaient fort honorées lorsqu'il voulait

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en ufer. On voit que par-tout la volupté est enCanaries. trée dans les ufurpations du defpotifme le plus groffier.

Ils conferverent long-temps une pratique fort barbare. A chaque renouvellement de Seigneur, quelques jeunes perfonnes s'offraient pour être facrifiées. 11 y avait une grande fête, à la fin de laquelle ceux qui voulaient lui donner cette preuve d'affection, étaient conduits au fommet d'un rocher. Là, on prononçait des paroles mystérieuses, accompagnées de diverfes cérémonies; après quoi, les victimes fe précipitant elles-mêmes dans une profonde vallée, étaient déchirées en pièces avant que d'y arriver; mais pour récompenser ce fanglant hommage, le Seigneur fe croyait obligé de répandre toutes fortes de biens & d'honneurs fur les parens des morts; ainfi, même chez les peuplades les plus fauvages, les dévouemens ont flatté l'orgueil, & le fang a plu à la tyrannie.

Les Guanches (c'est le nom que les Espagnols leur ont donné) étaient une Nation robufte & de haute taille, mais maigre & bazannée; la plupart avaient le nez plat; ils étaient vifs, agiles, hardis & naturellement guerriers; ils parlaient peu, mais fort vîte; ils étaient fi grands mangeurs qu'un feul homme mangeait quelquefois, dans un feul repas, vingt lapins & un chevreau, Suivant la relation du Docteur Sprat, il reste

encore dans l'lfle de Ténérife, quelques defcendans de cette ancienne race, qui ne vivent que d'orge pilé, dont ils compofent une pâte avec du lait & du miel; on leur en trouve toujours des provisions fufpendues dans des peaux de boucs, au-deflus de leurs fours. Ils ne boivent pas de vin, & la chair des animaux n'est pas une nourriture qui les tente. Ils font fi agiles & fi légers, qu'ils defcendent du haut des montagnes en fautant de rochers en rochers. Ils fe fervent d'ane forte de pique, longue de neuf ou dix pieds, fur laquelle ils s'appuient pour s'élancer ou pour gliffer d'un lieu à l'autre, & pour brifer les angles qui s'oppofent à leur paffage, pofant le pied dans des lieux qui n'ont pas fix pouces de largeur. Le Chevalier Richard Hawkins attefte qu'il les a vu monter & defcendre ainfi des montagnes escarpées, dont la feule perspective l'effrayait. Sprat raconte l'Hiftoire de vingt-huit prifonniers , que le Gouverneur Espagnol avait fait conduire dans un Château d'immenfe hau→ teur, où il les croyait bien renfermés, & d'où ils ne laifferent pas de s'échapper, au travers des précipices, avec une hardieffe & une agilité incroyables. Il ajoute qu'ils ont une maniere extraordinaire de fiffler, qui fe fait entendre de cinq milles; ce qui eft confirmé par le témoi gnage des Efpagnols. Il affure encore qu'ayant fait

Canaries.

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fiffler un Guanche près de fon oreille, il fut plus Canaries, de quinze jours fans pouvoir entendre parfai

tement,

On trouve auffi dans Sprat que les Guanches emploient les pierres dans leurs combats, & qu'ils ont l'art de les lancer avec autant de force qu'une balle de moufquet. Cada - Mosto affure la même chofe, & s'accorde avec Sprat dans la plus grande partie de cette relation. Ils disent tous deux fur le témoignage de leurs propres yeux, que ces Barbares jetent une pierre avec tant de jufteffe, qu'ils font sûrs d'atteindre au but qu'on leur marque, & avec tant de force, que d'un petit. nombre de coups, ils brifent un bouclier, & fi loin, qu'on la perd de vue dans l'air. Ainfi, les peuples Sauvages, en ajoutant à l'énergie des organes naturels, font parvenus quelquefois à ba lancer les inventions de notre industrie & l'homme de la fociété, malgré tous les avantatages artificiels eft quelquefois petit devant

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l'homme de la Nature.

A l'égard des productions de ces Ifles, les Espagnols n'y trouverent ni bled, ni vin à leur arrivée. Ce qu'il y avait alors de plus utile était le fromage, qui était fort bon dans son espèce, les peaux de boucs que les Habitans passaient en perfection, & le fuif, qu'ils avaient en abondance, Dans la fuite, on y a planté des vignes &

femé toutes fortes de grains. Lorfque Sir Richard
Hawkins fit le voyage en 1593 à il
y trouva du
vin & du bled de la production du pays; mais
il s'engendre dans le bled un ver qui fe nomme
gorgoffio, & qui en confume toute la fubftance
fans endommager la peau. Les Canaries ont donné
depuis avec le vin &le bled, du fucre, des conferves,
de l'orcal, de la poix qui ne fond point au foleil,
& qui eft propre par conféquent aux gros ou-
vrages des vaiffeaux, du fer, des fruits de toutes
les bonnes espèces, & beaucoup de bestiaux. La
plupart de ces Ifles peuvent fournir aux bâti-
mens leur provifion d'eau. Toutes les relations
s'accordent à les repréfenter comme une fource
féconde de toutes fortes de commodités, mais
relevent particulierement les beftiaux, le bled, le
miel, la cire, le fucre, le fromage & les peaux.
Le vin des Canaries eft agréable & très-fort. Il
fe tranfporte dans toutes les parties du monde.
Robert prétend que c'eft le meilleur vin de
l'Univers. Linfchoten confirme tout ce qu'on
dit de la fertilité des Canaries. Il ajoute qu'il
n'y a pas de grains qu'elles ne produifent
avec la même abondance, & parmi les bef
tiaux qu'elles nourriffent, il compte les cha

meaux.

Le Maire rend le même témoignage à la

Canaries,

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