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dans une cargaifon & quel était leur pays ou leur Roberts. demeure. Il ajouta que les écrits & les titres pou vaient le faire fous un autre nom que celui de Roberts, & lui fervir jufqu'à la fin de fa vente; après quoi, il pourrait reprendre fon véritable nom, & s'affurer ainfi de n'être jamais dé

couvert..

Roberts fe vit forcé de reconnaître qu'il y avait non-feulement de la vraisemblance, mais une espèce de certitude dans cette propofition. Il loua même l'efprit & l'habileté de Ruffel. Cependant, après avoir confeflé qu'un plan fi adroit pouvait le mettre à couvert, il eut le courage de déclarer qu'il était retenu par un motif beaucoup plus puiffant que paffion de s'enrichir : c'était fa conscience, dont il craignait les remords. Delà, s'étendant fur la néceffité de la reftitution, il toucha plufieurs points qu'il crut capables de réveiller dans fes Auditeurs quelque fentiment de repentir. En effet fon difcours produifit différentes impreffions. Les uns le féliciterent fur fon éloquence, & lui dirent qu'il était propre à faire un bon Aumônier de vailleau. D'autres lui déclarerent brufquement qu'ils n'avaient pas befoin de Prédicateur,

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que les Pirates n'avaient pas d'autre Dieu que l'argent, ni d'autre Sauveur que leur épée. Mais il s'en trouva auffi quelques-uns qui louerent fes principes, & qui fouhaiterent que l'humanité

du moins fut plus refpectée dans leur troupe. Cette variété de propos fut. fuivie de quelques momens de filence. Mais Ruffel le rompit, pour prouver à Roberts par quantité de fophifines, qu'en fuppofant même que la piraterie fût un crime, ce n'en pouvait être un pour lui de recevojt ce que les Pirates auraient enlevé, parce qu'il n'aurait pas de part à leurs prifes, & qu'il était prifonnier malgré lui. Suppofeż, lui dit-il, que nous ayons pris la réfolution de brûler notre butin, ou de le jeter dans la mer; que devient le droit du propriétaire, lorfque fon vaiffeau & fes marchandifes font brûlés? L'impoffibilité de fe les faire jamais reftituer, anéantit toutes fortes de droits. Dites-moi, conclut Ruflel, fi nous ne faifons pas la même chofe, lorfque nous vous donnons ce qu'il dépend de nous de brûler.

Lo & tous les fpectateurs femblaient prendre plaifir à cette difpute; mais Roberts s'appercevant que le ton de fon adverfaire devenait plus aigre, brifa tout d'un-coup, en déclarant qu'il reconnaiffait à la troupe, le pouvoir de difpofer de lui, mais qu'ayant été traité jufqu'alors avec tant de générosité, il ne faifait pas moins de fond fur leur bonté à l'avenir; que s'il leur plaifait de lui rendre fa félouque, c'était l'unique grace qu'il leur demandait, & qu'il espérait par un

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travail honnête, de réparer fes pertes préfentes. Roberts. Lo, touché de ce difcours, fe tourna vers l'affemblée: Meffieurs, dit-il, je trouve que ce pauvre homme ne propose rien que de raisonnable, & je fuis d'avis qu'il faut lui rendre fa felouque: Qu'en penfez-vous, Meffieurs? le plus grand nombre répondit oui, & le différend fut ainsi terminé.

Vers le foir, Ruffel voulut traiter Roberts fur fon bord, avant leur féparation. La converfation fut d'abord affez agréable. Après le fouper, on chargea la table de punch & de vin. Le Capitaine prit une rafade, & but aux fantés de la troupe. Roberts n'ofa refufer cette fanté. On but enfuite à la profpérité du commerce, dans le fens des avantages qui devait en revenit aux Pirates. La troifieme fanté fut celle du Roi de France. Enfuite Ruffel propofa celle du Roi d'Angleterre. Tout le monde la but fucceffivement jufqu'à Roberts; mais Ruffel ayant mêlé dans le punch quelques bouteilles de vin pour le fortifier, Roberts qui avait de l'averfion pour ce mêlange, demanda qu'il lui fût permis de boire cette fanté avec un verre de vin. Ici Ruffel fe mit à blafphemer, en jurant qu'il lui ferait boire une rafade de la même liqueur que la compagnie. Hé-bien, Meffieurs, reprit Roberts, je boirai plutôt que de quereller, quoique cette

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liqueur foit un poison pour moi. Tu boiras, répondit Ruffel, fût-elle pour toi le plus affreux Roberts. poifon, à moins que tu ne tombes mort en yt portant les lévres. Roberts prit le verre, qui tenait prefqu'une bouteille entiere, & porta la fanté qu'on avait nommée. La fanté de qui? interrompit Ruffel; mais, dit l'autre, c'eft la fanté qu'on vient de boire, celle du Roi d'Angleterre ; & qui eft-il, le Roi d'Angleterre ? demanda Ruffel. Il me femble, lui dit Roberts, que celui qui porte la couronne eft Roi, du moins pendant qu'il la porte. Et qui la porte infifta Ruffel. C'est le Roi Georges, répondit Roberts. Alors Ruffel entra en furie, s'e en furie, s'emporta aux dernieres. injures & jura que les Anglais n'avaient pas de Roi. Il eft furprenant, lui dit Roberts, que vous ayez propofé la fanté d'un Roi, dont vous ne reconnaiffez pas l'existence. Le furieux Corfaire fautant fur un de fes piftolets, l'auroit tué, s'il n'eût été retenu par fon voifin. Il fauta fur l'autre en répétant plufieurs fois que l'Angleterre n'avait pas d'autre Roi que le Prétendant. Ses voifins l'arrêterent encore. Le Maître Canonnier, qui était à table, homme confidéré dans sa troupe, fe leva d'un air ferme, & s'adreffant à la compagnie ; Meffieurs, leur dit-il, fi notre deffein eft de foutenir les loix qui font établies & jurées entre nous, comme je vous y crois obligés, par les

Roberts.

-plus puiffans motifs de la raifon & de notre propre intérêt, il me femble que nous devons empêcher Jean Ruffel de les violer dans les accès de fa fureur. Ruffel, qui n'était pas encore revenu à lui-même, entreprit de défendre fa conduite; mais le Canonnier s'adreffant à lui du même ton, lui déclara qu'on ne lui avait pas donné le pouvoir de tuer un homme de fangfroid, fans le confentement de la troupe, qui avait les prifonniers fous fa protection. Je vois, ajouta t-il, que ce qui vous irrite eft de n'avoir pu violer nos articles au fujet de Roberts; on faura mettre un frein à vos emportemens, & garder le prifonnier jusqu'à demain, pour le mener à bord du Général, qui ordonnera de fon fort avec plus d'équité. Toute la compagnie pa raiffant approuver ce difcours, Ruffel à qui l'on avait ôté fes armes, reçut ordre de demeurer tranquille s'il ne voulait offenfer la troupe, & fe voir traiter comme un mutin. Le Canonnier dit à Roberts qu'on l'aurait conduit fur-le-champ au Général, s'il n'eût été défendu par un ordre exprès, de recevoir les chaloupes après neuf heures du foir.

Le lendemain, il fut transporté fur le vaisleau de Lo, qui lui promit fa protection. Dans l'après midi, Ruffel vint à bord, accompagné de François Spriggo, Commandant du troifieme vaisseau

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