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poffeffion de fes Etats. Le Prince ne s'y opofa nullement, foit parceque le parti de la Reine étoit le plus puiffant, foit parcequ'aïant amaffé de grandes richeffes, il vouloit en joüir tranquillement, éloigné des agitations qu'entraîne avec foi le gouvernement d'un Roïaume; fi bien que le petit Roi Pierre, aïant juré entre les mains du Sénéchal, fon oncle, d'obferver les Affifes, & les bonnes Coûtumes & Uz du Roïaume, le Gouverneur lui remit le Bâton de commandement. A peine les cérémonies furentelles achevées, que le Roi, inftruit par fa mere, déclara le Comte de Rochas fon premier Miniftre & Favori, ne croïant pas qu'il y eûr un fujet ni plus fidele, ni plus propre à lui conferver la Couronne. Le Prince & le Connêtable, quoiqu'ils euffent de cette élévation un chagrin mortel, jugerent à propos de n'en rien faire paroître, attendant le tems & l'occafion de le manifefter, avec d'autant plus de raifon, que le Roi, qui étoit extraordinairement gras, ne promettoit pas une longue vie. L'année de fon Couronnement étoit à "peine paffée, qu'il alla à Famagoufte, fuivant la coûtume, pour y recevoir la Couronne de Jerufalem. Il y fut fuivi de toute la Nobleffe, & d'une grande

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partie du peuple, attirés par

la curio

fité de voir les cérémonies, & pour montrer leur affection pour le Roi. 1372. Les Confuls de Venife & de Génes avoient été invités à cette folemnité, ceux de Génes avoient toûjours & partout cédé le pas aux Vénitiens; mais Paganico Doria,homme altier, fe mit en tête de nouvelles prétentions, & par la haine que fe portoient ces deux Nations ennemies l'une de l'autre, il refolut de ne point céder la place, & de la prendre de force. Ainfi aïant fait armer quantité de Génois, il prit fon tems après la cérémonie du Couronnement. Sa Majefté fortoit de l'Eglife, parmi les cris & les applaudiffemens du peuple, lorfque le Conful Doria courut fe -mettre à la droite du Roi; le Conful Vénitien, qui n'étoit pas d'avis de laiffer ufurper cette prérogative, & qui fe perfuada qu'on en vouloit directement à fa perfonne, parcequ'aucun des Prédécefleurs du Conful Génois n'avoit jamais rien entrepris de femblable, tâcha avec violence de repouffer Doria, & les deux Nations étoient prêtes d'en venir aux mains, lorfque le Comte de Rochas, qui s'entremit, plaça le Prince à la droite du Roi, & le Seigneur de Sur à fa gauche, & lui marchant

avec le Conful de Venife, laiffa le Génois derriere. Le Roi mit au Confeil la queftion de cette préféance, incapable de lui-même de décider d'une chofe qui n'avoit jufques-là fouffert aucune difficulté; chacun conclud d'abord en faveur du Conful de Venife, eu égard à la poffeffion qui n'avoit jamais été interrompuë, & à la grandeur de la République, qui avoit toûjours été fort au-deffus de celle de Génes. La préféance fut donc accordée au Vénitien au feftin qui fe fit, mais Doria en conçût tant de dépit, qu'après qu'on eut oté les tables pour commencer le bal, il ne pût s'empêcher de proférer quelques paroles très-offenfantes contre le Conful Vénitien. Malipiero, qui fe fentit choqué par l'endroit le plus fenfible, donna un démenti à Doria ; s'offrit de le lui foûtenir l'épée à la main hors du lieu où ils étoient. La colere de Doria changée en fureur, l'obligea de mettre les armes à la main, fecondé par trois autres Génois, Jules Taliari, Bernabo Frizzo, & Galduffe Tufian, qui étoient les plus ardens & les plus téméraires, auffi furent-ils fuivis par tous ceux de la même nation, qui'n'atten doient que cette occafion pour exécu ter leur dangereuse réfolution. Il n'y

avoit que deux Vénitiens qui euffent des épées, le Conful & Jean-Marc Corparo, feuls Nobles de la Nation Vénitienne; c'étoit pour lors un ufage établi, que perfonne, excepté les Gentilshommes, n'avoit droit de porter ni épée, ni aucune autre arme dans le Palais, & en prefence des Rois de Chypre. Les Vénitiens fe défendirent courageufement avec tout ce qui leur venoit à la main, quoiqu'ils fuffent prêts à fuccomber, la partie étant par trop inégale. Le Roi courut au bruit, & aïant aperçu la fupercherie & l'infolence des Génois, il cria qu'ils euffent à s'arrêter, mais ils n'en firent rien, & le Roi, qui crut fon autorité & fes ordres méprifes, ordonna qu'on fit main-basse fur les Génois, qui n'aïant point le titre de Noble fe trouveroient armés. Les foldats de la garde du Roi, étant entrés, jetterent par les fenêtres fix ou huit Génois, & tuerent Thomas Sigalle, Dominique Doria, un Savoiard & un Notaire, qui tous l'épée nuë à la main, tâchoient de vendre cherement leur vie. Le peuple qui y étoit accouru, voiant qu'on tuoit les Génois, qui étoient d'ailleurs infuportables par leur orguëil, & par leur avarice, s'imagina aifément qu'ils avoient tenté quelque

noire trahison, il courut avec précipitation à leurs maisons, & au Bureau où étoient leurs marchandifes, qu'il pilla, affommant tous les Génois qui fe trouvoient à fa rencontre. Le Roi, averti de ce défordre,craignit de fe faire ennemie cette Nation, qui fe rendoit formidable par fes richeffes; il y envoja promptement le Comte de Rochas,avec des foldats de la garde, qui retinrent la fureur du menu peuple. Le Comte étoit occupé à faire rendre les marchandifes qu'on avoit déja enlevées, lorfqu'arriverent tous les Vénitiens avec la Banniere de Saint Marc déploïée : le Comte leur commanda de mettre les armes bas, & de fe retirer chez eux fans rien entreprendre davantage.

Le Conful Doria, faifi d'une crainte mortelle d'avoir vû tuer les fiens, étoit refté immobile comme une statue dans un coin de la falle: ce fut là où le Prince lui fit, au nom du Roi, une rude reprimande, le menaça même de la mort, non feulement pour avoir caufé le défordre & le trouble à la fête folemnelle que le Roi donnoit à fa Cour, mais encore pour avoir mis › par fon pernicieux exemple, fa Perfonne facrée dans un danger évident de la mort. Le Conful s'excufa comme il put, ce n'é

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