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fans réserve, joints à l'excès de la chaleur, ruine Canaries. raient bientôt les plus vigoureux tempéramens.

Auffi les Portugais même les plus riches s'impofent des régles de fobriété dont ils ne s'écartent prefque jamais. Ils ne preffent point leurs conyives de boire. Les domeftiques qui fervent dans un repas ont toujours la bouteille à la main, mais ils attendent fi exactement l'ordre des maîtres pour leur offrir du vin, qu'un fimple figne ne ferait pas entendu. Cette affectation de tempérance eft portée fi loin, qu'un Portugais n'oferait uriner dans les rues, parce qu'il s'expoferait au reproche d'ivrognerie.

Les Habitans de Madere ont beaucoup de gravité dans leur parure & portent communément le noir, par déférence, comme Ovington fe l'imagine, pour le Clergé de l'Ifle, qui s'y eft mis en poffeffion d'une extrême autorité. Mais ils ne peuvent être un moment fans l'épée & le poignard. Les valets mêmes ne quittent point ces ornemens inféparables l'un de l'autre. On les voit fervir à table, l'affiete à la main l'épée au côté, jusques dans les plus grandes chaleurs; & leurs épées font d'une longueur

extraordinaire.

Les maisons n'ont rien néanmoins qui fente le fafte. L'édifice & les meubles font de la même

fimplicité. On voit peu de bâtimens qui aient plus d'un étage. Les fenêtres font fans vitres & Canaries, demeurent ouvertes pendant tout le jour. Le foir, elles fe ferment avec des volets de bois. Le pays ne produit aucun animal venimeux. Mais il s'y trouve un nombre infini de lézards qui nuifent beaucoup aux fruits & aux raisins. Les ferpens & les crapaux, qui multiplient prodigieusement aux Indes, s'accommodent peu de l'air de Madere.

L'Ifle a cependant perdu de fa fertilité depuis l'origine de fes plantations. A force de fatiguer la terre on a tellement diminué fa fécondité, qu'on eft obligé dans plufieurs endroits de la laiffer reposer pendant trois ou quatre ans ; & lorsqu'elle ne produit rien après ce terme, elle eft regardée comme abfolument ftérile. Cependant on n'attribue pas moins cette altération à la molleffe des Habitans qu'à l'épuisement du terrein. L'incontinence, régne à Madere dans toutes les conditions. Ovington rejette une partie de ce défordre fur l'ufage établi de fe marier fans fe connaître & fouvent fans s'être vus. Une Dame de Madere qui fe propofait de donner fa fille à un jeune homme de la ville ayant appris qu'il avait toujours joui d'une fanté parfaite, fans s'être amulé avec les femmes de

mauvaise vie, & fans jamais avoir gagné de maCanaries, ladie honteuse, conclut que tant de fageffe ne pouvait venir que d'une conftitution faible,

& ne le crut pas propre à devenir fon gendre.

Le meurtre eft dans une forte d'eftime à Madere. Il y eft devenu comme une marque de distinction; & pour jouir d'une certaine renommée, il faut avoit trempé fes mains dans le fang. La fource de ce déteftable usage eft la protection que l'Eglife accorde' aux meurtriers. Ils trouvent un afyle inviolable dans les moindres Chapelles qui font en grand nombre. Funchal en eft rempli, & les campagnes même en ont plufieurs. C'eft affez qu'un Criminel puiffe toucher le coin de l'Autel, pour braver toutes les rigueurs de la Juftice. Le plus rude, châtiment qu'il ait à craindre eft le banniflement ou la prifon, dont il peut même fe racheter par des préfens. Ainfi, quand la Nature a placé l'homme dans un séjour où elle a tout fait pour fon bonheur, il déshonore & corrompt ces beaux préfens par la fuperftition, fource du crime & de la barbarie.

Le Clergé eft fi nombreux, qu'il parait furprenant que tant de riches Eccléfiaftiques puiffent

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fent être entretenus dans ce degré d'opulence

par le travail d'un fi petit nombre d'Habitans, Canaries.

Pour diminuer l'étonnement, les Portugais ré

pondent qu'on n'admet perfonne au Sacerdoce, s'il

ne jouit déjà de quelque bien qui l'empêche d'être à charge à l'Eglife.

Les Eglifes font les lieux où l'on enfévelit les morts. On orne avec beaucoup de foin le cadavre; mais on l'enterre fans cercueil, & l'on ne manque pas de mêler de la chaux avec la terre, pour le consumer promptement, de forte qu'en moins de quinze jours la place peut être remplie par un autre corps; précaution qui femble diminuer le danger de cette abfurde coutume de changer les Temples en cimetieres. Comme l'Eglife Romaine a décidé fur le fort des Hérétiques, elle ne traite pas leurs cadavres avec beaucoup de ménagement. Les Anglais, qui meurent à Madere, font moins confidérés que les carcaffes mêmes des bêtes; car on leur refuse toute forte. de fépulture, & leur partage eft.d'être précipités dans la mer. Ovington rapporte un exemple de cet ufage, qu'il traite de barbarie, dans un Marchand Anglais qui mourut fous fes yeux, Tous les Marchands de la même Nation voulant l'enterrer avec décence, & le fauver du moins de la rigueur du Clergé, prirent le parti de le Q

Tome I.

transporter entre les rochers, dans l'efpérance Canaries. qu'il y ferait à couvert des recherches eccléfiaftiques. Mais ils furent trahis dans leur marche. Les Portugais fe rendirent en foule au lieu de· la fépulture, exhumerent le corps, & l'expoferent aux infultes publiques; après quoi, ils le jeterent dans l'Océan. On en ufe de même aux Indes orientales, dans tous les pays de la domination Portugaife. Il n'y a pas de lieu qui paraiffe affez vil pour y enterrer un Hérétique; on appréhende que les vapeurs de fon cadavre n'infectent toute l'étendue d'un canton Catholique. Cependant la haine des Prêtres fe laiffe quelquefois adoucir par une fomme d'argent. L'Auteur rapporte l'exemple d'un enfant qui avait été fecrétement enterré. Le Clergé Portugais exigea que l'enfant fût exhumé pour recevoir le baptême. des Catholiques ; &, après cette cérémonie, il confentit qu'on lui rendît la fépulture.

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Les Chanoines de l'Eglife Cathédrale jouiffent du plus heureux fort du monde, fi le bonheur consiste à ne connaître ni la pauvreté ni le travail. Leur Régle les oblige, à la vérité, de fe rendre à l'Eglife dès quatre heures du matin. Mais comme cette heure ne favorise point assez le goût qu'ils ont pour le repos, Ovington a remarqué

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