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& abfurde d'interdire à quelques Provinces de l'État une culture utile qu'on encourageroit dans d'autres, & que fi les épiceries fines étoient concentrées à l'Ile de France, elles pourroient y être détruites par un ouragan ou par les fuites d'une guerre malheureufe. Il fe hâta de prendre les ordres du Roi, & de faire paffer des mufcadiers & gérofliers, tant à l'Ifle de Bourbon qu'à la Guyane Françoife. Ils ont très-bien réussi dans l'une & dans l'autre Colonie. Ils commencent à pouvoir y devenir un objet de commerce; & leurs fruits aclimatés y font auffi beaux & auffi parfumés aujourd'hui que dans les Moluques mêmes..

» M. Poivre avoit acheté de la Compagnie des Indes, dans un lieu nommé Montplaifir, un enclos peu diftant du port de l'Ile de France. Il en avoit fait à fes frais un magnifique jardin, qui le difpute à ceux que la Compagnie Hollandoife des Indes fait cultiver au Cap de Bonne-Efpérance, & qui, plus riche qu'eux encore, renferme prefque toutes les plantes utiles des deux hémisphères. Il y paffoit tout le temps que les devoirs de l'adminiftration pouvoient lui laiffer libre; car propre comme Caton, à influer fur les mœurs & fur les affaires publiques, M. Poivre avoit encore avec ce grand Homme le rapport d'aimer à diriger tous les détails des travaux champêtres, & il y étoit d'une grande habileté.

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>> Il adepuis cédé au Roi pour le inême prix qu'il l'avoit achetée de la Compagnie, cette habitation fi intéreffante aux yeux des Savans.

& des Citoyens, qui fentent qu'il peut être plus important d'acquérir une plante utile qu'une Province. Il a fait hommage à la patrie des dépenfes, des améliorations, des travaux confidérables qu'il avoit confacrés à enrichir le jardin, & qui l'ont rendu un des plus précieux du globe entier. Il avoit inftruit dans tous les détails de la culture asiatique M. de Céré, auquel il avoit destiné la direction du jardin de Montplaifir, dont il ne put le mettre en poffeffion, mais qui depuis en a été chargé, conformément à fes vûes; & M. de Céré a juftifié ce choix par fes foins, fes lumières & fon courage. On aura peine à croire que cette dernière qualité ait été bien néceffaire à M. de Céré pour la confervation & l'entretien d'un jardin appartenant à Sa Majesté. On aura encore plus de peine à croire que, même après le fuccès, & depuis le départ de M. Poivre, il fe foit trouvé des gens qui, fans autre motif que la jalousie, ayent mis à tâche de détruire les plantes précieufes qu'il avoit introduites à l'Ile de France, avec prefque autant d'activité qu'il en avoit déployé pour les y apporter. Ces faits, qui font vrais, viennent encore de nous être atteftés par un Miniftre du Roi, fous les yeux duquel ils fe font paffés, & qui a eu befoin de tout fon crédit pour empêcher le jardin & les plantes qu'il renferme d'être anéantis, & pour protéger M. de Céré contre les ennemis que fon zèle patriotique, à con

ferver le fruit des travaux de M. Poivre, lui avoit attirés.

» Si les épiceries font un jour une richeffe pour la France, le nom de M. de Céré ne doit pas être plus oublié que celui de fon illuftre ami, auquel la reconnoiffance des Cultivaveurs a élevé à Cayenne un monument noble & fimple dans le jardin de M. de Gers, au centre de quatre belles allées de gérofliers, & pour qui l'Hiftoire en élevera certainement un plus durable dans le fouvenir de la postérité, délivrée d'un monopole onéreux, & enrichie d'un grand nombre de cultures précieuses.

La follicitude de cet homme également actif & bienfaifant, ne fe bornoit pas aux objets foumis à fon administration. Il mettoit avec raison la plus grande importance à faire déterminer, par de bonnes obfervations aftronomiques, la pofition de la multitude d'ifles & d'écueils qui féparent l'Inde de l'Ifle de France. Il avoit engagé M. l'Abbé Rochon, fon ami, qui étoit de l'Académie de Marine, & qui eft aujourd'hui de celle des Sciences, à fe charger de cet intéreffant travail. Il avoit fait toutes fortes de préparatifs pour lui rendre le voyage plus commode & moins pénible. Au moment de l'embarquement, un conflit d'autorité empêcha le départ de M. l'Abbé Rochon. M. Poivre en eut beaucoup de chagrin. Il voyoit échapper une occafion qui fembloit favorable de faire des recher

ches bien utiles. Il éprouva encore qu'il faut toujours fufpendre fon opinion fur les événemens. C'étoit dans le vaiffeau de l'eftimable & malheureux Capitaine Marion, que M. l'Abbé Rochon avoit dû s'embarquer. On fut peu à-près que cet homme habile & vertueux avoit été affaffiné & dévoré par les antropophages de la nouvelle Zélande; & M. Poivre eut à remercier le ciel des contradictions qui, en retenant M. l'Abbé Rochon, Pavoient fouftrait à un danger affreux. Ils pleurèrent ensemble le Capitaine Marion, qu'ils aimoient tous deux, & s'en devinrent plus chers l'un à l'autre.

» M. Poivre, arrivant à Versailles, y trouva l'apparence d'une difgrace. Deux ans s'écoulèrent avant qu'on lui rendît la justice que méritoit fon adminiftration. Mais, fous le nouveau règne, M. Turgot, l'ami & l'exemple de tous les gens de bien,

... fe montra le protecteur éclairé de M. Poivre. Les témoignages les plus honorables de la fatisfaction du Roi furent accordés à fes fervices, & douze mille francs de penfion furent ajoutés au cordon de S. Michel, qu'il avoit déjà reçu.

» M. Poivre parloit avec beaucoup de facilité & de grace, mais toujours avec fimplicité. Ayant vu & bien vu une prodigieufe multitude de chofes & d'hommes, avec des connoiffances très-étendues & une mémoire admirable, il n'avoit jamais le ton affirmatif.

pour

Il étoit indulgent par nature & par réflexion, les travers autant que pour les foibleffes de l'humanité. Il aimoit la fociété des gens d'efprits, & fupportoit celle des fots. On trouve, difoit il, à s'inftruire avec tout le monde. Les méchans même affligeoient plus qu'ils ne courrouçoient fon cœur. Jamais aucun emportement n'a fouillé ni dérangé la tranquille & paifible dignité qui le caracté rifoit; un heureux mêlange de raison & de bonté lui avoit donné un fang-froid inaltérable, & l'avoit rendu fupérieur aux paffions. Très eu d'hommes ont porté aufli loin que lui la philofophie pratique.

(Cet Article eft de M. de L. C.)

DE l'état civil des perfonnes & de la condition des terres dans les Gaules, dès les temps Celtiques, jufqu'à la rédaction des Coutumes; par M. Perreciot, Tréforier de France, au Bureau des Finances de Befançon. 2 vol. in 4°. A Befançon, chez L'Épagnès, & fe trouve à Paris, chez Royez, quai des Auguftins.

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Valois, Boulainvilliers, l'Abbé Dubos, Montefquieu, l'Abbé de Mably & d'autres Écrivains ont voulu débrouiller le chaos des Loix & des Coutumes féodales; mais leurs recherches.qui paroiffent effrayantes, ont été

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